Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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CHAPITRE XLVI
En arrivant chez ses trois amis, d’Artagnan les trouva réunis dans la même chambre: Athos réfléchissait, Porthos frisait sa moustache, Aramis disait ses prières dans un charmant petit livre d’heures relié en velours bleu.
«Pardieu, messieurs! dit-il, j’espère que ce que vous avez à me dire en vaut la peine, sans cela je vous préviens que je ne vous pardonnerai pas de m’avoir fait venir, au lieu de me laisser reposer après une nuit passée à prendre et à démanteler un bastion. Ah! que n’étiez-vous là, messieurs! il y a fait chaud!
– Nous étions ailleurs, où il ne faisait pas froid non plus! répondit Porthos tout en faisant prendre à sa moustache un pli qui lui était particulier.
– Chut! dit Athos.
– Oh! oh! fit d’Artagnan comprenant le léger froncement de sourcils du mousquetaire, il paraît qu’il y a du nouveau ici.
– Aramis, dit Athos, vous avez été déjeuner avant-hier à l’auberge du Parpaillot, je crois?
– Oui.
– Comment est-on là?
– Mais, j’y ai fort mal mangé pour mon compte, avant-hier était un jour maigre, et ils n’avaient que du gras.
– Comment! dit Athos, dans un port de mer ils n’ont pas de poisson?
– Ils disent, reprit Aramis en se remettant à sa pieuse lecture, que la digue que fait bâtir M. le cardinal le chasse en pleine mer.
– Mais, ce n’est pas cela que je vous demandais, Aramis, reprit Athos; je vous demandais si vous aviez été bien libre, et si personne ne vous avait dérangé?
– Mais il me semble que nous n’avons pas eu trop d’importuns; oui, au fait, pour ce que vous voulez dire, Athos, nous serons assez bien au Parpaillot.
– Allons donc au Parpaillot, dit Athos, car ici les murailles sont comme des feuilles de papier.»
D’Artagnan, qui était habitué aux manières de faire de son ami, et qui reconnaissait tout de suite à une parole, à un geste, à un signe de lui, que les circonstances étaient graves, prit le bras d’Athos et sortit avec lui sans rien dire; Porthos suivit en devisant avec Aramis.
En route, on rencontra Grimaud, Athos lui fit signe de suivre; Grimaud, selon son habitude, obéit en silence; le pauvre garçon avait à peu près fini par désapprendre de parler.
On arriva à la buvette du Parpaillot: il était sept heures du matin, le jour commençait à paraître; les trois amis commandèrent à déjeuner, et entrèrent dans une salle où au dire de l’hôte, ils ne devaient pas être dérangés.
Malheureusement l’heure était mal choisie pour un conciliabule; on venait de battre la diane, chacun secouait le sommeil de la nuit, et, pour chasser l’air humide du matin, venait boire la goutte à la buvette: dragons, Suisses, gardes, mousquetaires, chevau-légers se succédaient avec une rapidité qui devait très bien faire les affaires de l’hôte, mais qui remplissait fort mal les vues des quatre amis. Aussi répondaient-ils d’une manière fort maussade aux saluts, aux toasts et aux lazzi de leurs compagnons.
«Allons! dit Athos, nous allons nous faire quelque bonne querelle, et nous n’avons pas besoin de cela en ce moment. D’Artagnan, racontez-nous votre nuit; nous vous raconterons la nôtre après.
– En effet, dit un chevau-léger qui se dandinait en tenant à la main un verre d’eau-de-vie qu’il dégustait lentement; en effet, vous étiez de tranchée cette nuit, messieurs les gardes, et il me semble que vous avez eu maille à partir avec les Rochelois?»
D’Artagnan regarda Athos pour savoir s’il devait répondre à cet intrus qui se mêlait à la conversation.
«Eh bien, dit Athos, n’entends-tu pas M. de Busigny qui te fait l’honneur de t’adresser la parole? Raconte ce qui s’est passé cette nuit, puisque ces messieurs désirent le savoir.
– N’avre-bous bas bris un pastion? demanda un Suisse qui buvait du rhum dans un verre à bière.
– Oui, monsieur, répondit d’Artagnan en s’inclinant, nous avons eu cet honneur, nous avons même, comme vous avez pu l’entendre, introduit sous un des angles un baril de poudre qui, en éclatant, a fait une fort jolie brèche; sans compter que, comme le bastion n’était pas d’hier, tout le reste de la bâtisse s’en est trouvé fort ébranlé.
– Et quel bastion est-ce? demanda un dragon qui tenait enfilée à son sabre une oie qu’il apportait pour qu’on la fît cuire.
– Le bastion Saint-Gervais, répondit d’Artagnan, derrière lequel les Rochelois inquiétaient nos travailleurs.
– Et l’affaire a été chaude?
– Mais, oui; nous y avons perdu cinq hommes, et les Rochelois huit ou dix.
– Balzampleu! fit le Suisse, qui, malgré l’admirable collection de jurons que possède la langue allemande, avait pris l’habitude de jurer en français.
– Mais il est probable, dit le chevau-léger, qu’ils vont, ce matin, envoyer des pionniers pour remettre le bastion en état.
– Oui, c’est probable, dit d’Artagnan.
– Messieurs, dit Athos, un pari!
– Ah! woui! un bari! dit le Suisse.
– Lequel? demanda le chevau-léger.
– Attendez, dit le dragon en posant son sabre comme une broche sur les deux grands chenets de fer qui soutenaient le feu de la cheminée, j’en suis. Hôtelier de malheur! une lèchefrite tout de suite, que je ne perde pas une goutte de la graisse de cette estimable volaille.
– Il avre raison, dit le Suisse, la graisse t’oie, il est très ponne avec des gonfitures.
– Là! dit le dragon. Maintenant, voyons le pari! Nous écoutons, monsieur Athos!
– Oui, le pari! dit le chevau-léger.
– Eh bien, monsieur de Busigny, je parie avec vous, dit Athos, que mes trois compagnons, MM. Porthos, Aramis, d’Artagnan et moi, nous allons déjeuner dans le bastion Saint-Gervais et que nous y tenons une heure, montre à la main, quelque chose que l’ennemi fasse pour nous déloger.»
Porthos et Aramis se regardèrent, ils commençaient à comprendre.
«Mais, dit d’Artagnan en se penchant à l’oreille d’Athos, tu vas nous faire tuer sans miséricorde.
– Nous sommes bien plus tués, répondit Athos, si nous n’y allons pas.
– Ah! ma foi! messieurs, dit Porthos en se renversant sur sa chaise et frisant sa moustache, voici un beau pari, j’espère.
– Aussi je l’accepte, dit M. de Busigny; maintenant il s’agit de fixer l’enjeu.
– Mais vous êtes quatre, messieurs, dit Athos, nous sommes quatre; un dîner à discrétion pour huit, cela vous va-t-il?
– À merveille, reprit M. de Busigny.
– Parfaitement, dit le dragon.
– Ça me fa», dit le Suisse.
Le quatrième auditeur, qui, dans toute cette conversation, avait joué un rôle muet, fit un signe de la tête en signe qu’il acquiesçait à la proposition.
«Le déjeuner de ces messieurs est prêt, dit l’hôte.
– Eh bien, apportez-le», dit Athos.
L’hôte obéit. Athos appela Grimaud, lui montra un grand panier qui gisait dans un coin et fit le geste d’envelopper dans les serviettes les viandes apportées.
Grimaud comprit à l’instant même qu’il s’agissait d’un déjeuner sur l’herbe, prit le panier, empaqueta les viandes, y joignit les bouteilles et prit le panier à son bras.
«Mais où allez-vous manger mon déjeuner? dit l’hôte.
– Que vous importe, dit Athos, pourvu qu’on vous le paie?»
Et il jeta majestueusement deux pistoles sur la table.
«Faut-il vous rendre, mon officier? dit l’hôte.
– Non; ajoute seulement deux bouteilles de vin de Champagne et la différence sera pour les serviettes.»
L’hôte ne faisait pas une aussi bonne affaire qu’il l’avait cru d’abord, mais il se rattrapa en glissant aux quatre convives deux bouteilles de vin d’Anjou au lieu de deux bouteilles de vin de Champagne.
«Monsieur de Busigny, dit Athos, voulez-vous bien régler votre montre sur la mienne, ou me permettre de régler la mienne sur la vôtre?
– À merveille, monsieur! dit le chevau-léger en tirant de son gousset une fort belle montre entourée de diamants; sept heures et demie, dit-il.