Les Possedes
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«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.
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– Ah! eh bien… oui, sans doute, balbutia d’un air hésitant Pierre Stépanovitch, le bruit court qu’elle est fiancée; – vous savez? Elle l’est certainement. Mais vous avez raison, elle serait sous la couronne qu’elle accourrait au premier appel de vous. Vous n’êtes pas fâché que je parle ainsi?
– Non, je ne suis pas fâché.
– Je remarque qu’aujourd’hui il est extrêmement difficile de vous mettre en colère, et je commence à avoir peur de vous. Je suis bien curieux de voir comment vous vous présenterez demain. Pour sûr, vous avez préparé plus d’un tour. Ce que je vous dis ne vous fâche pas?
Nicolas Vsévolodovitch ne répondit rien, ce qui agaça au plus haut point son interlocuteur.
– À propos, c’est sérieux, ce que vous avez dit à votre maman au sujet d’Élisabeth Nikolaïevna? demanda-t-il.
L’interpellé attacha sur Pierre Stépanovitch un regard froid et pénétrant.
– Ah! Je comprends, vous lui avez dit cela à seule fin de la tranquilliser; allons, oui.
– Et si c’était sérieux? fit d’une voix ferme Nicolas Vsévolodovitch.
– Eh bien, à la grâce de Dieu, comme on dit en pareil cas; cela ne nuira pas à l’affaire (vous voyez, je n’ai pas dit: à notre affaire, notre est un mot qui vous déplaît), et moi… moi, je suis à votre service, vous le savez vous-même.
– Vous pensez?
– Je ne pense rien, reprit en riant Pierre Stépanovitch – car je sais que vous avez d’avance réfléchi à vos affaires et que votre parti est pris. Je me borne à vous dire sérieusement que je suis à votre disposition, toujours, partout, et en toute circonstance, en toute, vous comprenez?
Nicolas Vsévolodovitch bâilla.
– Vous en avez assez de moi, dit le visiteur qui se leva brusquement et prit son chapeau rond tout neuf, comme s’il eût voulu sortir; toutefois il ne s’en alla point et continua à parler, tantôt se tenant debout devant son interlocuteur, tantôt se promenant dans la chambre; quand sa parole s’animait, il frappait sur son genou avec son chapeau.
– Je comptais vous amuser encore un peu en vous parlant des Lembke, dit-il gaiement.
– Non, plus tard. Pourtant comment va la santé de Julie Mikhaïlovna?
– Quel genre mondain vous avez tous! Vous vous souciez de sa santé tout juste autant que de celle d’un chat gris, et cependant vous en demandez des nouvelles. Cela me plaît. Julie Mikhaïlovna va bien, et elle a pour vous une considération que j’appellerai superstitieuse, elle attend beaucoup de choses de vous. Pour ce qui est de l’affaire de dimanche, elle n’en dit rien et elle est sûre que vous n’aurez qu’à paraître pour vaincre. Elle s’imagine, vraiment, que vous pouvez Dieu sait quoi. Du reste, vous êtes maintenant plus que jamais un personnage énigmatique et romanesque, – position extrêmement avantageuse. Vous avez mis ici tous les esprits en éveil; ils étaient déjà fort échauffés quand je suis parti, mais je les ai retrouvés bien plus excités encore. À propos, je vous remercie de nouveau pour la lettre. Ils ont tous peur du comte K… Vous savez, ils vous considèrent, paraît-il, comme un mouchard. Je les confirme dans cette opinion. Vous n’êtes pas fâché?
– Non.
– C’est sans importance, et plus tard cela aura son utilité. Ils ont ici leurs façons de voir. Moi, naturellement, j’abonde dans leur sens, je hurle avec les loups, avec Julie Mikhaïlovna d’abord, et ensuite avec Gaganoff… Vous riez? Mais c’est une tactique de ma part: je débite force inepties, et tout à coup je fais entendre une parole sensée. Ils m’entourent, et je recommence à dire des sottises. Tous désespèrent déjà de faire quelque chose de moi: «Il y a des moyens, disent-ils, mais il est tombé de la lune.» Lembke m’engage à entrer au service pour me réformer. Vous savez, j’en use abominablement avec lui, c'est-à-dire que je le compromets, et il me regarde alors avec de grands yeux. Julie Mikhaïlovna me soutient. Ah! dites donc, Gaganoff vous en veut horriblement. Hier, à Doukhovo, il m’a parlé de vous dans les termes les plus injurieux. Aussitôt je lui ai dit toute la vérité – plus ou moins bien entendu. J’ai passé une journée entière chez lui à Doukhovo. Il a une belle maison, une propriété magnifique.
Nicolas Vsévolodovitch fit un brusque mouvement en avant.
– Est-ce qu’il est maintenant encore à Doukhovo? demanda-t-il.
– Non, il m’a ramené ici ce matin, nous sommes revenus ensemble, répondit Pierre Stépanovitch sans paraître remarquer aucunement l’agitation subite de son interlocuteur. – Tiens, j’ai fait tomber un livre, ajouta-t-il en se baissant pour ramasser un keepsake qu’il venait de renverser. – Les femmes de Balzac, avec des gravures. Je n’ai pas lu cela. Lembke aussi écrit des romans.
– Oui? fit Nicolas Vsévolodovitch avec une apparence d’intérêt.
– Il écrit des romans russes, en secret, bien entendu. Julie Mikhaïlovna le sait et le lui permet. C’est un niais; du reste, il a de la tenue, des manières parfaites, une irréprochable correction d’attitude. Voilà ce qu’il nous faudrait.
– Vous faites l’éloge de l’administration?
– Certainement! Il n’y a que cela de réussi en Russie… Allons, je me tais, adieu; vous avez mauvaise mine.
– J’ai la fièvre.
– On s’en aperçoit, couchez-vous. À propos, il y a des skoptzi ici dans le district, ce sont des gens curieux… Du reste, nous en reparlerons plus tard. Allons, qu’est-ce que je vous dirai encore? La fabrique des Chpigouline est intéressante; elle occupe, comme vous le savez, cinq cents personnes; il y a quinze ans qu’on ne l’a nettoyée, c’est un foyer d’épidémies. Les patrons sont millionnaires, et ils exploitent atrocement leurs ouvriers. Je vous assure que parmi ceux-ci plusieurs ont une idée de l’Internationale. Quoi? Vous souriez? Vous verrez vous-même, seulement donnez-moi un peu de temps, je ne vous en demande pas beaucoup pour vous montrer… pardon, je ne dirai plus rien, ne faites pas la moue. Allons, adieu. Tiens, mais j’oubliais le principal, ajouta Pierre Stépanovitch en revenant tout à coup sur ses pas, – on m’a dit tout à l’heure que notre malle était arrivée de Pétersbourg.
– Eh bien? fit Nicolas Vsévolodovitch qui le regarda sans comprendre.
– Je veux dire votre malle, vos effets. C’est vrai?
– Oui, on me l’a dit tantôt.
– Ah! alors ne pourrais-je pas tout de suite…
– Demandez à Alexis.
– Allons, ce sera pour demain. Avec vos affaires se trouvent là mon veston, mon frac, et les trois pantalons que Charmer m’a faits sur votre recommandation, vous vous rappelez?
– À ce que j’ai entendu dire, vous posez ici pour le gentleman, observa en souriant Nicolas Vsévolodovitch. – Est-ce vrai que vous voulez apprendre à monter à cheval?
Un sourire ou plutôt une grimace désagréable se montra sur les lèvres de Pierre Stépanovitch.