Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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… timeo Danaos et donaña ferentes
«Ce qui veut dire: “Défiez-vous de l’ennemi qui vous fait des présents.”
– Ce diamant ne vient pas d’un ennemi, monsieur, reprit d’Artagnan, il vient de la reine.
– De la reine! oh! oh! dit M. de Tréville. Effectivement, c’est un véritable bijou royal, qui vaut mille pistoles comme un denier. Par qui la reine vous a-t-elle fait remettre ce cadeau?
– Elle me l’a remis elle-même.
– Où cela?
– Dans le cabinet attenant à la chambre où elle a changé de toilette.
– Comment?
– En me donnant sa main à baiser.
– Vous avez baisé la main de la reine! s’écria M. de Tréville en regardant d’Artagnan.
– Sa Majesté m’a fait l’honneur de m’accorder cette grâce!
– Et cela en présence de témoins? Imprudente, trois fois imprudente!
– Non, monsieur, rassurez-vous, personne ne l’a vue», reprit d’Artagnan. Et il raconta à M. de Tréville comment les choses s’étaient passées.
«Oh! les femmes, les femmes! s’écria le vieux soldat, je les reconnais bien à leur imagination romanesque; tout ce qui sent le mystérieux les charme; ainsi vous avez vu le bras, voilà tout; vous rencontreriez la reine, que vous ne la reconnaîtriez pas; elle vous rencontrerait, qu’elle ne saurait pas qui vous êtes.
– Non, mais grâce à ce diamant…, reprit le jeune homme.
– Écoutez, dit M. de Tréville, voulez-vous que je vous donne un conseil, un bon conseil, un conseil d’ami?
– Vous me ferez honneur, monsieur, dit d’Artagnan.
– Eh bien, allez chez le premier orfèvre venu et vendez-lui ce diamant pour le prix qu’il vous en donnera; si juif qu’il soit, vous en trouverez toujours bien huit cents pistoles. Les pistoles n’ont pas de nom, jeune homme, et cette bague en a un terrible, ce qui peut trahir celui qui la porte.
– Vendre cette bague! une bague qui vient de ma souveraine! jamais, dit d’Artagnan.
– Alors tournez-en le chaton en dedans, pauvre fou, car on sait qu’un cadet de Gascogne ne trouve pas de pareils bijoux dans l’écrin de sa mère.
– Vous croyez donc que j’ai quelque chose à craindre? demanda d’Artagnan.
– C’est-à-dire, jeune homme, que celui qui s’endort sur une mine dont la mèche est allumée doit se regarder comme en sûreté en comparaison de vous.
– Diable! dit d’Artagnan, que le ton d’assurance de M. de Tréville commençait à inquiéter: diable, que faut-il faire?
– Vous tenir sur vos gardes toujours et avant toute chose. Le cardinal a la mémoire tenace et la main longue; croyez-moi, il vous jouera quelque tour.
– Mais lequel?
– Eh! le sais-je, moi! est-ce qu’il n’a pas à son service toutes les ruses du démon? Le moins qui puisse vous arriver est qu’on vous arrête.
– Comment! on oserait arrêter un homme au service de Sa Majesté?
– Pardieu! on s’est bien gêné pour Athos! En tout cas, jeune homme, croyez-en un homme qui est depuis trente ans à la cour: ne vous endormez pas dans votre sécurité, ou vous êtes perdu. Bien au contraire, et c’est moi qui vous le dis, voyez des ennemis partout. Si l’on vous cherche querelle, évitez-la, fût-ce un enfant de dix ans qui vous la cherche; si l’on vous attaque de nuit ou de jour, battez en retraite et sans honte; si vous traversez un pont, tâtez les planches, de peur qu’une planche ne vous manque sous le pied; si vous passez devant une maison qu’on bâtit, regardez en l’air de peur qu’une pierre ne vous tombe sur la tête; si vous rentrez tard, faites-vous suivre par votre laquais, et que votre laquais soit armé, si toutefois vous êtes sûr de votre laquais. Défiez-vous de tout le monde, de votre ami, de votre frère, de votre maîtresse, de votre maîtresse surtout.»
D’Artagnan rougit.
«De ma maîtresse, répéta-t-il machinalement; et pourquoi plutôt d’elle que d’un autre?
– C’est que la maîtresse est un des moyens favoris du cardinal, il n’en a pas de plus expéditif: une femme vous vend pour dix pistoles, témoin Dalila. Vous savez les Écritures, hein?»
D’Artagnan pensa au rendez-vous que lui avait donné Mme Bonacieux pour le soir même; mais nous devons dire, à la louange de notre héros, que la mauvaise opinion que M. de Tréville avait des femmes en général ne lui inspira pas le moindre petit soupçon contre sa jolie hôtesse.
«Mais, à propos, reprit M. de Tréville, que sont devenus vos trois compagnons?
– J’allais vous demander si vous n’en aviez pas appris quelques nouvelles.
– Aucune, monsieur.
– Eh bien, je les ai laissés sur ma route: Porthos à Chantilly, avec un duel sur les bras; Aramis à Crèvecœur, avec une balle dans l’épaule; et Athos à Amiens, avec une accusation de faux-monnayeur sur le corps.
– Voyez-vous! dit M. de Tréville; et comment vous êtes-vous échappé, vous?
– Par miracle, monsieur, je dois le dire, avec un coup d’épée dans la poitrine, et en clouant M. le comte de Wardes sur le revers de la route de Calais, comme un papillon à une tapisserie.
– Voyez-vous encore! de Wardes, un homme au cardinal, un cousin de Rochefort. Tenez, mon cher ami, il me vient une idée.
– Dites, monsieur.
– À votre place, je ferais une chose.
– Laquelle?
– Tandis que Son Éminence me ferait chercher à Paris, je reprendrais, moi, sans tambour ni trompette, la route de Picardie, et je m’en irais savoir des nouvelles de mes trois compagnons. Que diable! ils méritent bien cette petite attention de votre part.
– Le conseil est bon, monsieur, et demain je partirai.
– Demain! et pourquoi pas ce soir?
– Ce soir, monsieur, je suis retenu à Paris par une affaire indispensable.
– Ah! jeune homme! jeune homme! quelque amourette? Prenez garde, je vous le répète: c’est la femme qui nous a perdus, tous tant que nous sommes. Croyez-moi, partez ce soir.
– Impossible! monsieur.
– Vous avez donc donné votre parole?
– Oui, monsieur.
– Alors c’est autre chose; mais promettez-moi que si vous n’êtes pas tué cette nuit, vous partirez demain.
– Je vous le promets.
– Avez-vous besoin d’argent?
– J’ai encore cinquante pistoles. C’est autant qu’il m’en faut, je le pense.
– Mais vos compagnons?
– Je pense qu’ils ne doivent pas en manquer. Nous sommes sortis de Paris chacun avec soixante-quinze pistoles dans nos poches.
– Vous reverrai-je avant votre départ?
– Non, pas que je pense, monsieur, à moins qu’il n’y ait du nouveau.
– Allons, bon voyage!
– Merci, monsieur.»
Et d’Artagnan prit congé de M. de Tréville, touché plus que jamais de sa sollicitude toute paternelle pour ses mousquetaires.
Il passa successivement chez Athos, chez Porthos et chez Aramis. Aucun d’eux n’était rentré. Leurs laquais aussi étaient absents, et l’on n’avait des nouvelles ni des uns, ni des autres.
Il se serait bien informé d’eux à leurs maîtresses, mais il ne connaissait ni celle de Porthos, ni celle d’Aramis; quant à Athos, il n’en avait pas.
En passant devant l’hôtel des Gardes, il jeta un coup d’œil dans l’écurie: trois chevaux étaient déjà rentrés sur quatre. Planchet, tout ébahi, était en train de les étriller, et avait déjà fini avec deux d’entre eux.
«Ah! monsieur, dit Planchet en apercevant d’Artagnan, que je suis aise de vous voir!
– Et pourquoi cela, Planchet? demanda le jeune homme.
– Auriez-vous confiance en M. Bonacieux, notre hôte?
– Moi? pas le moins du monde.
– Oh! que vous faites bien, monsieur.
– Mais d’où vient cette question?
– De ce que, tandis que vous causiez avec lui, je vous observais sans vous écouter; monsieur, sa figure a changé deux ou trois fois de couleur.
– Bah!
– Monsieur n’a pas remarqué cela, préoccupé qu’il était de la lettre qu’il venait de recevoir; mais moi, au contraire, que l’étrange façon dont cette lettre était parvenue à la maison avait mis sur mes gardes, je n’ai pas perdu un mouvement de sa physionomie.
– Et tu l’as trouvée…?