Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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– Voyons votre idée, Aramis! demanda Athos, qui avait beaucoup de déférence pour le jeune mousquetaire.
– Il faut prévenir la reine.
– Ah! ma foi, oui, s’écrièrent ensemble Porthos et d’Artagnan; je crois que nous touchons au moyen.
– Prévenir la reine! dit Athos, et comment cela? Avons-nous des relations à la cour? Pouvons-nous envoyer quelqu’un à Paris sans qu’on le sache au camp? D’ici à Paris il y a cent quarante lieues; notre lettre ne sera pas à Angers que nous serons au cachot, nous.
– Quant à ce qui est de faire remettre sûrement une lettre à Sa Majesté, proposa Aramis en rougissant, moi, je m’en charge; je connais à Tours une personne adroite…»
Aramis s’arrêta en voyant sourire Athos.
«Eh bien, vous n’adoptez pas ce moyen, Athos? dit d’Artagnan.
– Je ne le repousse pas tout à fait, dit Athos, mais je voulais seulement faire observer à Aramis qu’il ne peut quitter le camp; que tout autre qu’un de nous n’est pas sûr; que, deux heures après que le messager sera parti, tous les capucins, tous les alguazils, tous les bonnets noirs du cardinal sauront votre lettre par cœur, et qu’on arrêtera vous et votre adroite personne.
– Sans compter, objecta Porthos, que la reine sauvera M. de Buckingham, mais ne nous sauvera pas du tout, nous autres.
– Messieurs, dit d’Artagnan, ce qu’objecte Porthos est plein de sens.
– Ah! ah! que se passe-t-il donc dans la ville? dit Athos.
– On bat la générale.»
Les quatre amis écoutèrent, et le bruit du tambour parvint effectivement jusqu’à eux.
«Vous allez voir qu’ils vont nous envoyer un régiment tout entier, dit Athos.
– Vous ne comptez pas tenir contre un régiment tout entier? dit Porthos.
– Pourquoi pas? dit le mousquetaire, je me sens en train; et je tiendrais devant une armée, si nous avions seulement eu la précaution de prendre une douzaine de bouteilles en plus.
– Sur ma parole, le tambour se rapproche, dit d’Artagnan.
– Laissez-le se rapprocher, dit Athos; il y a pour un quart d’heure de chemin d’ici à la ville, et par conséquent de la ville ici. C’est plus de temps qu’il ne nous en faut pour arrêter notre plan; si nous nous en allons d’ici, nous ne retrouverons jamais un endroit aussi convenable. Et tenez, justement, messieurs, voilà la vraie idée qui me vient.
– Dites alors.
– Permettez que je donne à Grimaud quelques ordres indispensables.»
Athos fit signe à son valet d’approcher.
«Grimaud, dit Athos, en montrant les morts qui gisaient dans le bastion, vous allez prendre ces messieurs, vous allez les dresser contre la muraille vous leur mettrez leur chapeau sur la tête et leur fusil à la main.
– O grand homme! s’écria d’Artagnan, je te comprends.
– Vous comprenez? dit Porthos.
– Et toi, comprends-tu, Grimaud?» demanda Aramis.
Grimaud fit signe que oui.
«C’est tout ce qu’il faut, dit Athos, revenons à mon idée.
– Je voudrais pourtant bien comprendre, observa Porthos.
– C’est inutile.
– Oui, oui, l’idée d’Athos, dirent en même temps d’Artagnan et Aramis.
– Cette Milady, cette femme, cette créature, ce démon, a un beau-frère, à ce que vous m’avez dit, je crois, d’Artagnan.
– Oui, je le connais beaucoup même, et je crois aussi qu’il n’a pas une grande sympathie pour sa belle-sœur.
– Il n’y a pas de mal à cela, répondit Athos, et il la détesterait que cela n’en vaudrait que mieux.
– En ce cas nous sommes servis à souhait.
– Cependant, dit Porthos, je voudrais bien comprendre ce que fait Grimaud.
– Silence, Porthos! dit Aramis.
– Comment se nomme ce beau-frère?
– Lord de Winter.
– Où est-il maintenant?
– Il est retourné à Londres au premier bruit de guerre.
– Eh bien, voilà justement l’homme qu’il nous faut, dit Athos, c’est celui qu’il nous convient de prévenir; nous lui ferons savoir que sa belle-sœur est sur le point d’assassiner quelqu’un, et nous le prierons de ne pas la perdre de vue. Il y a bien à Londres, je l’espère, quelque établissement dans le genre des Madelonnettes ou des Filles repenties; il y fait mettre sa belle-sœur, et nous sommes tranquilles.
– Oui, dit d’Artagnan, jusqu’à ce qu’elle en sorte.
– Ah! ma foi, reprit Athos, vous en demandez trop, d’Artagnan, je vous ai donné tout ce que j’avais et je vous préviens que c’est le fond de mon sac.
– Moi, je trouve que c’est ce qu’il y a de mieux, dit Aramis; nous prévenons à la fois la reine et Lord de Winter.
– Oui, mais par qui ferons-nous porter la lettre à Tours et la lettre à Londres?
– Je réponds de Bazin, dit Aramis.
– Et moi de Planchet, continua d’Artagnan.
– En effet, dit Porthos, si nous ne pouvons nous absenter du camp, nos laquais peuvent le quitter.
– Sans doute, dit Aramis, et dès aujourd’hui nous écrivons les lettres, nous leur donnons de l’argent, et ils partent.
– Nous leur donnons de l’argent? reprit Athos, vous en avez donc, de l’argent?»
Les quatre amis se regardèrent, et un nuage passa sur les fronts qui s’étaient un instant éclaircis.
«Alerte! cria d’Artagnan, je vois des points noirs et des points rouges qui s’agitent là-bas; que disiez-vous donc d’un régiment, Athos? c’est une véritable armée.
– Ma foi, oui, dit Athos, les voilà. Voyez-vous les sournois qui venaient sans tambours ni trompettes. Ah! ah! tu as fini, Grimaud?»
Grimaud fit signe que oui, et montra une douzaine de morts qu’il avait placés dans les attitudes les plus pittoresques: les uns au port d’armes, les autres ayant l’air de mettre en joue, les autres l’épée à la main.
«Bravo! reprit Athos, voilà qui fait honneur à ton imagination.
– C’est égal, dit Porthos, je voudrais cependant bien comprendre.
– Décampons d’abord, interrompit d’Artagnan, tu comprendras après.
– Un instant, messieurs, un instant! donnons le temps à Grimaud de desservir.
– Ah! dit Aramis, voici les points noirs et les points rouges qui grandissent fort visiblement et je suis de l’avis de d’Artagnan; je crois que nous n’avons pas de temps à perdre pour regagner notre camp.
– Ma foi, dit Athos, je n’ai plus rien contre la retraite: nous avions parié pour une heure, nous sommes restés une heure et demie; il n’y a rien à dire; partons, messieurs, partons.»
Grimaud avait déjà pris les devants avec le panier et la desserte.
Les quatre amis sortirent derrière lui et firent une dizaine de pas.
«Eh! s’écria Athos, que diable faisons-nous, messieurs?
– Avez-vous oublié quelque chose? demanda Aramis.
– Et le drapeau, morbleu! Il ne faut pas laisser un drapeau aux mains de l’ennemi, même quand ce drapeau ne serait qu’une serviette.»
Et Athos s’élança dans le bastion, monta sur la plate-forme, et enleva le drapeau; seulement comme les Rochelois étaient arrivés à portée de mousquet, ils firent un feu terrible sur cet homme, qui, comme par plaisir, allait s’exposer aux coups.
Mais on eût dit qu’Athos avait un charme attaché à sa personne, les balles passèrent en sifflant tout autour de lui, pas une ne le toucha.
Athos agita son étendard en tournant le dos aux gens de la ville et en saluant ceux du camp. Des deux côtés de grands cris retentirent, d’un côté des cris de colère, de l’autre des cris d’enthousiasme.
Une seconde décharge suivit la première, et trois balles, en la trouant, firent réellement de la serviette un drapeau. On entendit les clameurs de tout le camp qui criait:
– Descendez, descendez!»
Athos descendit; ses camarades, qui l’attendaient avec anxiété, le virent paraître avec joie.
– Allons, Athos, allons, dit d’Artagnan, allongeons, allongeons; maintenant que nous avons tout trouvé, excepté l’argent, il serait stupide d’être tués.»
Mais Athos continua de marcher majestueusement, quelque observation que pussent lui faire ses compagnons, qui, voyant toute observation inutile, réglèrent leur pas sur le sien.