Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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– C’est le conseil que j’allais donner à monsieur; et où allons-nous, sans être trop curieux?
– Pardieu! du côté opposé à celui vers lequel tu as dit que j’étais allé. D’ailleurs, n’as-tu pas autant de hâte d’avoir des nouvelles de Grimaud, de Mousqueton et de Bazin que j’en ai, moi, de savoir ce que sont devenus Athos, Porthos et Aramis?
– Si fait, monsieur, dit Planchet, et je partirai quand vous voudrez; l’air de la province vaut mieux pour nous, à ce que je crois, en ce moment, que l’air de Paris. Ainsi donc…
– Ainsi donc, fais notre paquet, Planchet, et partons; moi, je m’en vais devant, les mains dans mes poches, pour qu’on ne se doute de rien. Tu me rejoindras à l’hôtel des Gardes. À propos, Planchet, je crois que tu as raison à l’endroit de notre hôte, et que c’est décidément une affreuse canaille.
– Ah! croyez-moi, monsieur, quand je vous dis quelque chose; je suis physionomiste, moi, allez!»
D’Artagnan descendit le premier, comme la chose avait été convenue; puis, pour n’avoir rien à se reprocher, il se dirigea une dernière fois vers la demeure de ses trois amis: on n’avait reçu aucune nouvelle d’eux, seulement une lettre toute parfumée et d’une écriture élégante et menue était arrivée pour Aramis. D’Artagnan s’en chargea. Dix minutes après, Planchet le rejoignait dans les écuries de l’hôtel des Gardes. D’Artagnan, pour qu’il n’y eût pas de temps perdu, avait déjà sellé son cheval lui-même.
«C’est bien, dit-il à Planchet, lorsque celui-ci eut joint le portemanteau à l’équipement; maintenant selle les trois autres, et partons.
– Croyez-vous que nous irons plus vite avec chacun deux chevaux? demanda Planchet avec son air narquois.
– Non, monsieur le mauvais plaisant, répondit d’Artagnan, mais avec nos quatre chevaux nous pourrons ramener nos trois amis, si toutefois nous les retrouvons vivants.
– Ce qui serait une grande chance, répondit Planchet, mais enfin il ne faut pas désespérer de la miséricorde de Dieu.
– Amen», dit d’Artagnan en enfourchant son cheval.
Et tous deux sortirent de l’hôtel des Gardes, s’éloignèrent chacun par un bout de la rue, l’un devant quitter Paris par la barrière de la Villette et l’autre par la barrière de Montmartre, pour se rejoindre au-delà de Saint-Denis, manœuvre stratégique qui, ayant été exécutée avec une égale ponctualité, fut couronnée des plus heureux résultats. D’Artagnan et Planchet entrèrent ensemble à Pierrefitte.
Planchet était plus courageux, il faut le dire, le jour que la nuit.
Cependant sa prudence naturelle ne l’abandonnait pas un seul instant; il n’avait oublié aucun des incidents du premier voyage, et il tenait pour ennemis tous ceux qu’il rencontrait sur la route. Il en résultait qu’il avait sans cesse le chapeau à la main, ce qui lui valait de sévères mercuriales de la part de d’Artagnan, qui craignait que, grâce à cet excès de politesse, on ne le prît pour le valet d’un homme de peu.
Cependant, soit qu’effectivement les passants fussent touchés de l’urbanité de Planchet, soit que cette fois personne ne fût aposté sur la route du jeune homme, nos deux voyageurs arrivèrent à Chantilly sans accident aucun et descendirent à l’hôtel du Grand Saint Martin, le même dans lequel ils s’étaient arrêtés lors de leur premier voyage.
L’hôte, en voyant un jeune homme suivi d’un laquais et de deux chevaux de main, s’avança respectueusement sur le seuil de la porte. Or, comme il avait déjà fait onze lieues, d’Artagnan jugea à propos de s’arrêter, que Porthos fût ou ne fût pas dans l’hôtel. Puis peut-être n’était-il pas prudent de s’informer du premier coup de ce qu’était devenu le mousquetaire. Il résulta de ces réflexions que d’Artagnan, sans demander aucune nouvelle de qui que ce fût, descendit, recommanda les chevaux à son laquais, entra dans une petite chambre destinée à recevoir ceux qui désiraient être seuls, et demanda à son hôte une bouteille de son meilleur vin et un déjeuner aussi bon que possible, demande qui corrobora encore la bonne opinion que l’aubergiste avait prise de son voyageur à la première vue.
Aussi d’Artagnan fut-il servi avec une célérité miraculeuse.
Le régiment des gardes se recrutait parmi les premiers gentilshommes du royaume, et d’Artagnan, suivi d’un laquais et voyageant avec quatre chevaux magnifiques, ne pouvait, malgré la simplicité de son uniforme, manquer de faire sensation. L’hôte voulut le servir lui-même; ce que voyant, d’Artagnan fit apporter deux verres et entama la conversation suivante:
«Ma foi, mon cher hôte, dit d’Artagnan en remplissant les deux verres, je vous ai demandé de votre meilleur vin et si vous m’avez trompé, vous allez être puni par où vous avez péché, attendu que, comme je déteste boire seul, vous allez boire avec moi. Prenez donc ce verre, et buvons. À quoi boirons-nous, voyons, pour ne blesser aucune susceptibilité? Buvons à la prospérité de votre établissement!
– Votre Seigneurie me fait honneur, dit l’hôte, et je la remercie bien sincèrement de son bon souhait.
– Mais ne vous y trompez pas, dit d’Artagnan, il y a plus d’égoïsme peut-être que vous ne le pensez dans mon toast: il n’y a que les établissements qui prospèrent dans lesquels on soit bien reçu; dans les hôtels qui périclitent, tout va à la débandade, et le voyageur est victime des embarras de son hôte; or, moi qui voyage beaucoup et surtout sur cette route, je voudrais voir tous les aubergistes faire fortune.
– En effet, dit l’hôte, il me semble que ce n’est pas la première fois que j’ai l’honneur de voir monsieur.
– Bah? je suis passé dix fois peut-être à Chantilly, et sur les dix fois je me suis arrêté au moins trois ou quatre fois chez vous. Tenez, j’y étais encore il y a dix ou douze jours à peu près; je faisais la conduite à des amis, à des mousquetaires, à telle enseigne que l’un d’eux s’est pris de dispute avec un étranger, un inconnu, un homme qui lui a cherché je ne sais quelle querelle.
– Ah! oui vraiment! dit l’hôte, et je me le rappelle parfaitement. N’est-ce pas de M. Porthos que Votre Seigneurie veut me parler?
– C’est justement le nom de mon compagnon de voyage.
«Mon Dieu! mon cher hôte, dites-moi, lui serait-il arrivé malheur?
– Mais Votre Seigneurie a dû remarquer qu’il n’a pas pu continuer sa route.
– En effet, il nous avait promis de nous rejoindre, et nous ne l’avons pas revu.
– Il nous a fait l’honneur de rester ici.
– Comment! il vous a fait l’honneur de rester ici?
– Oui, monsieur, dans cet hôtel; nous sommes même bien inquiets.
– Et de quoi?
– De certaines dépenses qu’il a faites.
– Eh bien, mais les dépenses qu’il a faites, il les paiera.
– Ah! monsieur, vous me mettez véritablement du baume dans le sang! Nous avons fait de fort grandes avances, et ce matin encore le chirurgien nous déclarait que si M. Porthos ne le payait pas, c’était à moi qu’il s’en prendrait, attendu que c’était moi qui l’avais envoyé chercher.
– Mais Porthos est donc blessé?
– Je ne saurais vous le dire, monsieur.
– Comment, vous ne sauriez me le dire? vous devriez cependant être mieux informé que personne.
– Oui, mais dans notre état nous ne disons pas tout ce que nous savons, monsieur, surtout quand on nous a prévenus que nos oreilles répondraient pour notre langue.
– Eh bien, puis-je voir Porthos?
– Certainement, monsieur. Prenez l’escalier, montez au premier et frappez au n° 1. Seulement, prévenez que c’est vous.
– Comment! que je prévienne que c’est moi?
– Oui, car il pourrait vous arriver malheur.
– Et quel malheur voulez-vous qu’il m’arrive?
– M. Porthos peut vous prendre pour quelqu’un de la maison et, dans un mouvement de colère, vous passer son épée à travers le corps ou vous brûler la cervelle.
– Que lui avez-vous donc fait?
– Nous lui avons demandé de l’argent.
– Ah! diable, je comprends cela; c’est une demande que Porthos reçoit très mal quand il n’est pas en fonds; mais je sais qu’il devait y être.