Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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– Ah! ceci est trop fort!» cria Buckingham en faisant un pas vers la porte.
Felton lui barra le passage.
«Je vous le demande humblement, dit-il, signez l’ordre de mise en liberté de Lady de Winter; songez que c’est la femme que vous avez déshonorée.
– Retirez-vous, monsieur, dit Buckingham, ou j’appelle et vous fais mettre aux fers.
– Vous n’appellerez pas, dit Felton en se jetant entre le duc et la sonnette placée sur un guéridon incrusté d’argent; prenez garde, Milord, vous voilà entre les mains de Dieu.
– Dans les mains du diable, vous voulez dire, s’écria Buckingham en élevant la voix pour attirer du monde, sans cependant appeler directement.
– Signez, Milord, signez la liberté de Lady de Winter, dit Felton en poussant un papier vers le duc.
– De force! vous moquez-vous? holà, Patrick!
– Signez, Milord!
– Jamais!
– Jamais!
– À moi», cria le duc, et en même temps il sauta sur son épée.
Mais Felton ne lui donna pas le temps de la tirer: il tenait tout ouvert et caché dans son pourpoint le couteau dont s’était frappée Milady; d’un bond il fut sur le duc.
En ce moment Patrick entrait dans la salle en criant:
«Milord, une lettre de France!
– De France!» s’écria Buckingham, oubliant tout en pensant de qui lui venait cette lettre.
Felton profita du moment et lui enfonça dans le flanc le couteau jusqu’au manche.
«Ah! traître! cria Buckingham, tu m’as tué…
– Au meurtre!» hurla Patrick.
Felton jeta les yeux autour de lui pour fuir, et, voyant la porte libre, s’élança dans la chambre voisine, qui était celle où attendaient, comme nous l’avons dit, les députés de La Rochelle, la traversa tout en courant et se précipita vers l’escalier; mais, sur la première marche, il rencontra Lord de Winter, qui, le voyant pâle, égaré, livide, taché de sang à la main et à la figure, lui sauta au cou en s’écriant:
«Je le savais, je l’avais deviné et j’arrive trop tard d’une minute! oh! malheureux que je suis!»
Felton ne fit aucune résistance; Lord de Winter le remit aux mains des gardes, qui le conduisirent, en attendant de nouveaux ordres, sur une petite terrasse dominant la mer, et il s’élança dans le cabinet de Buckingham.
Au cri poussé par le duc, à l’appel de Patrick, l’homme que Felton avait rencontré dans l’antichambre se précipita dans le cabinet.
Il trouva le duc couché sur un sofa, serrant sa blessure dans sa main crispée.
«La Porte, dit le duc d’une voix mourante, La Porte, viens-tu de sa part?
– Oui, Monseigneur, répondit le fidèle serviteur d’Anne d’Autriche, mais trop tard peut-être.
– Silence, La Porte! on pourrait vous entendre; Patrick, ne laissez entrer personne: oh! je ne saurai pas ce qu’elle me fait dire! mon Dieu, je me meurs!»
Et le duc s’évanouit.
Cependant, Lord de Winter, les députés, les chefs de l’expédition, les officiers de la maison de Buckingham, avaient fait irruption dans sa chambre; partout des cris de désespoir retentissaient. La nouvelle qui emplissait le palais de plaintes et de gémissements en déborda bientôt partout et se répandit par la ville.
Un coup de canon annonça qu’il venait de se passer quelque chose de nouveau et d’inattendu.
Lord de Winter s’arrachait les cheveux.
«Trop tard d’une minute! s’écriait-il, trop tard d’une minute! oh! mon Dieu, mon Dieu, quel malheur!»
En effet, on était venu lui dire à sept heures du matin qu’une échelle de corde flottait à une des fenêtres du château; il avait couru aussitôt à la chambre de Milady, avait trouvé la chambre vide et la fenêtre ouverte, les barreaux sciés, il s’était rappelé la recommandation verbale que lui avait fait transmettre d’Artagnan par son messager, il avait tremblé pour le duc, et, courant à l’écurie, sans prendre le temps de faire seller son cheval, avait sauté sur le premier venu, était accouru ventre à terre, et sautant à bas dans la cour, avait monté précipitamment l’escalier, et, sur le premier degré, avait, comme nous l’avons dit, rencontré Felton.
Cependant le duc n’était pas mort: il revint à lui, rouvrit les yeux, et l’espoir rentra dans tous les cœurs.
«Messieurs, dit-il, laissez-moi seul avec Patrick et La Porte.
«Ah! c’est vous, de Winter! vous m’avez envoyé ce matin un singulier fou, voyez l’état dans lequel il m’a mis!
– Oh! Milord! s’écria le baron, je ne m’en consolerai jamais.
– Et tu aurais tort, mon cher de Winter, dit Buckingham en lui tendant la main, je ne connais pas d’homme qui mérite d’être regretté pendant toute la vie d’un autre homme; mais laisse-nous, je t’en prie.»
Le baron sortit en sanglotant.
Il ne resta dans le cabinet que le duc blessé, La Porte et Patrick.
On cherchait un médecin, qu’on ne pouvait trouver.
«Vous vivrez, Milord, vous vivrez, répétait, à genoux devant le sofa du duc, le messager d’Anne d’Autriche.
– Que m’écrivait-elle? dit faiblement Buckingham tout ruisselant de sang et domptant, pour parler de celle qu’il aimait, d’atroces douleurs, que m’écrivait-elle? Lis-moi sa lettre.
– Oh! Milord! fit La Porte.
– Obéis, La Porte; ne vois-tu pas que je n’ai pas de temps à perdre?»
La Porte rompit le cachet et plaça le parchemin sous les yeux du duc; mais Buckingham essaya vainement de distinguer l’écriture.
«Lis donc, dit-il, lis donc, je n’y vois plus; lis donc! car bientôt peut-être je n’entendrai plus, et je mourrai sans savoir ce qu’elle m’a écrit.»
La Porte ne fit plus de difficulté, et lut:
«Milord,
«Par ce que j’ai, depuis que je vous connais, souffert par vous et pour vous, je vous conjure, si vous avez souci de mon repos, d’interrompre les grands armements que vous faites contre la France et de cesser une guerre dont on dit tout haut que la religion est la cause visible, et tout bas que votre amour pour moi est la cause cachée. Cette guerre peut non seulement amener pour la France et pour l’Angleterre de grandes catastrophes, mais encore pour vous, Milord, des malheurs dont je ne me consolerais pas.
«Veillez sur votre vie, que l’on menace et qui me sera chère du moment où je ne serai pas obligée de voir en vous un ennemi.
«Votre affectionnée,
«Anne.»
Buckingham rappela tous les restes de sa vie pour écouter cette lecture; puis, lorsqu’elle fut finie, comme s’il eût trouvé dans cette lettre un amer désappointement:
«N’avez-vous donc pas autre chose à me dire de vive voix, La Porte? demanda-t-il.
– Si fait, Monseigneur: la reine m’avait chargé de vous dire de veiller sur vous, car elle avait eu avis qu’on voulait vous assassiner.
– Et c’est tout, c’est tout? reprit Buckingham avec impatience.
– Elle m’avait encore chargé de vous dire qu’elle vous aimait toujours.
– Ah! fit Buckingham, Dieu soit loué! ma mort ne sera donc pas pour elle la mort d’un étranger!…»
La Porte fondit en larmes.
«Patrick, dit le duc, apportez-moi le coffret où étaient les ferrets de diamants.»
Patrick apporta l’objet demandé, que La Porte reconnut pour avoir appartenu à la reine.
«Maintenant le sachet de satin blanc, où son chiffre est brodé en perles.»
Patrick obéit encore.
«Tenez, La Porte, dit Buckingham, voici les seuls gages que j’eusse à elle, ce coffret d’argent, et ces deux lettres. Vous les rendrez à Sa Majesté; et pour dernier souvenir… (il chercha autour de lui quelque objet précieux)… vous y joindrez…»
Il chercha encore; mais ses regards obscurcis par la mort ne rencontrèrent que le couteau tombé des mains de Felton, et fumant encore du sang vermeil étendu sur la lame.
«Et vous y joindrez ce couteau», dit le duc en serrant la main de La Porte.
Il put encore mettre le sachet au fond du coffret d’argent, y laissa tomber le couteau en faisant signe à La Porte qu’il ne pouvait plus parler; puis, dans une dernière convulsion, que cette fois il n’avait plus la force de combattre, il glissa du sofa sur le parquet.