Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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L’hôtelier avait l’air du plus honnête homme de la terre, il reçut les voyageurs son bougeoir d’une main et son bonnet de coton de l’autre; il voulut loger les deux voyageurs chacun dans une charmante chambre, malheureusement chacune de ces chambres était à l’extrémité de l’hôtel. D’Artagnan et Athos refusèrent; l’hôte répondit qu’il n’y en avait cependant pas d’autres dignes de Leurs Excellences; mais les voyageurs déclarèrent qu’ils coucheraient dans la chambre commune, chacun sur un matelas qu’on leur jetterait à terre. L’hôte insista, les voyageurs tinrent bon; il fallut faire ce qu’ils voulurent.
Ils venaient de disposer leur lit et de barricader leur porte en dedans, lorsqu’on frappa au volet de la cour; ils demandèrent qui était là, reconnurent la voix de leurs valets et ouvrirent.
En effet, c’étaient Planchet et Grimaud.
«Grimaud suffira pour garder les chevaux, dit Planchet; si ces messieurs veulent, je coucherai en travers de leur porte; de cette façon-là, ils seront sûrs qu’on n’arrivera pas jusqu’à eux.
– Et sur quoi coucheras-tu? dit d’Artagnan.
– Voici mon lit», répondit Planchet.
Et il montra une botte de paille.
«Viens donc, dit d’Artagnan, tu as raison: la figure de l’hôte ne me convient pas, elle est trop gracieuse.
– Ni à moi non plus», dit Athos.
Planchet monta par la fenêtre, s’installa en travers de la porte, tandis que Grimaud allait s’enfermer dans l’écurie, répondant qu’à cinq heures du matin lui et les quatre chevaux seraient prêts.
La nuit fut assez tranquille, on essaya bien vers les deux heures du matin d’ouvrir la porte, mais comme Planchet se réveilla en sursaut et cria: Qui va là? on répondit qu’on se trompait, et on s’éloigna.
À quatre heures du matin, on entendit un grand bruit dans les écuries. Grimaud avait voulu réveiller les garçons d’écurie, et les garçons d’écurie le battaient. Quand on ouvrit la fenêtre, on vit le pauvre garçon sans connaissance, la tête fendue d’un coup de manche à fourche.
Planchet descendit dans la cour et voulut seller les chevaux; les chevaux étaient fourbus. Celui de Mousqueton seul, qui avait voyagé sans maître pendant cinq ou six heures la veille, aurait pu continuer la route; mais, par une erreur inconcevable, le chirurgien vétérinaire qu’on avait envoyé chercher, à ce qu’il paraît, pour saigner le cheval de l’hôte, avait saigné celui de Mousqueton.
Cela commençait à devenir inquiétant: tous ces accidents successifs étaient peut-être le résultat du hasard, mais ils pouvaient tout aussi bien être le fruit d’un complot. Athos et d’Artagnan sortirent, tandis que Planchet allait s’informer s’il n’y avait pas trois chevaux à vendre dans les environs. À la porte étaient deux chevaux tout équipés, frais et vigoureux. Cela faisait bien l’affaire. Il demanda où étaient les maîtres; on lui dit que les maîtres avaient passé la nuit dans l’auberge et réglaient leur compte à cette heure avec le maître.
Athos descendit pour payer la dépense, tandis que d’Artagnan et Planchet se tenaient sur la porte de la rue; l’hôtelier était dans une chambre basse et reculée, on pria Athos d’y passer.
Athos entra sans défiance et tira deux pistoles pour payer: l’hôte était seul et assis devant son bureau, dont un des tiroirs était entrouvert. Il prit l’argent que lui présenta Athos, le tourna et le retourna dans ses mains, et tout à coup, s’écriant que la pièce était fausse, il déclara qu’il allait le faire arrêter, lui et son compagnon, comme faux-monnayeurs.
«Drôle! dit Athos, en marchant sur lui, je vais te couper les oreilles!»
Au même moment, quatre hommes armés jusqu’aux dents entrèrent par les portes latérales et se jetèrent sur Athos.
«Je suis pris, cria Athos de toutes les forces de ses poumons; au large, d’Artagnan! pique, pique!» et il lâcha deux coups de pistolet.
D’Artagnan et Planchet ne se le firent pas répéter à deux fois, ils détachèrent les deux chevaux qui attendaient à la porte, sautèrent dessus, leur enfoncèrent leurs éperons dans le ventre et partirent au triple galop.
«Sais-tu ce qu’est devenu Athos? demanda d’Artagnan à Planchet en courant.
– Ah! monsieur, dit Planchet, j’en ai vu tomber deux à ses deux coups, et il m’a semblé, à travers la porte vitrée, qu’il ferraillait avec les autres.
– Brave Athos! murmura d’Artagnan. Et quand on pense qu’il faut l’abandonner! Au reste, autant nous attend peut-être à deux pas d’ici. En avant, Planchet, en avant! tu es un brave homme.
– Je vous l’ai dit, monsieur, répondit Planchet, les Picards, ça se reconnaît à l’user; d’ailleurs je suis ici dans mon pays, ça m’excite.»
Et tous deux, piquant de plus belle, arrivèrent à Saint-Omer d’une seule traite. À Saint-Omer, ils firent souffler les chevaux la bride passée à leurs bras, de peur d’accident, et mangèrent un morceau sur le pouce tout debout dans la rue; après quoi ils repartirent.
À cent pas des portes de Calais, le cheval de d’Artagnan s’abattit, et il n’y eut pas moyen de le faire se relever: le sang lui sortait par le nez et par les yeux, restait celui de Planchet, mais celui-là s’était arrêté, et il n’y eut plus moyen de le faire repartir.
Heureusement, comme nous l’avons dit, ils étaient à cent pas de la ville; ils laissèrent les deux montures sur le grand chemin et coururent au port. Planchet fit remarquer à son maître un gentilhomme qui arrivait avec son valet et qui ne les précédait que d’une cinquantaine de pas.
Ils s’approchèrent vivement de ce gentilhomme, qui paraissait fort affairé. Il avait ses bottes couvertes de poussière, et s’informait s’il ne pourrait point passer à l’instant même en Angleterre.
«Rien ne serait plus facile, répondit le patron d’un bâtiment prêt à mettre à la voile; mais, ce matin, est arrivé l’ordre de ne laisser partir personne sans une permission expresse de M. le cardinal.
– J’ai cette permission, dit le gentilhomme en tirant un papier de sa poche; la voici.
– Faites-la viser par le gouverneur du port, dit le patron, et donnez-moi la préférence.
– Où trouverai-je le gouverneur?
– À sa campagne.
– Et cette campagne est située?
À un quart de lieue de la ville; tenez, vous la voyez d’ici, au pied de cette petite Éminence, ce toit en ardoises.
– Très bien!» dit le gentilhomme.
Et, suivi de son laquais, il prit le chemin de la maison de campagne du gouverneur.
D’Artagnan et Planchet suivirent le gentilhomme à cinq cents pas de distance.
Une fois hors de la ville, d’Artagnan pressa le pas et rejoignit le gentilhomme comme il entrait dans un petit bois.
«Monsieur, lui dit d’Artagnan, vous me paraissez fort pressé?
– On ne peut plus pressé, monsieur.
– J’en suis désespéré, dit d’Artagnan, car, comme je suis très pressé aussi, je voulais vous prier de me rendre un service.
– Lequel?
– De me laisser passer le premier.
– Impossible, dit le gentilhomme, j’ai fait soixante lieues en quarante-quatre heures, et il faut que demain à midi je sois à Londres.
– J’ai fait le même chemin en quarante heures, et il faut que demain à dix heures du matin je sois à Londres.
– Désespéré, monsieur; mais je suis arrivé le premier et je ne passerai pas le second.
– Désespéré, monsieur; mais je suis arrivé le second et je passerai le premier.
– Service du roi! dit le gentilhomme.
– Service de moi! dit d’Artagnan.
– Mais c’est une mauvaise querelle que vous me cherchez là, ce me semble.
– Parbleu! que voulez-vous que ce soit?
– Que désirez-vous?
– Vous voulez le savoir?
– Certainement.
– Eh bien, je veux l’ordre dont vous êtes porteur, attendu que je n’en ai pas, moi, et qu’il m’en faut un.
– Vous plaisantez, je présume.
– Je ne plaisante jamais.
– Laissez-moi passer!
– Vous ne passerez pas.
– Mon brave jeune homme, je vais vous casser la tête. Holà, Lubin! mes pistolets.