Les trois mousquetaires
Les trois mousquetaires читать книгу онлайн
On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
Comme les deux amis causaient depuis quelques instants, un serviteur de M. de Tréville entra porteur d’un paquet cacheté.
«Qu’est-ce là? demanda Aramis.
– Le congé que monsieur a demandé, répondit le laquais.
– Moi, je n’ai pas demandé de congé.
– Taisez-vous et prenez, dit d’Artagnan. Et vous, mon ami, voici une demi-pistole pour votre peine; vous direz à M. de Tréville que M. Aramis le remercie bien sincèrement. Allez.»
Le laquais salua jusqu’à terre et sortit.
«Que signifie cela? demanda Aramis.
– Prenez ce qu’il vous faut pour un voyage de quinze jours, et suivez-moi.
– Mais je ne puis quitter Paris en ce moment, sans savoir…»
Aramis s’arrêta.
«Ce qu’elle est devenue, n’est-ce pas? continua d’Artagnan.
– Qui? reprit Aramis.
– La femme qui était ici, la femme au mouchoir brodé.
– Qui vous a dit qu’il y avait une femme ici? répliqua Aramis en devenant pâle comme la mort.
– Je l’ai vue.
– Et vous savez qui elle est?
– Je crois m’en douter, du moins.
– Écoutez, dit Aramis, puisque vous savez tant de choses, savez-vous ce qu’est devenue cette femme?
– Je présume qu’elle est retournée à Tours.
– À Tours? oui, c’est bien cela, vous la connaissez. Mais comment est-elle retournée à Tours sans me rien dire?
– Parce qu’elle a craint d’être arrêtée.
– Comment ne m’a-t-elle pas écrit?
– Parce qu’elle craint de vous compromettre.
– D’Artagnan, vous me rendez la vie! s’écria Aramis. Je me croyais méprisé, trahi. J’étais si heureux de la revoir! Je ne pouvais croire qu’elle risquât sa liberté pour moi, et cependant pour quelle cause serait-elle revenue à Paris?
– Pour la cause qui aujourd’hui nous fait aller en Angleterre.
– Et quelle est cette cause? demanda Aramis.
– Vous le saurez un jour, Aramis; mais, pour le moment, j’imiterai la retenue de la nièce du docteur.»
Aramis sourit, car il se rappelait le conte qu’il avait fait certain soir à ses amis.
«Eh bien, donc, puisqu’elle a quitté Paris et que vous en êtes sûr, d’Artagnan, rien ne m’y arrête plus, et je suis prêt à vous suivre. Vous dites que nous allons?…
– Chez Athos, pour le moment, et si vous voulez venir, je vous invite même à vous hâter, car nous avons déjà perdu beaucoup de temps. À propos, prévenez Bazin.
– Bazin vient avec nous? demanda Aramis.
– Peut-être. En tout cas, il est bon qu’il nous suive pour le moment chez Athos.»
Aramis appela Bazin, et après lui avoir ordonné de le venir joindre chez Athos:
«Partons donc», dit-il en prenant son manteau, son épée et ses trois pistolets, et en ouvrant inutilement trois ou quatre tiroirs pour voir s’il n’y trouverait pas quelque pistole égarée. Puis, quand il se fut bien assuré que cette recherche était superflue, il suivit d’Artagnan en se demandant comment il se faisait que le jeune cadet aux gardes sût aussi bien que lui quelle était la femme à laquelle il avait donné l’hospitalité, et sût mieux que lui ce qu’elle était devenue.
Seulement, en sortant, Aramis posa sa main sur le bras de d’Artagnan, et le regardant fixement:
«Vous n’avez parlé de cette femme à personne? dit-il.
– À personne au monde.
– Pas même à Athos et à Porthos?
– Je ne leur en ai pas soufflé le moindre mot.
– À la bonne heure.»
Et, tranquille sur ce point important, Aramis continua son chemin avec d’Artagnan, et tous deux arrivèrent bien tôt chez Athos.
Ils le trouvèrent tenant son congé d’une main et la lettre de M. de Tréville de l’autre.
«Pouvez-vous m’expliquer ce que signifient ce congé et cette lettre que je viens de recevoir?» dit Athos étonné.
«Mon cher Athos, je veux bien, puisque votre santé l’exige absolument, que vous vous reposiez quinze jours. Allez donc prendre les eaux de Forges ou telles autres qui vous conviendront, et rétablissez-vous promptement.
«Votre affectionné
«Tréville»
«Eh bien, ce congé et cette lettre signifient qu’il faut me suivre, Athos.
– Aux eaux de Forges?
– Là ou ailleurs.
– Pour le service du roi?
– Du roi ou de la reine: ne sommes-nous pas serviteurs de Leurs Majestés?»
En ce moment, Porthos entra.
«Pardieu, dit-il, voici une chose étrange: depuis quand, dans les mousquetaires, accorde-t-on aux gens des congés sans qu’ils les demandent?
– Depuis, dit d’Artagnan, qu’ils ont des amis qui les demandent pour eux.
– Ah! ah! dit Porthos, il paraît qu’il y a du nouveau ici?
– Oui, nous partons, dit Aramis.
– Pour quel pays? demanda Porthos.
– Ma foi, je n’en sais trop rien, dit Athos; demande cela à d’Artagnan.
– Pour Londres, messieurs, dit d’Artagnan.
– Pour Londres! s’écria Porthos; et qu’allons-nous faire à Londres?
– Voilà ce que je ne puis vous dire, messieurs, et il faut vous fier à moi.
– Mais pour aller à Londres, ajouta Porthos, il faut de l’argent, et je n’en ai pas.
– Ni moi, dit Aramis.
– Ni moi, dit Athos.
– J’en ai, moi, reprit d’Artagnan en tirant son trésor de sa poche et en le posant sur la table. Il y a dans ce sac trois cents pistoles; prenons-en chacun soixante-quinze; c’est autant qu’il en faut pour aller à Londres et pour en revenir. D’ailleurs, soyez tranquilles, nous n’y arriverons pas tous, à Londres.
– Et pourquoi cela?
– Parce que, selon toute probabilité, il y en aura quelques-uns d’entre nous qui resteront en route.
– Mais est-ce donc une campagne que nous entreprenons?
– Et des plus dangereuses, je vous en avertis.
– Ah çà, mais, puisque nous risquons de nous faire tuer, dit Porthos, je voudrais bien savoir pourquoi, au moins?
– Tu en seras bien plus avancé! dit Athos.
– Cependant, dit Aramis, je suis de l’avis de Porthos.
– Le roi a-t-il l’habitude de vous rendre des comptes? Non; il vous dit tout bonnement: “Messieurs, on se bat en Gascogne ou dans les Flandres; allez vous battre”, et vous y allez. Pourquoi? vous ne vous en inquiétez même pas.
– D’Artagnan a raison, dit Athos, voilà nos trois congés qui viennent de M. de Tréville, et voilà trois cents pistoles qui viennent je ne sais d’où. Allons nous faire tuer où l’on nous dit d’aller. La vie vaut-elle la peine de faire autant de questions? D’Artagnan, je suis prêt à te suivre.
– Et moi aussi, dit Porthos.
– Et moi aussi, dit Aramis. Aussi bien, je ne suis pas fâché de quitter Paris. J’ai besoin de distractions.
– Eh bien, vous en aurez, des distractions, messieurs, soyez tranquilles, dit d’Artagnan.
– Et maintenant, quand partons-nous? dit Athos.
– Tout de suite, répondit d’Artagnan, il n’y a pas une minute à perdre.
– Holà! Grimaud, Planchet, Mousqueton, Bazin! crièrent les quatre jeunes gens appelant leurs laquais, graissez nos bottes et ramenez les chevaux de l’hôtel.»
En effet, chaque mousquetaire laissait à l’hôtel général comme à une caserne son cheval et celui de son laquais.
Planchet, Grimaud, Mousqueton et Bazin partirent en toute hâte.
«Maintenant, dressons le plan de campagne, dit Porthos. Où allons-nous d’abord?
– À Calais, dit d’Artagnan; c’est la ligne la plus directe pour arriver à Londres.
– Eh bien, dit Porthos, voici mon avis.
– Parle.
– Quatre hommes voyageant ensemble seraient suspects: d’Artagnan nous donnera à chacun ses instructions, je partirai en avant par la route de Boulogne pour éclairer le chemin; Athos partira deux heures après par celle d’Amiens; Aramis nous suivra par celle de Noyon; quant à d’Artagnan, il partira par celle qu’il voudra, avec les habits de Planchet, tandis que Planchet nous suivra en d’Artagnan et avec l’uniforme des gardes.
– Messieurs, dit Athos, mon avis est qu’il ne convient pas de mettre en rien des laquais dans une pareille affaire: un secret peut par hasard être trahi par des gentilshommes, mais il est presque toujours vendu par des laquais.