Les souliers du mort (Ботинки мертвеца)
Les souliers du mort (Ботинки мертвеца) читать книгу онлайн
продолжение серии книг про Фантомаса
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— On ne raisonne pas quand on aime, monsieur, et Alice Ricard est très suffisamment instruite pour moi. Quant à être bourgeoise, je ne dis pas, évidemment. D’ailleurs, c’est une affaire d’appréciation et de sentiment. Je vous assure que j’ai été bien malheureux.
Jacques Faramont se calmait peu à peu.
— Je reconnais, fit-il, que vous avez eu des moments bien pénibles.
— Oui, fit Théodore en soupirant.
Il désignait un siège à son interlocuteur, s’assit lui-même, puis, machinalement, sans s’en rendre compte, l’un et l’autre se racontèrent leurs amours.
Tous deux étaient très jeunes et très naïfs aussi, mais ils avaient de l’enthousiasme plein le cœur.
Tout en parlant, les deux jeunes gens, qui sentaient leurs yeux se gonfler de larmes, se regardèrent, puis, spontanément, tous deux se levèrent. Jacques Faramont le premier tendit la main à Théodore.
— Vous êtes un chic type, fit-il.
— Et vous aussi.
Ils déclarèrent solennellement, en chœur :
— Les femmes, voyez-vous, c’est la plaie de ce monde.
Ils demeurèrent quelques instants silencieux, puis se considérèrent désormais sympathiquement, comme deux étrangers qui, tout d’un coup, viennent de découvrir qu’ils sont nés pour être les meilleurs amis du monde. Jacques Faramont demanda :
— Votre amie, cette M me Alice Ricard, ce doit être une femme rudement sympathique, intéressante, désirable ?
— Ma foi, fit Théodore, je ne dis pas le contraire. Mais à mon tour, permettez-moi de m’excuser de ce que j’ai dit de M lle Brigitte. J’étais emballé voyez-vous, et c’est pour vous vexer que j’ai dit qu’elle n’était pas jolie.
— Oh je ne vous en veux pas.
— Vous comptez toujours la quitter ?
— Pourquoi ? demanda Jacques Faramont.
— Eh bien, dit Théodore, qui hésitait cependant à préciser sa pensée, eh bien, parce que si vous n’en voulez plus, on pourrait peut-être…
— Et moi, vous ne m’en voudriez pas si je me faisais présenter à M me Alice Ricard et si je lui faisais la cour ?
Les deux jeunes gens éclatèrent de rire. Quelle allait être l’issue de cette étrange conversation ? Ils ne le surent jamais ni l’un ni l’autre. Un vénérable vieillard entrait dans la pièce. C’était M e Gauvin qui venait chercher son fils.
16 – LE GROS LOT
Il était dix heures du soir. Dans la salle d’honneur de la Chambre des notaires régnait une atmosphère lourde et surchauffée. Il y avait, dans ce local fait pour contenir soixante personnes au maximum, le double d’assistants.
Ceux-ci étaient serrés les uns contre les autres, un grand nombre étaient assis, beaucoup se tenaient debout. Et l’on écoutait avec attention, peut-être aussi, avec une certaine lassitude, un petit homme chauve, à la voix tremblotante, qui, installé sur une estrade derrière une table recouverte d’un tapis vert, lisait un volumineux mémoire où les chiffres revenaient à la suite des chiffres sans que nul n’y comprît grand-chose.
L’orateur, ou pour mieux dire, l’insipide lecteur à la voix monotone, était l’une des personnalités les plus honorées du monde de la Basoche : M e Masson, président de la Chambre des notaires, possesseur de l’une des plus importantes études de Paris.
M e Masson remplissait les fonctions de trésorier de la Société de secours des Orphelins d’officiers ministériels. Et il énumérait les recettes effectuées par l’œuvre, ainsi que les dépenses, n’omettant pas un détail, ne faisant pas grâce d’un sou. Il finit enfin par faire connaître la balance et dire combien la caisse possédait d’argent liquide.
On se rendit compte que c’était fini et l’on applaudit de confiance, d’autant plus que désormais, la partie la plus intéressante du programme annoncé aux auditeurs, allait avoir lieu. Cette lecture du rapport du trésorier, qui succédait à une allocution patriotique d’un représentant du Gouvernement, précédait en effet le tirage au sort de la loterie organisée au profit de la caisse de la Société de secours.
Et, depuis le début de la soirée, les assistants avaient les yeux fixés sur un gros cylindre métallique, qui se trouvait sur une table voisine de celle successivement occupée par les orateurs.
Quand M e Masson eut terminé, on fit un petit entracte pendant lequel on se répandit dans les couloirs et dans les salons voisins afin de se délier les jambes.
Il y avait là beaucoup de dames, vieilles et revêches pour la plupart. C’étaient cependant d’honorables personnes, s’occupant de l’éducation des petits orphelins, personnes qui, au nombre de leurs fonctions, savent qu’elles doivent constituer l’auditoire passif et résigné de ces sortes de réunions où il faut cependant que l’on dise quelque chose pour justifier leur raison d’être.
Il y avait aussi bon nombre de notaires de Paris et de province. Et, parmi ces derniers, il s’en trouvait un que ses collègues entouraient tout particulièrement. C’était M e Gauvin, qui était venu assister à la réunion à un double titre : d’abord, il faisait partie du comité de la société de secours, puis enfin, il avait pour le compte de plusieurs de ses clients, souscrit un certain nombre de billets de loterie.
M e Gauvin était l’objet des congratulations les plus sincères, car on savait le malheur dont il avait été victime.
— Enfin, lui disait-on, le cauchemar est terminé, puisque voilà votre cher enfant libéré par la justice et innocenté des accusations qui pesaient sur lui.
— Oui, déclarait M e Gauvin tout souriant, je suis bien heureux que ce soit fini, j’ai traversé des transes épouvantables.
Une vieille dame intervenait et, d’une voix sifflante, qu’elle voulait rendre aimable, articulait :
— Ces choses-là sont bien ennuyeuses, monsieur, car on a beau dire, quoi qu’il arrive et quoi qu’on fasse, il en reste toujours quelque chose.
M e Gauvin la considéra, légèrement interloqué :
— Il en reste quelque chose ? grommela-t-il. J’espère bien que non et que toute cette histoire-là est finie pour de bon.
Un de ses collègues de Rouen s’approchait et, quelque peu persifleur, il affirmait à son tour :
— Surtout, mon cher confrère, déclara-t-il à haute voix, pour être entendu par le plus de gens possible, que vous n’avez pas de chance, dit-on, avec votre fils. Les mauvaises langues prétendent que, pour se rendre à Paris, votre enfant s’est livré à certains actes indélicats.
M e Gauvin serra les poings, rougit :
— Je ne sais pas ce que vous voulez dire, mon cher confrère, fit-il aigrement.
Mais le cher confrère protestait d’une voix doucereuse :
— Oh moi, vous savez, je n’affirme rien. C’est un bruit qui courait parmi les clercs de mon étude. Je m’en suis fait l’écho parce que c’était de notoriété publique, et puis que j’estime qu’entre confrères, notre rôle est toujours de nous prévenir.
— Je vous en remercie, fit sèchement M e Gauvin, qui ajouta en balbutiant :
— Il ne s’est d’ailleurs rien passé.
Le malheureux notaire de Vernon était tout dépité. Il se rendait parfaitement compte, à l’allusion narquoise et méchante de son collègue de Rouen, que l’incident fâcheux du vol commis par Théodore, s’était ébruité.
M e Gauvin, d’ailleurs, qui était un homme assez perspicace, se rendait parfaitement compte que les protestations de sympathie qui lui avaient été adressées au cours de cette soirée n’étaient peut-être pas aussi sincères qu’il aurait pu l’espérer.
Le bruit d’une sonnette qui tintait interrompit cependant les conversations généralisées dans les divers locaux de l’immeuble de la Chambre des notaires, où s’étaient répandus les invités.
Sur l’estrade, prirent place deux personnes seulement : M e Masson, président de la Chambre et trésorier de l’œuvre, puis une énorme et vieille dame à la face congestionnée, aux mains potelées et rougeaudes, qui, jusqu’alors, avait profondément dormi dans le fauteuil d’un petit salon voisin.