Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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– Et avez-vous rendu cette réponse à votre hôte?
– Nous nous en sommes bien gardés: il aurait vu de quelle manière nous avions fait la commission.
– Si bien qu’il attend toujours son argent?
– Oh! mon Dieu, oui! Hier encore, il a écrit; mais, cette fois, c’est son domestique qui a mis la lettre à la poste.
– Et vous dites que la procureuse est vieille et laide.
– Cinquante ans au moins, monsieur, et pas belle du tout, à ce qu’a dit Pathaud.
– En ce cas, soyez tranquille, elle se laissera attendrir; d’ailleurs Porthos ne peut pas vous devoir grand-chose.
– Comment, pas grand-chose! Une vingtaine de pistoles déjà, sans compter le médecin. Oh! il ne se refuse rien, allez! on voit qu’il est habitué à bien vivre.
– Eh bien, si sa maîtresse l’abandonne, il trouvera des amis, je vous le certifie. Ainsi, mon cher hôte, n’ayez aucune inquiétude, et continuez d’avoir pour lui tous les soins qu’exige son état.
– Monsieur m’a promis de ne pas parler de la procureuse et de ne pas dire un mot de la blessure.
– C’est chose convenue; vous avez ma parole.
– Oh! c’est qu’il me tuerait, voyez-vous!
– N’ayez pas peur; il n’est pas si diable qu’il en a l’air.
En disant ces mots, d’Artagnan monta l’escalier, laissant son hôte un peu plus rassuré à l’endroit de deux choses auxquelles il paraissait beaucoup tenir: sa créance et sa vie.
Au haut de l’escalier, sur la porte la plus apparente du corridor était tracé, à l’encre noire, un n° 1 gigantesque; d’Artagnan frappa un coup, et, sur l’invitation de passer outre qui lui vint de l’intérieur, il entra.
Porthos était couché, et faisait une partie de lansquenet avec Mousqueton, pour s’entretenir la main, tandis qu’une broche chargée de perdrix tournait devant le feu, et qu’à chaque coin d’une grande cheminée bouillaient sur deux réchauds deux casseroles, d’où s’exhalait une double odeur de gibelotte et de matelote qui réjouissait l’odorat. En outre, le haut d’un secrétaire et le marbre d’une commode étaient couverts de bouteilles vides.
À la vue de son ami, Porthos jeta un grand cri de joie; et Mousqueton, se levant respectueusement, lui céda la place et s’en alla donner un coup d’œil aux deux casseroles, dont il paraissait avoir l’inspection particulière.
«Ah! pardieu! c’est vous, dit Porthos à d’Artagnan, soyez le bienvenu, et excusez-moi si je ne vais pas au-devant de vous. Mais, ajouta-t-il en regardant d’Artagnan avec une certaine inquiétude, vous savez ce qui m’est arrivé?
– Non.
– L’hôte ne vous a rien dit?
– J’ai demandé après vous, et je suis monté tout droit.»
– Porthos parut respirer plus librement.
«Et que vous est-il donc arrivé, mon cher Porthos? continua d’Artagnan.
– Il m’est arrivé qu’en me fendant sur mon adversaire, à qui j’avais déjà allongé trois coups d’épée, et avec lequel je voulais en finir d’un quatrième, mon pied a porté sur une pierre, et je me suis foulé le genou.
– Vraiment?
– D’honneur! Heureusement pour le maraud, car je ne l’aurais laissé que mort sur la place, je vous en réponds.
– Et qu’est-il devenu?
– Oh! je n’en sais rien; il en a eu assez, et il est parti sans demander son reste; mais vous, mon cher d’Artagnan, que vous est-il arrivé?
– De sorte, continua d’Artagnan, que cette foulure, mon cher Porthos, vous retient au lit?
– Ah! mon Dieu, oui, voilà tout; du reste, dans quelques jours je serai sur pied.
– Pourquoi alors ne vous êtes-vous pas fait transporter à Paris? Vous devez vous ennuyer cruellement ici.
– C’était mon intention; mais, mon cher ami, il faut que je vous avoue une chose.
– Laquelle?
– C’est que, comme je m’ennuyais cruellement, ainsi que vous le dites, et que j’avais dans ma poche les soixante-quinze pistoles que vous m’aviez distribuées j’ai, pour me distraire, fait monter près de moi un gentilhomme qui était de passage, et auquel j’ai proposé de faire une partie de dés. Il a accepté, et, ma foi, mes soixante-quinze pistoles sont passées de ma poche dans la sienne, sans compter mon cheval, qu’il a encore emporté par dessus le marché. Mais vous, mon cher d’Artagnan?
– Que voulez-vous, mon cher Porthos, on ne peut pas être privilégié de toutes façons, dit d’Artagnan; vous savez le proverbe: “Malheureux au jeu, heureux en amour.” Vous êtes trop heureux en amour pour que le jeu ne se venge pas; mais que vous importent, à vous, les revers de la fortune! n’avez-vous pas, heureux coquin que vous êtes, n’avez-vous pas votre duchesse, qui ne peut manquer de vous venir en aide?
– Eh bien, voyez, mon cher d’Artagnan, comme je joue de guignon, répondit Porthos de l’air le plus dégagé du monde! je lui ai écrit de m’envoyer quelque cinquante louis dont j’avais absolument besoin, vu la position où je me trouvais…
– Eh bien?
– Eh bien, il faut qu’elle soit dans ses terres, car elle ne m a pas répondu.
– Vraiment?
– Non. Aussi je lui ai adressé hier une seconde épître plus pressante encore que la première; mais vous voilà, mon très cher, parlons de vous. Je commençais, je vous l’avoue, à être dans une certaine inquiétude sur votre compte.
– Mais votre hôte se conduit bien envers vous, à ce qu’il paraît, mon cher Porthos, dit d’Artagnan, montrant au malade les casseroles pleines et les bouteilles vides.
– Couci-couci! répondit Porthos. Il y a déjà trois ou quatre jours que l’impertinent m’a monté son compte, et que je les ai mis à la porte, son compte et lui; de sorte que je suis ici comme une façon de vainqueur, comme une manière de conquérant. Aussi, vous le voyez, craignant toujours d’être forcé dans la position, je suis armé jusqu’aux dents.
– Cependant, dit en riant d’Artagnan, il me semble que de temps en temps vous faites des sorties.»
Et il montrait du doigt les bouteilles et les casseroles.
«Non, pas moi, malheureusement! dit Porthos. Cette misérable foulure me retient au lit, mais Mousqueton bat la campagne, et il rapporte des vivres. Mousqueton, mon ami, continua Porthos, vous voyez qu’il nous arrive du renfort, il nous faudra un supplément de victuailles.
– Mousqueton, dit d’Artagnan, il faudra que vous me rendiez un service.
– Lequel, monsieur?
– C’est de donner votre recette à Planchet; je pourrais me trouver assiégé à mon tour, et je ne serais pas fâché qu’il me fît jouir des mêmes avantages dont vous gratifiez votre maître.
– Eh! mon Dieu! monsieur, dit Mousqueton d’un air modeste, rien de plus facile. Il s’agit d’être adroit, voilà tout. J’ai été élevé à la campagne, et mon père, dans ses moments perdus, était quelque peu braconnier.
– Et le reste du temps, que faisait-il?
– Monsieur, il pratiquait une industrie que j’ai toujours trouvée assez heureuse.
– Laquelle?
– Comme c’était au temps des guerres des catholiques et des huguenots, et qu’il voyait les catholiques exterminer les huguenots, et les huguenots exterminer les catholiques, le tout au nom de la religion, il s’était fait une croyance mixte, ce qui lui permettait d’être tantôt catholique, tantôt huguenot. Or il se promenait habituellement, son escopette sur l’épaule, derrière les haies qui bordent les chemins, et quand il voyait venir un catholique seul, la religion protestante l’emportait aussitôt dans son esprit. Il abaissait son escopette dans la direction du voyageur; puis, lorsqu’il était à dix pas de lui, il entamait un dialogue qui finissait presque toujours par l’abandon que le voyageur faisait de sa bourse pour sauver sa vie. Il va sans dire que lorsqu’il voyait venir un huguenot, il se sentait pris d’un zèle catholique si ardent, qu’il ne comprenait pas comment, un quart d’heure auparavant, il avait pu avoir des doutes sur la supériorité de notre sainte religion. Car, moi, monsieur, je suis catholique, mon père, fidèle à ses principes, ayant fait mon frère aîné huguenot.
– Et comment a fini ce digne homme? demanda d’Artagnan.