Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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On fit une halte d’une heure pour faire souffler les chevaux; Aramis solda son compte, plaça Bazin dans le fourgon avec ses camarades, et l’on se mit en route pour aller retrouver Porthos.
On le trouva debout, moins pâle que ne l’avait vu d’Artagnan à sa première visite, et assis à une table où, quoiqu’il fût seul, figurait un dîner de quatre personnes; ce dîner se composait de viandes galamment troussées, de vins choisis et de fruits superbes.
«Ah! pardieu! dit-il en se levant, vous arrivez à merveille, messieurs, j’en étais justement au potage, et vous allez dîner avec moi.
– Oh! oh! fit d’Artagnan, ce n’est pas Mousqueton qui a pris au lasso de pareilles bouteilles, puis voilà un fricandeau piqué et un filet de bœuf…
– Je me refais, dit Porthos, je me refais, rien n’affaiblit comme ces diables de foulures; avez-vous eu des foulures, Athos?
– Jamais; seulement je me rappelle que dans notre échauffourée de la rue Férou je reçus un coup d’épée qui, au bout de quinze ou dix-huit jours, m’avait produit exactement le même effet.
– Mais ce dîner n’était pas pour vous seul, mon cher Porthos? dit Aramis.
– Non, dit Porthos; j’attendais quelques gentilshommes du voisinage qui viennent de me faire dire qu’ils ne viendraient pas; vous les remplacerez et je ne perdrai pas au change. Holà, Mousqueton! des sièges, et que l’on double les bouteilles!
– Savez-vous ce que nous mangeons ici? dit Athos au bout de dix minutes.
– Pardieu! répondit d’Artagnan, moi je mange du veau piqué aux cardons et à la moelle.
– Et moi des filets d’agneau, dit Porthos.
– Et moi un blanc de volaille, dit Aramis.
– Vous vous trompez tous, messieurs, répondit Athos, vous mangez du cheval.
– Allons donc! dit d’Artagnan.
– Du cheval!» fit Aramis avec une grimace de dégoût.
Porthos seul ne répondit pas.
«Oui, du cheval; n’est-ce pas, Porthos, que nous mangeons du cheval? Peut-être même les caparaçons avec!
– Non, messieurs, j’ai gardé le harnais, dit Porthos.
– Ma foi, nous nous valons tous, dit Aramis: on dirait que nous nous sommes donné le mot.
– Que voulez-vous, dit Porthos, ce cheval faisait honte à mes visiteurs, et je n’ai pas voulu les humilier!
– Puis, votre duchesse est toujours aux eaux, n’est-ce pas? reprit d’Artagnan.
– Toujours, répondit Porthos. Or, ma foi, le gouverneur de la province, un des gentilshommes que j’attendais aujourd’hui à dîner, m’a paru le désirer si fort que je le lui ai donné.
– Donné! s’écria d’Artagnan.
– Oh! mon Dieu! oui, donné! c’est le mot, dit Porthos; car il valait certainement cent cinquante louis, et le ladre n’a voulu me le payer que quatre-vingts.
– Sans la selle? dit Aramis.
– Oui, sans la selle.
– Vous remarquerez, messieurs, dit Athos, que c’est encore Porthos qui a fait le meilleur marché de nous tous.»
Ce fut alors un hourra de rires dont le pauvre Porthos fut tout saisi; mais on lui expliqua bientôt la raison de cette hilarité, qu’il partagea bruyamment selon sa coutume.
«De sorte que nous sommes tous en fonds? dit d’Artagnan.
– Mais pas pour mon compte, dit Athos; j’ai trouvé le vin d’Espagne d’Aramis si bon, que j’en ai fait charger une soixantaine de bouteilles dans le fourgon des laquais: ce qui m’a fort désargenté.
– Et moi, dit Aramis, imaginez donc que j’avais donné jusqu’à mon dernier sou à l’église de Montdidier et aux jésuites d’Amiens; que j’avais pris en outre des engagements qu’il m’a fallu tenir, des messes commandées pour moi et pour vous, messieurs, que l’on dira, messieurs, et dont je ne doute pas que nous ne nous trouvions à merveille.
– Et moi, dit Porthos, ma foulure, croyez-vous qu’elle ne m’a rien coûté? sans compter la blessure de Mousqueton, pour laquelle j’ai été obligé de faire venir le chirurgien deux fois par jour, lequel m’a fait payer ses visites double sous prétexte que cet imbécile de Mousqueton avait été se faire donner une balle dans un endroit qu’on ne montre ordinairement qu’aux apothicaires; aussi je lui ai bien recommandé de ne plus se faire blesser là.
– Allons, allons, dit Athos, en échangeant un sourire avec d’Artagnan et Aramis, je vois que vous vous êtes conduit grandement à l’égard du pauvre garçon: c’est d’un bon maître.
– Bref, continua Porthos, ma dépense payée, il me restera bien une trentaine d’écus.
– Et à moi une dizaine de pistoles, dit Aramis.
– Allons, allons, dit Athos, il paraît que nous sommes les Crésus de la société. Combien vous reste-t-il sur vos cent pistoles, d’Artagnan?
– Sur mes cent pistoles? D’abord, je vous en ai donné cinquante.
– Vous croyez?
– Pardieu! - Ah! c’est vrai, je me rappelle.
– Puis, j’en ai payé six à l’hôte.
– Quel animal que cet hôte! pourquoi lui avez-vous donné six pistoles?
– C’est vous qui m’avez dit de les lui donner.
– C’est vrai que je suis trop bon. Bref, en reliquat?
– Vingt-cinq pistoles, dit d’Artagnan.
– Et moi, dit Athos en tirant quelque menue monnaie de sa poche, moi…
– Vous, rien.
– Ma foi, ou si peu de chose, que ce n’est pas la peine de rapporter à la masse.
– Maintenant, calculons combien nous possédons en tout: Porthos?
– Trente écus.
– Aramis?
– Dix pistoles.
– Et vous, d’Artagnan?
– Vingt-cinq.
– Cela fait en tout? dit Athos.
– Quatre cent soixante-quinze livres! dit d’Artagnan, qui comptait comme Archimède.
– Arrivés à Paris, nous en aurons bien encore quatre cents, dit Porthos, plus les harnais.
– Mais nos chevaux d’escadron? dit Aramis.
– Eh bien, des quatre chevaux des laquais nous en ferons deux de maître que nous tirerons au sort; avec les quatre cents livres, on en fera un demi pour un des démontés, puis nous donnerons les grattures de nos poches à d’Artagnan, qui a la main bonne, et qui ira les jouer dans le premier tripot venu, voilà.
– Dînons donc, dit Porthos, cela refroidit.»
Les quatre amis, plus tranquilles désormais sur leur avenir, firent honneur au repas, dont les restes furent abandonnés à MM. Mousqueton, Bazin, Planchet et Grimaud.
En arrivant à Paris, d’Artagnan trouva une lettre de M. de Tréville qui le prévenait que, sur sa demande, le roi venait de lui accorder la faveur d’entrer dans les mousquetaires.
Comme c’était tout ce que d’Artagnan ambitionnait au monde, à part bien entendu le désir de retrouver Mme Bonacieux, il courut tout joyeux chez ses camarades, qu’il venait de quitter il y avait une demi-heure, et qu’il trouva fort tristes et fort préoccupés. Ils étaient réunis en conseil chez Athos: ce qui indiquait toujours des circonstances d’une certaine gravité.
M. de Tréville venait de les faire prévenir que l’intention bien arrêtée de Sa Majesté étant d’ouvrir la campagne le 1ermai, ils eussent à préparer incontinent leurs équipages.
Les quatre philosophes se regardèrent tout ébahis: M. de Tréville ne plaisantait pas sous le rapport de la discipline.
«Et à combien estimez-vous ces équipages? dit d’Artagnan.
– Oh! il n’y a pas à dire, reprit Aramis, nous venons de faire nos comptes avec une lésinerie de Spartiates, et il nous faut à chacun quinze cents livres.
– Quatre fois quinze font soixante, soit six mille livres, dit Athos.
– Moi, dit d’Artagnan, il me semble qu’avec mille livres chacun, il est vrai que je ne parle pas en Spartiate, mais en procureur…»
Ce mot de procureur réveilla Porthos.
«Tiens, j’ai une idée! dit-il.
– C’est déjà quelque chose: moi, je n’en ai pas même l’ombre, fit froidement Athos, mais quant à d’Artagnan, messieurs, le bonheur d’être désormais des nôtres l’a rendu fou; mille livres! je déclare que pour moi seul il m’en faut deux mille.
– Quatre fois deux font huit, dit alors Aramis: c’est donc huit mille livres qu’il nous faut pour nos équipages, sur lesquels équipages, il est vrai, nous avons déjà les selles.