Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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– Sept heures trente-cinq minutes, dit Athos; nous saurons que j’avance de cinq minutes sur vous, monsieur.»
Et, saluant les assistants ébahis, les quatre jeunes gens prirent le chemin du bastion Saint-Gervais, suivis de Grimaud, qui portait le panier, ignorant où il allait, mais, dans l’obéissance passive dont il avait pris l’habitude avec Athos, ne songeait pas même à le demander.
Tant qu’ils furent dans l’enceinte du camp, les quatre amis n’échangèrent pas une parole; d’ailleurs ils étaient suivis par les curieux, qui, connaissant le pari engagé, voulaient savoir comment ils s’en tireraient.
Mais une fois qu’ils eurent franchi la ligne de circonvallation et qu’ils se trouvèrent en plein air, d’Artagnan, qui ignorait complètement ce dont il s’agissait, crut qu’il était temps de demander une explication.
«Et maintenant, mon cher Athos, dit-il, faites-moi l’amitié de m’apprendre où nous allons?
– Vous le voyez bien, dit Athos, nous allons au bastion.
– Mais qu’y allons-nous faire?
– Vous le savez bien, nous y allons déjeuner.
– Mais pourquoi n’avons-nous pas déjeuné au Parpaillat?
Parce que nous avons des choses fort importantes à nous dire, et qu’il était impossible de causer cinq minutes dans cette auberge avec tous ces importuns qui vont, qui viennent, qui saluent, qui accostent; ici, du moins, continua Athos en montrant le bastion, on ne viendra pas nous déranger.
– Il me semble, dit d’Artagnan avec cette prudence qui s’alliait si bien et si naturellement chez lui à une excessive bravoure, il me semble que nous aurions pu trouver quelque endroit écarté dans les dunes, au bord de la mer.
– Où l’on nous aurait vus conférer tous les quatre ensemble, de sorte qu’au bout d’un quart d’heure le cardinal eût été prévenu par ses espions que nous tenions conseil.
Oui, dit Aramis, Athos a raison: Animadvertuntur in desertis.
Un désert n’aurait pas été mal, dit Porthos, mais il s’agissait de le trouver.
– Il n’y a pas de désert où un oiseau ne puisse passer au-dessus de la tête, où un poisson ne puisse sauter au-dessus de l’eau, où un lapin ne puisse partir de son gîte, et je crois qu’oiseau, poisson, lapin, tout s’est fait espion du cardinal. Mieux vaut donc poursuivre notre entreprise, devant laquelle d’ailleurs nous ne pouvons plus reculer sans honte; nous avons fait un pari, un pari qui ne pouvait être prévu, et dont je défie qui que ce soit de deviner la véritable cause: nous allons, pour le gagner, tenir une heure dans le bastion. Ou nous serons attaqués, ou nous ne le serons pas. Si nous ne le sommes pas, nous aurons tout le temps de causer et personne ne nous entendra, car je réponds que les murs de ce bastion n’ont pas d’oreilles; si nous le sommes, nous causerons de nos affaires tout de même, et de plus, tout en nous défendant, nous nous couvrons de gloire. Vous voyez bien que tout est bénéfice.
– Oui, dit d’Artagnan, mais nous attraperons indubitablement une balle.
– Eh! mon cher, dit Athos, vous savez bien que les balles les plus à craindre ne sont pas celles de l’ennemi.
– Mais il me semble que pour une pareille expédition, nous aurions dû au moins emporter nos mousquets.
– Vous êtes un niais, ami Porthos; pourquoi nous charger d’un fardeau inutile?
– Je ne trouve pas inutile en face de l’ennemi un bon mousquet de calibre, douze cartouches et une poire à poudre.
– Oh! bien, dit Athos, n’avez-vous pas entendu ce qu’a dit d’Artagnan?
– Qu’a dit d’Artagnan? demanda Porthos.
– D’Artagnan a dit que dans l’attaque de cette nuit il y avait eu huit ou dix Français de tués et autant de Rochelois.
– Après?
– On n’a pas eu le temps de les dépouiller, n’est-ce pas? attendu qu’on avait autre chose pour le moment de plus pressé à faire.
– Eh bien?
– Eh bien, nous allons trouver leurs mousquets, leurs poires à poudre et leurs cartouches, et au lieu de quatre mousquetons et de douze balles, nous allons avoir une quinzaine de fusils et une centaine de coups à tirer.
– O Athos! dit Aramis, tu es véritablement un grand homme!»
Porthos inclina la tête en signe d’adhésion.
D’Artagnan seul ne paraissait pas convaincu.
Sans doute Grimaud partageait les doutes du jeune homme; car, voyant que l’on continuait de marcher vers le bastion, chose dont il avait douté jusqu’alors, il tira son maître par le pan de son habit.
«Où allons-nous?» demanda-t-il par geste.
Athos lui montra le bastion.
«Mais, dit toujours dans le même dialecte le silencieux Grimaud, nous y laisserons notre peau.»
Athos leva les yeux et le doigt vers le ciel.
Grimaud posa son panier à terre et s’assit en secouant la tête.
Athos prit à sa ceinture un pistolet, regarda s’il était bien amorcé, l’arma et approcha le canon de l’oreille de Grimaud.
Grimaud se retrouva sur ses jambes comme par un ressort.
Athos alors lui fit signe de prendre le panier et de marcher devant.
Grimaud obéit.
Tout ce qu’avait gagné le pauvre garçon à cette pantomime d’un instant, c’est qu’il était passé de l’arrière-garde à l’avant-garde.
Arrivés au bastion, les quatre amis se retournèrent.
Plus de trois cents soldats de toutes armes étaient assemblés à la porte du camp, et dans un groupe séparé on pouvait distinguer M. de Busigny, le dragon, le Suisse et le quatrième parieur.
Athos ôta son chapeau, le mit au bout de son épée et l’agita en l’air.
Tous les spectateurs lui rendirent son salut, accompagnant cette politesse d’un grand hourra qui arriva jusqu’à eux.
Après quoi, ils disparurent tous quatre dans le bastion, où les avait déjà précédés Grimaud.
CHAPITRE XLVII
Comme l’avait prévu Athos, le bastion n’était occupé que par une douzaine de morts tant Français que Rochelois.
«Messieurs, dit Athos, qui avait pris le commandement de l’expédition, tandis que Grimaud va mettre la table, commençons par recueillir les fusils et les cartouches; nous pouvons d’ailleurs causer tout en accomplissant cette besogne. Ces messieurs, ajouta-t-il en montrant les morts, ne nous écoutent pas.
– Mais nous pourrions toujours les jeter dans le fossé, dit Porthos, après toutefois nous être assurés qu’ils n’ont rien dans leurs poches.
– Oui, dit Aramis, c’est l’affaire de Grimaud.
– Ah! bien alors, dit d’Artagnan, que Grimaud les fouille et les jette par-dessus les murailles.
– Gardons-nous-en bien, dit Athos, ils peuvent nous servir.
– Ces morts peuvent nous servir? dit Porthos. Ah çà, vous devenez fou, cher ami.
– Ne jugez pas témérairement, disent l’évangile et M. le cardinal, répondit Athos; combien de fusils, messieurs?
– Douze, répondit Aramis.
– Combien de coups à tirer?
– Une centaine.
– C’est tout autant qu’il nous en faut; chargeons les armes.»
Les quatre mousquetaires se mirent à la besogne. Comme ils achevaient de charger le dernier fusil, Grimaud fit signe que le déjeuner était servi.
Athos répondit, toujours par geste, que c’était bien, et indiqua à Grimaud une espèce de poivrière où celui-ci comprit qu’il se devait tenir en sentinelle. Seulement, pour adoucir l’ennui de la faction, Athos lui permit d’emporter un pain, deux côtelettes et une bouteille de vin.
«Et maintenant, à table», dit Athos.
Les quatre amis s’assirent à terre, les jambes croisées, comme les Turcs ou comme les tailleurs.
«Ah! maintenant, dit d’Artagnan, que tu n’as plus la crainte d’être entendu, j’espère que tu vas nous faire part de ton secret, Athos.
– J’espère que je vous procure à la fois de l’agrément et de la gloire, messieurs, dit Athos. Je vous ai fait faire une promenade charmante; voici un déjeuner des plus succulents, et cinq cents personnes là-bas, comme vous pouvez les voir à travers les meurtrières, qui nous prennent pour des fous ou pour des héros, deux classes d’imbéciles qui se ressemblent assez.