Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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«Il n’est point arrivé malheur à la reine? s’écria Buckingham, répandant toute sa pensée et tout son amour dans cette interrogation.
– Je ne crois pas; cependant je crois qu’elle court quelque grand péril dont Votre Grâce seule peut la tirer.
– Moi? s’écria Buckingham. Eh quoi! je serais assez heureux pour lui être bon à quelque chose! Parlez! parlez!
– Prenez cette lettre, dit d’Artagnan.
– Cette lettre! de qui vient cette lettre?
– De Sa Majesté, à ce que je pense.
– De Sa Majesté!» dit Buckingham, pâlissant si fort que d’Artagnan crut qu’il allait se trouver mal.
Et il brisa le cachet.
«Quelle est cette déchirure? dit-il en montrant à d’Artagnan un endroit où elle était percée à jour.
– Ah! ah! dit d’Artagnan, je n’avais pas vu cela; c’est l’épée du comte de Wardes qui aura fait ce beau coup en me trouant la poitrine.
– Vous êtes blessé? demanda Buckingham en rompant le cachet.
– Oh! rien! dit d’Artagnan, une égratignure.
– Juste Ciel! qu’ai-je lu! s’écria le duc. Patrice, reste ici, ou plutôt rejoins le roi partout où il sera, et dis à Sa Majesté que je la supplie bien humblement de m’excuser, mais qu’une affaire de la plus haute importance me rappelle à Londres. Venez, monsieur, venez.»
Et tous deux reprirent au galop le chemin de la capitale.
CHAPITRE XXI
Tout le long de la route, le duc se fit mettre au courant par d’Artagnan non pas de tout ce qui s’était passé, mais de ce que d’Artagnan savait. En rapprochant ce qu’il avait entendu sortir de la bouche du jeune homme de ses souvenirs à lui, il put donc se faire une idée assez exacte d’une position de la gravité de laquelle, au reste, la lettre de la reine, si courte et si peu explicite qu’elle fût, lui donnait la mesure. Mais ce qui l’étonnait surtout, c’est que le cardinal, intéressé comme il l’était à ce que le jeune homme ne mît pas le pied en Angleterre, ne fût point parvenu à l’arrêter en route. Ce fut alors, et sur la manifestation de cet étonnement, que d’Artagnan lui raconta les précautions prises, et comment, grâce au dévouement de ses trois amis qu’il avait éparpillés tout sanglants sur la route, il était arrivé à en être quitte pour le coup d’épée qui avait traversé le billet de la reine, et qu’il avait rendu à M. de Wardes en si terrible monnaie. Tout en écoutant ce récit, fait avec la plus grande simplicité, le duc regardait de temps en temps le jeune homme d’un air étonné, comme s’il n’eût pas pu comprendre que tant de prudence, de courage et de dévouement s’alliât avec un visage qui n’indiquait pas encore vingt ans.
Les chevaux allaient comme le vent, et en quelques minutes ils furent aux portes de Londres. D’Artagnan avait cru qu’en arrivant dans la ville le duc allait ralentir l’allure du sien, mais il n’en fut pas ainsi: il continua sa route à fond de train, s’inquiétant peu de renverser ceux qui étaient sur son chemin. En effet, en traversant la Cité deux ou trois accidents de ce genre arrivèrent; mais Buckingham ne détourna pas même la tête pour regarder ce qu’étaient devenus ceux qu’il avait culbutés. D’Artagnan le suivait au milieu de cris qui ressemblaient fort à des malédictions.
En entrant dans la cour de l’hôtel, Buckingham sauta à bas de son cheval, et, sans s’inquiéter de ce qu’il deviendrait, il lui jeta la bride sur le cou et s’élança vers le perron. D’Artagnan en fit autant, avec un peu plus d’inquiétude, cependant, pour ces nobles animaux dont il avait pu apprécier le mérite; mais il eut la consolation de voir que trois ou quatre valets s’étaient déjà élancés des cuisines et des écuries, et s’emparaient aussitôt de leurs montures.
Le duc marchait si rapidement, que d’Artagnan avait peine à le suivre. Il traversa successivement plusieurs salons d’une élégance dont les plus grands seigneurs de France n’avaient pas même l’idée, et il parvint enfin dans une chambre à coucher qui était à la fois un miracle de goût et de richesse. Dans l’alcôve de cette chambre était une porte, prise dans la tapisserie, que le duc ouvrit avec une petite clef d’or qu’il portait suspendue à son cou par une chaîne du même métal. Par discrétion, d’Artagnan était resté en arrière; mais au moment où Buckingham franchissait le seuil de cette porte, il se retourna, et voyant l’hésitation du jeune homme:
«Venez, lui dit-il, et si vous avez le bonheur d’être admis en la présence de Sa Majesté, dites-lui ce que vous avez vu.»
Encouragé par cette invitation, d’Artagnan suivit le duc, qui referma la porte derrière lui.
Tous deux se trouvèrent alors dans une petite chapelle toute tapissée de soie de Perse et brochée d’or, ardemment éclairée par un grand nombre de bougies. Au-dessus d’une espèce d’autel, et au-dessous d’un dais de velours bleu surmonté de plumes blanches et rouges, était un portrait de grandeur naturelle représentant Anne d’Autriche, si parfaitement ressemblant, que d’Artagnan poussa un cri de surprise: on eût cru que la reine allait parler.
Sur l’autel, et au-dessous du portrait, était le coffret qui renfermait les ferrets de diamants.
Le duc s’approcha de l’autel, s’agenouilla comme eût pu faire un prêtre devant le Christ; puis il ouvrit le coffret.
«Tenez, lui dit-il en tirant du coffre un gros nœud de ruban bleu tout étincelant de diamants; tenez, voici ces précieux ferrets avec lesquels j’avais fait le serment d’être enterré. La reine me les avait donnés, la reine me les reprend: sa volonté, comme celle de Dieu, soit faite en toutes choses.»
Puis il se mit à baiser les uns après les autres ces ferrets dont il fallait se séparer. Tout à coup, il poussa un cri terrible.
«Qu’y a-t-il? demanda d’Artagnan avec inquiétude, et que vous arrive-t-il, Milord?
– Il y a que tout est perdu, s’écria Buckingham en devenant pâle comme un trépassé; deux de ces ferrets manquent, il n’y en a plus que dix.
– Milord les a-t-il perdus, ou croit-il qu’on les lui ait volés?
– On me les a volés, reprit le duc, et c’est le cardinal qui a fait le coup. Tenez, voyez, les rubans qui les soutenaient ont été coupés avec des ciseaux.
– Si Milord pouvait se douter qui a commis le vol… Peut-être la personne les a-t-elle encore entre les mains.
– Attendez, attendez! s’écria le duc. La seule fois que j’ai mis ces ferrets, c’était au bal du roi, il y a huit jours, à Windsor. La comtesse de Winter, avec laquelle j’étais brouillé, s’est rapprochée de moi à ce bal. Ce raccommodement, c’était une vengeance de femme jalouse. Depuis ce jour, je ne l’ai pas revue. Cette femme est un agent du cardinal.
– Mais il en a donc dans le monde entier! s’écria d’Artagnan.
– Oh! oui, oui, dit Buckingham en serrant les dents de colère; oui, c’est un terrible lutteur. Mais cependant, quand doit avoir lieu ce bal?
– Lundi prochain.
– Lundi prochain! cinq jours encore, c’est plus de temps qu’il ne nous en faut. Patrice! s’écria le duc en ouvrant la porte de la chapelle, Patrice!»
Son valet de chambre de confiance parut.
«Mon joaillier et mon secrétaire!»
Le valet de chambre sortit avec une promptitude et un mutisme qui prouvaient l’habitude qu’il avait contractée d’obéir aveuglément et sans réplique.
Mais, quoique ce fût le joaillier qui eût été appelé le premier, ce fut le secrétaire qui parut d’abord. C’était tout simple, il habitait l’hôtel. Il trouva Buckingham assis devant une table dans sa chambre à coucher, et écrivant quelques ordres de sa propre main.
«Monsieur Jackson, lui dit-il, vous allez vous rendre de ce pas chez le lord-chancelier, et lui dire que je le charge de l’exécution de ces ordres. Je désire qu’ils soient promulgués à l’instant même.
– Mais, Monseigneur, si le lord-chancelier m’interroge sur les motifs qui ont pu porter Votre Grâce à une mesure si extraordinaire, que répondrai-je?