Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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– Puis, observa Aramis, Dieu veut la conversion et non la mort du pécheur.
– Amen, dit Athos, et nous reviendrons là-dessus plus tard, si tel est votre plaisir; mais ce qui, pour le moment, me préoccupait le plus, et je suis sûr que tu me comprendras, d’Artagnan, c’était de reprendre à cette femme une espèce de blanc-seing qu’elle avait extorqué au cardinal, et à l’aide duquel elle devait impunément se débarrasser de toi et peut-être de nous.
– Mais c’est donc un démon que cette créature? dit Porthos en tendant son assiette à Aramis, qui découpait une volaille.
– Et ce blanc-seing, dit d’Artagnan, ce blanc-seing est-il resté entre ses mains?
– Non, il est passé dans les miennes; je ne dirai pas que ce fut sans peine, par exemple, car je mentirais.
– Mon cher Athos, dit d’Artagnan, je ne compte plus les fois que je vous dois la vie.
– Alors c’était donc pour venir près d’elle que vous nous avez quittés? demanda Aramis.
– Justement. Et tu as cette lettre du cardinal? dit d’Artagnan.
– La voici», dit Athos.
Et il tira le précieux papier de la poche de sa casaque.
D’Artagnan le déplia d’une main dont il n’essayait pas même de dissimuler le tremblement et lut:
«C’est par mon ordre et pour le bien de l’État que le porteur du présent a fait ce qu’il a fait.
«5 décembre 1627
«Richelieu»
«En effet, dit Aramis, c’est une absolution dans toutes les règles.
– Il faut déchirer ce papier, s’écria d’Artagnan, qui semblait lire sa sentence de mort.
– Bien au contraire, dit Athos, il faut le conserver précieusement, et je ne donnerais pas ce papier quand on le couvrirait de pièces d’or.
– Et que va-t-elle faire maintenant? demanda le jeune homme.
– Mais, dit négligemment Athos, elle va probablement écrire au cardinal qu’un damné mousquetaire, nommé Athos, lui a arraché son sauf-conduit; elle lui donnera dans la même lettre le conseil de se débarrasser, en même temps que de lui, de ses deux amis, Porthos et Aramis; le cardinal se rappellera que ce sont les mêmes hommes qu’il rencontre toujours sur son chemin; alors, un beau matin il fera arrêter d’Artagnan, et, pour qu’il ne s’ennuie pas tout seul, il nous enverra lui tenir compagnie à la Bastille.
– Ah çà, mais, dit Porthos, il me semble que vous faites là de tristes plaisanteries, mon cher.
– Je ne plaisante pas, répondit Athos.
– Savez-vous, dit Porthos, que tordre le cou à cette damnée Milady serait un péché moins grand que de le tordre à ces pauvres diables de huguenots, qui n’ont jamais commis d’autres crimes que de chanter en français des psaumes que nous chantons en latin?
– Qu’en dit l’abbé? demanda tranquillement Athos.
– Je dis que je suis de l’avis de Porthos, répondit Aramis.
– Et moi donc! fit d’Artagnan.
– Heureusement qu’elle est loin, observa Porthos; car j’avoue qu’elle me gênerait fort ici.
– Elle me gêne en Angleterre aussi bien qu’en France, dit Athos.
– Elle me gêne partout, continua d’Artagnan.
– Mais puisque vous la teniez, dit Porthos, que ne l’avez-vous noyée, étranglée, pendue? il n’y a que les morts qui ne reviennent pas.
– Vous croyez cela, Porthos? répondit le mousquetaire avec un sombre sourire que d’Artagnan comprit seul.
– J’ai une idée, dit d’Artagnan.
– Voyons, dirent les mousquetaires.
– Aux armes!» cria Grimaud.
Les jeunes gens se levèrent vivement et coururent aux fusils.
Cette fois, une petite troupe s’avançait composée de vingt ou vingt-cinq hommes; mais ce n’étaient plus des travailleurs, c’étaient des soldats de la garnison.
«Si nous retournions au camp? dit Porthos, il me semble que la partie n’est pas égale.
– Impossible pour trois raisons, répondit Athos: la première, c’est que nous n’avons pas fini de déjeuner; la seconde, c’est que nous avons encore des choses d’importance à dire; la troisième, c’est qu’il s’en manque encore de dix minutes que l’heure ne soit écoulée.
– Voyons, dit Aramis, il faut cependant arrêter un plan de bataille.
– Il est bien simple, répondit Athos: aussitôt que l’ennemi est à portée de mousquet, nous faisons feu; s’il continue d’avancer, nous faisons feu encore, nous faisons feu tant que nous avons des fusils chargés; si ce qui reste de la troupe veut encore monter à l’assaut, nous laissons les assiégeants descendre jusque dans le fossé, et alors nous leur poussons sur la tête ce pan de mur qui ne tient plus que par un miracle d’équilibre.
– Bravo! s’écria Porthos; décidément, Athos, vous étiez né pour être général, et le cardinal, qui se croit un grand homme de guerre, est bien peu de chose auprès de vous.
– Messieurs, dit Athos, pas de double emploi, je vous prie; visez bien chacun votre homme.
– Je tiens le mien, dit d’Artagnan.
– Et moi le mien dit Porthos.
– Et moi idem, dit Aramis.
– Alors feu!» dit Athos.
Les quatre coups de fusil ne firent qu’une détonation, et quatre hommes tombèrent.
Aussitôt le tambour battit, et la petite troupe s’avança au pas de charge.
Alors les coups de fusil se succédèrent sans régularité, mais toujours envoyés avec la même justesse. Cependant, comme s’ils eussent connu la faiblesse numérique des amis, les Rochelois continuaient d’avancer au pas de course.
Sur trois autres coups de fusil, deux hommes tombèrent; mais cependant la marche de ceux qui restaient debout ne se ralentissait pas.
Arrivés au bas du bastion, les ennemis étaient encore douze ou quinze; une dernière décharge les accueillit, mais ne les arrêta point: ils sautèrent dans le fossé et s’apprêtèrent à escalader la brèche.
«Allons, mes amis, dit Athos, finissons-en d’un coup: à la muraille! à la muraille!»
Et les quatre amis, secondés par Grimaud, se mirent à pousser avec le canon de leurs fusils un énorme pan de mur, qui s’inclina comme si le vent le poussait, et, se détachant de sa base, tomba avec un bruit horrible dans le fossé: puis on entendit un grand cri, un nuage de poussière monta vers le ciel, et tout fut dit.
«Les aurions-nous écrasés depuis le premier jusqu’au dernier? demanda Athos.
– Ma foi, cela m’en a l’air, dit d’Artagnan.
– Non, dit Porthos, en voilà deux ou trois qui se sauvent tout éclopés.»
En effet, trois ou quatre de ces malheureux, couverts de boue et de sang, fuyaient dans le chemin creux et regagnaient la ville: c’était tout ce qui restait de la petite troupe.
Athos regarda à sa montre.
«Messieurs, dit-il, il y a une heure que nous sommes ici, et maintenant le pari est gagné, mais il faut être beaux joueurs: d’ailleurs d’Artagnan ne nous a pas dit son idée.»
Et le mousquetaire, avec son sang-froid habituel, alla s’asseoir devant les restes du déjeuner.
«Mon idée? dit d’Artagnan.
– Oui, vous disiez que vous aviez une idée, répliqua Athos.
– Ah! j’y suis, reprit d’Artagnan: je passe en Angleterre une seconde fois, je vais trouver M. de Buckingham et je l’avertis du complot tramé contre sa vie.
– Vous ne ferez pas cela, d’Artagnan, dit froidement Athos.
– Et pourquoi cela? ne l’ai-je pas fait déjà?
– Oui, mais à cette époque nous n’étions pas en guerre; à cette époque, M. de Buckingham était un allié et non un ennemi: ce que vous voulez faire serait taxé de trahison.»
D’Artagnan comprit la force de ce raisonnement et se tut.
«Mais, dit Porthos, il me semble que j’ai une idée à mon tour.
– Silence pour l’idée de M. Porthos! dit Aramis.
– Je demande un congé à M. de Tréville, sous un prétexte quelconque que vous trouverez: je ne suis pas fort sur les prétextes, moi. Milady ne me connaît pas, je m’approche d’elle sans qu’elle me redoute, et lorsque je trouve ma belle, je l’étrangle.
– Eh bien, dit Athos, je ne suis pas très éloigné d’adopter l’idée de Porthos.
– Fi donc! dit Aramis, tuer une femme! Non, tenez, moi, j’ai la véritable idée.