Les Possedes
Les Possedes читать книгу онлайн
«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
Nicolas Vsévolodovitch gardait un silence obstiné.
– Hein? Quoi? Vous avez dit quelque chose? Je vois que j’ai encore donné une entorse à la vérité, vous n’avez pas posé de conditions et vous n’en poserez pas, je le crois, je le crois, allons, calmez-vous; je sais moi-même que ce n’est pas la peine d’en poser, n’est-ce pas? Je réponds pour vous, et c’est sans doute encore l’effet de mon incapacité; que voulez-vous? quand on est incapable… Vous riez? Hein? Quoi?
– Rien, répondit Nicolas Vsévolodovitch qui finit par sourire, – je viens de me rappeler qu’en effet je vous ai traité d’incapable, mais ce n’était pas en votre présence; on vous a donc rapporté ce propos… Je vous prierais d’arriver un peu plus vite à la question.
– Mais j’y suis en plein, il s’agit précisément de l’affaire de dimanche! Comment me suis-je montré ce jour-là, selon vous? Avec ma précipitation d’incapable, je me suis emparé de la conversation d’une façon fort sotte, de force, pour ainsi dire. Mais on m’a tout pardonné, d’abord parce que je suis un échappé de la lune, c’est maintenant l’opinion universellement admise ici, ensuite parce que j’ai raconté une gentille petite histoire et tiré tout le monde d’embarras, n’est-ce pas?
– C'est-à-dire que votre récit était fait pour donner l’idée d’une entente préalable, d’une connivence entre nous, tandis qu’il n’en existait aucune et que je ne vous avais nullement prié d’intervenir.
– Justement, justement! reprit, comme transporté de joie, Pierre Stépanovitch. – J’ai fait exprès de vous laisser voir tout ce ressort; c’est surtout pour vous que je me suis tant remué: je vous tendais un piège et voulais vous compromettre. Je tenais principalement à savoir jusqu’à quel point vous aviez peur.
– Je serais curieux d’apprendre pourquoi maintenant vous démasquez ainsi vos batteries!
– Ne vous fâchez pas, ne vous fâchez pas, ne me regardez pas avec des yeux flamboyants… Du reste, vos yeux ne flamboient pas. Vous êtes curieux de savoir pourquoi j’ai ainsi démasqué mes batteries? Mais justement parce que maintenant tout est changé, tout est fini, mort et enterré. J’ai tout d’un coup changé d’idée sur votre compte. À présent j’ai complètement renoncé à l’ancien procédé, je ne vous compromettrai plus jamais par ce moyen, il en faut un nouveau.
– Vous avez modifié votre tactique?
– Il n’y a pas de tactique. Maintenant vous êtes en tout parfaitement libre, c'est-à-dire que vous pouvez à votre gré dire oui ou non. Quant à notre affaire, je n’en soufflerai pas mot avant que vous-même me l’ordonniez. Vous riez? À votre aise; je ris aussi. Mais maintenant je parle sérieusement, très sérieusement, quoique celui qui se presse ainsi soit sans doute un incapable, n’est-il pas vrai? N’importe, va pour incapable, mais je parle sérieusement.
En effet, son ton était devenu tout autre, et une agitation particulière se remarquait en lui; Nicolas Vsévolodovitch le regarda avec curiosité.
– Vous dites que vous avez changé d’idée sur moi? demanda-t-il.
– J’ai changé d’idée sur vous à l’instant où, ayant reçu un soufflet de Chatoff, vous vous êtes croisé les mains derrière le dos. Assez, assez, je vous prie, ne m’interrogez pas, je ne dirai rien de plus.
Le visiteur se leva vivement en agitant les bras comme pour repousser les questions qu’il prévoyait, mais Nicolas Vsévolodovitch ne lui en fit aucune. Alors Pierre Stépanovitch, qui n’avait aucune raison pour s’en aller, se rassit sur son fauteuil et se calma un peu.
– À propos, dit-il précipitamment, – il y a ici des gens qui disent que vous le tuerez, ils en font le pari, si bien que Lembke pensait à mettre la police en mouvement, mais Julie Mikhaïlovna l’en a empêché… Assez, assez là-dessus, c’était seulement pour vous prévenir. Ah! encore une chose: ce jour-là même j’ai fait passer l’eau aux Lébiadkine, vous le savez; vous avec reçu le billet dans lequel je vous donnais leur adresse?
– Oui.
– Ce que j’en ai fait, ce n’est pas par «incapacité», mais par zèle, par un zèle sincère. Il se peut que j’aie été incapable, du moins j’ai agi sincèrement.
– Oui, peut-être qu’il le fallait… dit d’un air pensif Nicolas Vsévolodovitch; – seulement ne m’écrivez plus de lettres, je vous prie.
– Cette fois il n’y avait pas moyen de faire autrement.
– Alors Lipoutine sait?
– Il était impossible de lui cacher la chose; mais Lipoutine, vous le savez vous-même, n’osera pas… À propos, il faudrait aller chez les nôtres, chez eux, veux-je dire, car les nôtres, c’est une expression que vous n’aimez pas. Mais soyez tranquille, il n’est pas question d’y aller tout de suite, rien ne presse. Il va pleuvoir. Je les avertirai, ils se réuniront, et nous nous rendrons là un soir. Ils attendent la bouche ouverte, comme une nichée de choucas, le cadeau que nous allons leur faire. Ce sont des gens pleins d’ardeur, ils se préparent à discuter. Virguinsky est un humanitaire, Lipoutine un fouriériste avec un penchant marqué pour les besognes policières; je vous le dis, c’est un homme précieux sous un rapport, mais qui, sous tous les autres, demande à être sévèrement tenu en bride. Enfin, il y a cet homme aux longues oreilles qui donnera lecture d’un système de son invention. Et, vous savez, ils sont froissés parce que je ne me gêne pas avec eux, hé, hé! Mais il faut absolument leur faire visite.
– Vous m’avez donné là comme un chef? fit d’un ton aussi indifférent que possible Nicolas Vsévolodovitch.
Pierre Stépanovitch jeta sur son interlocuteur un regard rapide.
– À propos, se hâta-t-il de reprendre sans paraître avoir entendu la question qui lui était adressée, – j’ai passé deux ou trois fois chez la très honorée Barbara Pétrovna, et j’ai dû aussi beaucoup parler.
– Je me figure cela.
– Non, ne vous figurez rien, j’ai seulement dit que vous ne tueriez pas Chatoff, et j’ai ajouté d’autres bonnes paroles. Imaginez-vous: le lendemain elle savait déjà que j’avais fait passer la rivière à Marie Timoféievna; c’est vous qui le lui avez dit?
– Je n’y ai même pas pensé.
– Je me doutais bien que ce n’était pas vous, mais alors qui donc a pu le lui dire? C’est curieux.
– Lipoutine, naturellement.
– N-non, ce n’est pas Lipoutine, murmura en fronçant le sourcil Pierre Stépanovitch; – je saurai qui. M’est avis qu’il y a du Chatoff là dedans… Du reste, c’est insignifiant, laissons cela! Si, pourtant, c’est une chose fort importante… À propos, je croyais toujours que votre mère allait tout d’un coup me poser la question principale… Ah! oui, les autres fois elle était très sombre, et aujourd’hui, en arrivant, je l’ai trouvée rayonnante. D’où vient cela?
– C’est que je lui ai donné aujourd’hui ma parole que dans cinq jours je demanderais la main d’Élisabeth Nikolaïevna, répondit avec une franchise inattendue Nicolas Vsévolodovitch.