Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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Milady changea de conversation sans affectation aucune, et demanda à d’Artagnan de la façon la plus négligée du monde s’il n’avait jamais été en Angleterre.
D’Artagnan répondit qu’il y avait été envoyé par M. de Tréville pour traiter d’une remonte de chevaux et qu’il en avait même ramené quatre comme échantillon.
Milady, dans le cours de la conversation, se pinça deux ou trois fois les lèvres: elle avait affaire a un Gascon qui jouait serré.
À la même heure que la veille d’Artagnan se retira. Dans le corridor il rencontra encore la jolie Ketty; c’était le nom de la soubrette. Celle-ci le regarda avec une expression de mystérieuse bienveillance à laquelle il n’y avait point à se tromper. Mais d’Artagnan était si préoccupé de la maîtresse, qu’il ne remarquait absolument que ce qui venait d’elle.
D’Artagnan revint chez Milady le lendemain et le surlendemain, et chaque fois Milady lui fit un accueil plus gracieux.
Chaque fois aussi, soit dans l’antichambre, soit dans le corridor, soit sur l’escalier, il rencontrait la jolie soubrette.
Mais, comme nous l’avons dit, d’Artagnan ne faisait aucune attention à cette persistance de la pauvre Ketty.
CHAPITRE XXXII
Cependant le duel dans lequel Porthos avait joué un rôle si brillant ne lui avait pas fait oublier le dîner auquel l’avait invité la femme du procureur. Le lendemain, vers une heure, il se fit donner le dernier coup de brosse par Mousqueton, et s’achemina vers la rue aux Ours, du pas d’un homme qui est en double bonne fortune.
Son cœur battait, mais ce n’était pas, comme celui de d’Artagnan, d’un jeune et impatient amour. Non, un intérêt plus matériel lui fouettait le sang, il allait enfin franchir ce seuil mystérieux, gravir cet escalier inconnu qu’avaient monté, un à un, les vieux écus de maître Coquenard.
Il allait voir en réalité certain bahut dont vingt fois il avait vu l’image dans ses rêves; bahut de forme longue et profonde, cadenassé, verrouillé, scellé au sol; bahut dont il avait si souvent entendu parler, et que les mains un peu sèches, il est vrai, mais non pas sans élégance de la procureuse, allaient ouvrir à ses regards admirateurs.
Et puis lui, l’homme errant sur la terre, l’homme sans fortune, l’homme sans famille, le soldat habitué aux auberges, aux cabarets, aux tavernes, aux posadas, le gourmet forcé pour la plupart du temps de s’en tenir aux lippées de rencontre, il allait tâter des repas de ménage, savourer un intérieur confortable, et se laisser faire à ces petits soins, qui, plus on est dur, plus ils plaisent, comme disent les vieux soudards.
Venir en qualité de cousin s’asseoir tous les jours à une bonne table, dérider le front jaune et plissé du vieux procureur, plumer quelque peu les jeunes clercs en leur apprenant la bassette, le passe-dix et le lansquenet dans leurs plus fines pratiques, et en leur gagnant par manière d’honoraires, pour la leçon qu’il leur donnerait en une heure, leurs économies d’un mois, tout cela souriait énormément à Porthos.
Le mousquetaire se retraçait bien, de-ci, de-là, les mauvais propos qui couraient dès ce temps-là sur les procureurs et qui leur ont survécu: la lésine, la rognure, les jours de jeûne, mais comme, après tout, sauf quelques accès d’économie que Porthos avait toujours trouvés fort intempestifs, il avait vu la procureuse assez libérale, pour une procureuse, bien entendu, il espéra rencontrer une maison montée sur un pied flatteur.
Cependant, à la porte, le mousquetaire eut quelques doutes, l’abord n’était point fait pour engager les gens: allée puante et noire, escalier mal éclairé par des barreaux au travers desquels filtrait le jour gris d’une cour voisine; au premier une porte basse et ferrée d’énorme clous comme la porte principale du Grand-Châtelet.
Porthos heurta du doigt; un grand clerc pâle et enfoui sous une forêt de cheveux vierges vint ouvrir et salua de l’air d’un homme forcé de respecter à la fois dans un autre la haute taille qui indique la force, l’habit militaire qui indique l’état, et la mine vermeille qui indique l’habitude de bien vivre.
Autre clerc plus petit derrière le premier, autre clerc plus grand derrière le second, saute-ruisseau de douze ans derrière le troisième.
En tout, trois clercs et demi; ce qui, pour le temps, annonçait une étude des plus achalandées.
Quoique le mousquetaire ne dût arriver qu’à une heure, depuis midi la procureuse avait l’œil au guet et comptait sur le cœur et peut-être aussi sur l’estomac de son adorateur pour lui faire devancer l’heure.
Mme Coquenard arriva donc par la porte de l’appartement, presque en même temps que son convive arrivait par la porte de l’escalier, et l’apparition de la digne dame le tira d’un grand embarras. Les clercs avaient l’œil curieux, et lui, ne sachant trop que dire à cette gamme ascendante et descendante, demeurait la langue muette.
«C’est mon cousin, s’écria la procureuse; entrez donc, entrez donc, monsieur Porthos.»
Le nom de Porthos fit son effet sur les clercs, qui se mirent à rire; mais Porthos se retourna, et tous les visages rentrèrent dans leur gravité.
On arriva dans le cabinet du procureur après avoir traversé l’antichambre où étaient les clercs, et l’étude où ils auraient dû être: cette dernière chambre était une sorte de salle noire et meublée de paperasses. En sortant de l’étude on laissa la cuisine à droite, et l’on entra dans la salle de réception.
Toutes ces pièces qui se commandaient n’inspirèrent point à Porthos de bonnes idées. Les paroles devaient s’entendre de loin par toutes ces portes ouvertes; puis, en passant, il avait jeté un regard rapide et investigateur sur la cuisine, et il s’avouait à lui-même, à la honte de la procureuse et à son grand regret, à lui, qu’il n’y avait pas vu ce feu, cette animation, ce mouvement qui, au moment d’un bon repas, règnent ordinairement dans ce sanctuaire de la gourmandise.
Le procureur avait sans doute été prévenu de cette visite, car il ne témoigna aucune surprise à la vue de Porthos, qui s’avança jusqu’à lui d’un air assez dégagé et le salua courtoisement.
«Nous sommes cousins, à ce qu’il paraît, monsieur Porthos?» dit le procureur en se soulevant à la force des bras sur son fauteuil de canne.
Le vieillard, enveloppé dans un grand pourpoint noir où se perdait son corps fluet, était vert et sec; ses petits yeux gris brillaient comme des escarboucles, et semblaient, avec sa bouche grimaçante, la seule partie de son visage où la vie fût demeurée. Malheureusement les jambes commençaient à refuser le service à toute cette machine osseuse; depuis cinq ou six mois que cet affaiblissement s’était fait sentir, le digne procureur était à peu près devenu l’esclave de sa femme.
Le cousin fut accepté avec résignation, voilà tout. Maître Coquenard ingambe eût décliné toute parenté avec M. Porthos.
«Oui, monsieur, nous sommes cousins, dit sans se déconcerter Porthos, qui, d’ailleurs, n’avait jamais compté être reçu par le mari avec enthousiasme.
– Par les femmes, je crois?» dit malicieusement le procureur.
Porthos ne sentit point cette raillerie et la prit pour une naïveté dont il rit dans sa grosse moustache. Mme Coquenard, qui savait que le procureur naïf était une variété for rare dans l’espèce, sourit un peu et rougit beaucoup.
Maître Coquenard avait, dès l’arrivée de Porthos, jeté les yeux avec inquiétude sur une grande armoire placée en face de son bureau de chêne. Porthos comprit que cette armoire, quoiqu’elle ne répondît point par la forme à celle qu’il avait vue dans ses songes, devait être le bienheureux bahut, et il s’applaudit de ce que la réalité avait six pieds de plus en hauteur que le rêve.
Maître Coquenard ne poussa pas plus loin ses investigations généalogiques, mais en ramenant son regard inquiet de l’armoire sur Porthos, il se contenta de dire: