Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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«Allons, êtes-vous décidé? dit-elle.
– Mais, ma chère amie, réfléchissez donc un peu à ce que vous exigez de moi; Londres est loin de Paris, fort loin, et peut-être la commission dont vous me chargez n’est-elle pas sans dangers.
– Qu’importe, si vous les évitez!
– Tenez, madame Bonacieux, dit le mercier, tenez, décidément, je refuse: les intrigues me font peur. J’ai vu la Bastille, moi. Brrrrou! c’est affreux, la Bastille! Rien que d’y penser, j’en ai la chair de poule. On m’a menacé de la torture. Savez-vous ce que c’est que la torture? Des coins de bois qu’on vous enfonce entre les jambes jusqu’à ce que les os éclatent! Non, décidément, je n’irai pas. Et morbleu! que n’y allez-vous vous-même? car, en vérité, je crois que je me suis trompé sur votre compte jusqu’à présent: je crois que vous êtes un homme, et des plus enragés encore!
– Et vous, vous êtes une femme, une misérable femme, stupide et abrutie. Ah! vous avez peur! Eh bien, si vous ne partez pas à l’instant même, je vous fais arrêter par l’ordre de la reine, et je vous fais mettre à cette Bastille que vous craignez tant.»
Bonacieux tomba dans une réflexion profonde, il pesa mûrement les deux colères dans son cerveau, celle du cardinal et celle de la reine: celle du cardinal l’emporta énormément.
«Faites-moi arrêter de la part de la reine, dit-il, et moi je me réclamerai de Son Éminence.»
Pour le coup, Mme Bonacieux vit qu’elle avait été trop loin, et elle fut épouvantée de s’être si fort avancée. Elle contempla un instant avec effroi cette figure stupide, d’une résolution invincible, comme celle des sots qui ont peur.
«Eh bien, soit! dit-elle. Peut-être, au bout du compte, avez-vous raison: un homme en sait plus long que les femmes en politique, et vous surtout, monsieur Bonacieux, qui avez causé avec le cardinal. Et cependant, il est bien dur, ajouta-t-elle, que mon mari, un homme sur l’affection duquel je croyais pouvoir compter, me traite aussi disgracieusement et ne satisfasse point à ma fantaisie.
– C’est que vos fantaisies peuvent mener trop loin, reprit Bonacieux triomphant, et je m’en défie.
– J’y renoncerai donc, dit la jeune femme en soupirant; c’est bien, n’en parlons plus.
– Si, au moins, vous me disiez quelle chose je vais faire à Londres, reprit Bonacieux, qui se rappelait un peu tard que Rochefort lui avait recommandé d’essayer de surprendre les secrets de sa femme.
– Il est inutile que vous le sachiez, dit la jeune femme, qu’une défiance instinctive repoussait maintenant en arrière: il s’agissait d’une bagatelle comme en désirent les femmes, d’une emplette sur laquelle il y avait beaucoup à gagner.»
Mais plus la jeune femme se défendait, plus au contraire Bonacieux pensa que le secret qu’elle refusait de lui confier était important. Il résolut donc de courir à l’instant même chez le comte de Rochefort, et de lui dire que la reine cherchait un messager pour l’envoyer à Londres.
«Pardon, si je vous quitte, ma chère madame Bonacieux, dit-il; mais, ne sachant pas que vous me viendriez voir, j’avais pris rendez-vous avec un de mes amis, je reviens à l’instant même, et si vous voulez m’attendre seulement une demi-minute, aussitôt que j’en aurai fini avec cet ami, je reviens vous prendre, et, comme il commence à se faire tard, je vous reconduis au Louvre.
– Merci, monsieur, répondit Mme Bonacieux: vous n’êtes point assez brave pour m’être d’une utilité quelconque, et je m’en retournerai bien au Louvre toute seule.
– Comme il vous plaira, madame Bonacieux, reprit l’ex-mercier. Vous reverrai-je bientôt?
– Sans doute; la semaine prochaine, je l’espère, mon service me laissera quelque liberté, et j’en profiterai pour revenir mettre de l’ordre dans nos affaires, qui doivent être quelque peu dérangées.
– C’est bien; je vous attendrai. Vous ne m’en voulez pas?
– Moi! pas le moins du monde.
– À bientôt, alors?
– À bientôt.»
Bonacieux baisa la main de sa femme, et s’éloigna rapidement.
«Allons, dit Mme Bonacieux, lorsque son mari eut refermé la porte de la rue, et qu’elle se trouva seule, il ne manquait plus à cet imbécile que d’être cardinaliste! Et moi qui avais répondu à la reine, moi qui avais promis à ma pauvre maîtresse… Ah! mon Dieu, mon Dieu! elle va me prendre pour quelqu’une de ces misérables dont fourmille le palais, et qu’on a placées près d’elle pour l’espionner! Ah! monsieur Bonacieux! je ne vous ai jamais beaucoup aimé; maintenant, c’est bien pis: je vous hais! et, sur ma parole, vous me le paierez!»
Au moment où elle disait ces mots, un coup frappé au plafond lui fit lever la tête, et une voix, qui parvint à elle à travers le plancher, lui cria:
«Chère madame Bonacieux, ouvrez-moi la petite porte de l’allée, et je vais descendre près de vous.»
CHAPITRE XVIII
«Ah! madame, dit d’Artagnan en entrant par la porte que lui ouvrait la jeune femme, permettez-moi de vous le dire, vous avez là un triste mari.
– Vous avez donc entendu notre conversation? demanda vivement Mme Bonacieux en regardant d’Artagnan avec inquiétude.
– Tout entière.
– Mais comment cela? mon Dieu!
– Par un procédé à moi connu, et par lequel j’ai entendu aussi la conversation plus animée que vous avez eue avec les sbires du cardinal.
– Et qu’avez-vous compris dans ce que nous disions?
– Mille choses: d’abord, que votre mari est un niais et un sot, heureusement; puis, que vous étiez embarrassée, ce dont j’ai été fort aise, et que cela me donne une occasion de me mettre à votre service, et Dieu sait si je suis prêt à me jeter dans le feu pour vous; enfin que la reine a besoin qu’un homme brave, intelligent et dévoué fasse pour elle un voyage à Londres. J’ai au moins deux des trois qualités qu’il vous faut, et me voilà.»
Mme Bonacieux ne répondit pas, mais son cœur battait de joie, et une secrète espérance brilla à ses yeux.
«Et quelle garantie me donnerez-vous, demanda-t-elle, si je consens à vous confier cette mission?
– Mon amour pour vous. Voyons, dites, ordonnez: que faut-il faire?
– Mon Dieu! mon Dieu! murmura la jeune femme, dois-je vous confier un pareil secret, monsieur? Vous êtes presque un enfant!
– Allons, je vois qu’il vous faut quelqu’un qui vous réponde de moi.
– J’avoue que cela me rassurerait fort.
– Connaissez-vous Athos?
– Non.
– Porthos?
– Non.
– Aramis?
– Non. Quels sont ces messieurs?
– Des mousquetaires du roi. Connaissez-vous M. de Tréville, leur capitaine?
– Oh! oui, celui-là, je le connais, non pas personnellement, mais pour en avoir entendu plus d’une fois parler à la reine comme d’un brave et loyal gentilhomme.
– Vous ne craignez pas que lui vous trahisse pour le cardinal, n’est-ce pas?
– Oh! non, certainement.
– Eh bien, révélez-lui votre secret, et demandez-lui, si important, si précieux, si terrible qu’il soit, si vous pouvez me le confier.
– Mais ce secret ne m’appartient pas, et je ne puis le révéler ainsi.
– Vous l’alliez bien confier à M. Bonacieux, dit d’Artagnan avec dépit.
– Comme on confie une lettre au creux d’un arbre, à l’aile d’un pigeon, au collier d’un chien.
– Et cependant, moi, vous voyez bien que je vous aime.
– Vous le dites.
– Je suis un galant homme!
– Je le crois.
– Je suis brave!
– Oh! cela, j’en suis sûre.
– Alors, mettez-moi donc à l’épreuve.»
Mme Bonacieux regarda le jeune homme, retenue par une dernière hésitation. Mais il y avait une telle ardeur dans ses yeux, une telle persuasion dans sa voix, qu’elle se sentit entraînée à se fier à lui. D’ailleurs elle se trouvait dans une de ces circonstances où il faut risquer le tout pour le tout. La reine était aussi bien perdue par une trop grande retenue que par une trop grande confiance. Puis, avouons-le, le sentiment involontaire qu’elle éprouvait pour ce jeune protecteur la décida à parler.