Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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– Traîtreuse, monsieur.
– Vraiment!
– De plus, aussitôt que monsieur l’a eu quitté et qu’il a disparu au coin de la rue, M. Bonacieux a pris son chapeau, a fermé sa porte et s’est mis à courir par la rue opposée.
– En effet, tu as raison, Planchet tout cela me paraît fort louche, et, sois tranquille, nous ne lui paierons pas notre loyer que la chose ne nous ait été catégoriquement expliquée.
– Monsieur plaisante, mais monsieur verra.
– Que veux-tu, Planchet, ce qui doit arriver est écrit!
– Monsieur ne renonce donc pas à sa promenade de ce soir?
– Bien au contraire, Planchet, plus j’en voudrai à M. Bonacieux, et plus j’irai au rendez-vous que m’a donné cette lettre qui t’inquiète tant.
– Alors, si c’est la résolution de monsieur…
– Inébranlable, mon ami; ainsi donc, à neuf heures tiens-toi prêt ici, à l’hôtel; je viendrai te prendre.»
Planchet, voyant qu’il n’y avait plus aucun espoir de faire renoncer son maître à son projet, poussa un profond soupir, et se mit à étriller le troisième cheval.
Quant à d’Artagnan, comme c’était au fond un garçon plein de prudence, au lieu de rentrer chez lui, il s’en alla dîner chez ce prêtre gascon qui, au moment de la détresse des quatre amis, leur avait donné un déjeuner de chocolat.
CHAPITRE XXIV
À neuf heures, d’Artagnan était à l’hôtel des Gardes; il trouva Planchet sous les armes. Le quatrième cheval était arrivé.
Planchet était armé de son mousqueton et d’un pistolet. D’Artagnan avait son épée et passa deux pistolets à sa ceinture, puis tous deux enfourchèrent chacun un cheval et s’éloignèrent sans bruit. Il faisait nuit close, et personne ne les vit sortir. Planchet se mit à la suite de son maître, et marcha par-derrière à dix pas.
D’Artagnan traversa les quais, sortit par la porte de la Conférence et suivit alors le chemin, bien plus beau alors qu’aujourd’hui, qui mène à Saint-Cloud.
Tant qu’on fut dans la ville, Planchet garda respectueusement la distance qu’il s’était imposée; mais dès que le chemin commença à devenir plus désert et plus obscurs il se rapprocha tout doucement: si bien que, lorsqu’on entra dans le bois de Boulogne, il se trouva tout naturellement marcher côte à côte avec son maître. En effet, nous ne devons pas dissimuler que l’oscillation des grands arbres et le reflet de la lune dans les taillis sombres lui causaient une vive inquiétude. D’Artagnan s’aperçut qu’il se passait chez son laquais quelque chose d’extraordinaire.
«Eh bien, monsieur Planchet, lui demanda-t-il, qu’avons-nous donc?
– Ne trouvez-vous pas, monsieur, que les bois sont comme les églises?
– Pourquoi cela, Planchet?
– Parce qu’on n’ose point parler haut dans ceux-ci comme dans celles-là.
– Pourquoi n’oses-tu parler haut, Planchet? parce que tu as peur?
– Peur d’être entendu, oui, monsieur.
– Peur d’être entendu! Notre conversation est cependant morale, mon cher Planchet, et nul n’y trouverait à redire.
– Ah! monsieur! reprit Planchet en revenant à son idée mère, que ce M. Bonacieux a quelque chose de sournois dans ses sourcils et de déplaisant dans le jeu de ses lèvres!
– Qui diable te fait penser à Bonacieux?
– Monsieur, l’on pense à ce que l’on peut et non pas à ce que l’on veut.
– Parce que tu es un poltron, Planchet.
– Monsieur, ne confondons pas la prudence avec la poltronnerie; la prudence est une vertu.
– Et tu es vertueux, n’est-ce pas, Planchet?
– Monsieur, n’est-ce point le canon d’un mousquet qui brille là-bas? Si nous baissions la tête?
– En vérité, murmura d’Artagnan, à qui les recommandations de M. de Tréville revenaient en mémoire; en vérité, cet animal finirait par me faire peur.»
Et il mit son cheval au trot.
Planchet suivit le mouvement de son maître, exactement comme s’il eût été son ombre, et se retrouva trottant près de lui.
«Est-ce que nous allons marcher comme cela toute la nuit, monsieur? demanda-t-il.
– Non, Planchet, car tu es arrivé, toi.
– Comment, je suis arrivé? et monsieur?
– Moi, je vais encore à quelques pas.
– Et monsieur me laisse seul ici?
– Tu as peur, Planchet?
– Non, mais je fais seulement observer à monsieur que la nuit sera très froide, que les fraîcheurs donnent des rhumatismes, et qu’un laquais qui a des rhumatismes est un triste serviteur, surtout pour un maître alerte comme monsieur.
– Eh bien, si tu as froid, Planchet, tu entreras dans un de ces cabarets que tu vois là-bas, et tu m’attendras demain matin à six heures devant la porte.
– Monsieur, j’ai bu et mangé respectueusement l’écu que vous m’avez donné ce matin; de sorte qu’il ne me reste pas un traître sou dans le cas où j’aurais froid.
– Voici une demi-pistole. À demain.»
D’Artagnan descendit de son cheval, jeta la bride au bras de Planchet et s’éloigna rapidement en s’enveloppant dans son manteau.
«Dieu que j’ai froid!» s’écria Planchet dès qu’il eut perdu son maître de vue; - et pressé qu’il était de se réchauffer, il se hâta d’aller frapper à la porte d’une maison parée de tous les attributs d’un cabaret de banlieue.
Cependant d’Artagnan, qui s’était jeté dans un petit chemin de traverse, continuait sa route et atteignait Saint-Cloud; mais, au lieu de suivre la grande rue, il tourna derrière le château, gagna une espèce de ruelle fort écartée, et se trouva bientôt en face du pavillon indiqué. Il était situé dans un lieu tout à fait désert. Un grand mur, à l’angle duquel était ce pavillon, régnait d’un côté de cette ruelle, et de l’autre une haie défendait contre les passants un petit jardin au fond duquel s’élevait une maigre cabane.
Il était arrivé au rendez-vous, et comme on ne lui avait pas dit d’annoncer sa présence par aucun signal, il attendit.
Nul bruit ne se faisait entendre, on eût dit qu’on était à cent lieues de la capitale. D’Artagnan s’adossa à la haie après avoir jeté un coup d’œil derrière lui. Par-delà cette haie, ce jardin et cette cabane, un brouillard sombre enveloppait de ses plis cette immensité où dort Paris, vide, béant, immensité où brillaient quelques points lumineux, étoiles funèbres de cet enfer.
Mais pour d’Artagnan tous les aspects revêtaient une forme heureuse, toutes les idées avaient un sourire, toutes les ténèbres étaient diaphanes. L’heure du rendez-vous allait sonner.
En effet, au bout de quelques instants, le beffroi de Saint-Cloud laissa lentement tomber dix coups de sa large gueule mugissante.
Il y avait quelque chose de lugubre à cette voix de bronze qui se lamentait ainsi au milieu de la nuit.
Mais chacune de ces heures qui composaient l’heure attendue vibrait harmonieusement au cœur du jeune homme.
Ses yeux étaient fixés sur le petit pavillon situé à l’angle de la rue et dont toutes les fenêtres étaient fermées par des volets, excepté une seule du premier étage.
À travers cette fenêtre brillait une lumière douce qui argentait le feuillage tremblant de deux ou trois tilleuls qui s’élevaient formant groupe en dehors du parc. Évidemment derrière cette petite fenêtre, si gracieusement éclairée, la jolie Mme Bonacieux l’attendait.
Bercé par cette douce idée, d’Artagnan attendit de son côté une demi-heure sans impatience aucune, les yeux fixés sur ce charmant petit séjour dont d’Artagnan apercevait une partie de plafond aux moulures dorées, attestant l’élégance du reste de l’appartement.
Le beffroi de Saint-Cloud sonna dix heures et demie.
Cette fois-ci, sans que d’Artagnan comprît pourquoi, un frisson courut dans ses veines. Peut-être aussi le froid commençait-il à le gagner et prenait-il pour une impression morale une sensation tout à fait physique.
Puis l’idée lui vint qu’il avait mal lu et que le rendez-vous était pour onze heures seulement.