La main coupee (Отрезанная рука)
La main coupee (Отрезанная рука) читать книгу онлайн
продолжение серии книг про Фантомаса
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— Pas en prison, pas en prison, s’était écrié Mario Isolino pour sauvegarder sa vertu.
Et dès lors, M meHéberlauf, merveilleusement inventive, comme le sont les amoureuses, avait soudain mis au point cet admirable projet d’évasion de Mario Isolino.
Tout d’abord le bonneteur avait refusé, il ne se trouvait pas mal en prison, il ne redoutait pas une grosse condamnation et s’il était surpris en train de se sauver – ce qui arriverait probablement – l’aventure ne manquerait pas d’aggraver son cas.
Mais la situation devenait intenable dans la cellule où M meHéberlauf passait désormais le plus clair de ses journées et Mario Isolino, pour fuir ses assiduités, avait consenti à accepter le principe d’une fuite.
La femme de l’ex-pasteur s’était souvenue alors qu’elle avait jadis, mieux que son mari, dirigé la police secrète en Hesse-Weimar.
Elle avait apporté successivement au prisonnier une petite lime bien aiguisée qui allait lui permettre de scier l’un des barreaux de sa fenêtre, puis une solide corde en plusieurs morceaux que Mario Isolino dissimula dans son matelas et dont il devait se servir pour descendre le long d’un mur haut de vingt mètres dans le ravin au-dessus duquel se dressait le fort Saint-Antoine.
Or, c’était précisément pour cette nuit-là que la tentative d’évasion était prévue. M meHéberlauf avait annoncé qu’elle se tiendrait dissimulée derrière un rocher au sommet du ravin. Lorsque Mario Isolino l’aurait rejointe, ils partiraient tous les deux pour l’Italie afin d’y vivre leurs premières amours. Mario Isolino avait consenti. Il lui était d’ailleurs impossible de faire autrement, mais c’était la mort dans l’âme qu’il regardait sa montre et s’apercevait que l’heure se rapprochait.
— Io vais me rompre les os, déclarait-il naïvement à Bouzille, et si ze vois le vide, ze tomberai car z’ai toujours eu lou vertize…
Bouzille, brave homme, encourageait l’infortuné :
— Il ne faut pas se frapper comme cela, tout ira bien et lorsque tu seras dehors, rien ne t’empêchera d’abandonner cette excellente M meHéberlauf.
— Bouzille, s’écria le bonneteur, tou vas venir avec moi.
— Ah ça, jamais, par exemple, protesta le chemineau, d’abord je ne suis pas aimé, et puis je t’avoue que je ne suis pas fâché de me reposer un peu. À mon âge les grandes aventures sont fatigantes et je ne prends guère le chemin de la tranquillité que je souhaitais avoir en prenant le chemin de Monaco.
Minuit sonna.
C’était l’heure qu’avait fixée M meHéberlauf pour l’évasion du prisonnier.
— Si ze ne pars pas, soupira le malheureux bonneteur, elle sera ici dès demain matin et ze ne saurai plus comment m’en défaire.
Il n’y avait pas à hésiter.
Sans grande difficulté, le bonneteur, aidé de Bouzille, coupa un des barreaux de la fenêtre, il assujettit solidement à ceux qui restaient la grosse corde de chanvre fournie par M meHéberlauf.
Au moment de partir, ses yeux se mouillèrent de larmes :
— Bouzille, s’écria-t-il, en prenant dans ses bras le chemineau, adieu mon ami, mon frère.
Les deux hommes s’étreignirent. Puis se hissant péniblement jusqu’à l’appui de la fenêtre, le bonneteur l’enjamba, disparut dans le vide… Bouzille le regardait descendre, lui prodiguant ses conseils, lui signalant de temps à autre les anfractuosités de la muraille où il pouvait prendre appui.
Puis, le bonneteur disparut dans l’ombre et, à un moment donné la corde étant redevenue souple, le chemineau resté seul dans sa cellule se rendit compte que l’évadé avait atteint le fond du ravin. Bouzille alors dénoua la corde et l’envoya rejoindre le fugitif.
Tant bien que mal il remit en place le barreau coupé ; il ne voulait pas avoir d’ennuis, il ne devait pas laisser croire que lui aussi pouvait avoir eu l’intention de se sauver.
Le chemineau alors, étouffant un bâillement, s’étendit sur son matelas.
Puis, avant de s’endormir, il déclara en guise de conclusion :
— Bah, j’avais envie d’avoir un compagnon, et voici que je suis content qu’il soit parti. Certes, ce Mario Isolino n’est pas un mauvais homme, mais enfin je ne le connais pas plus que ça, il aurait pu me voler mes vêtements ou me faire quelques tours pendant mon sommeil. Pour se reposer tranquille quelque part, il vaut mieux être seul.
Là-dessus Bouzille se souhaitait bonsoir à lui-même puis s’endormit profondément, seul prisonnier peut-être de toute cette prison, véritable prison familiale d’ailleurs où nul ne se préoccupait des prisonniers, où l’on ne faisait pas la moindre surveillance pendant la nuit, convaincu que ceux qui s’y trouvaient n’auraient jamais l’intention de s’en aller.
***
Mario Isolino, descendu dans le ravin, trébucha, se déchira la peau aux broussailles. Des ronces lui ensanglantèrent le visage, il se piqua les doigts aux épines :
— Sale aventoure, sale aventoure, grogna-t-il et dire qu’en sortant d’ici io vais trouver la mère Héberlauf.
Pour un peu et si Bouzille n’avait pas détaché la corde Mario Isolino aurait réintégré sa cellule.
Néanmoins, courbant la tête et résigné à sa situation, le bonneteur poursuivait son chemin, remontant par un sentier rocailleux et plein d’embûches au sommet du ravin.
Mais lorsqu’il y fut parvenu, une surprise inattendue l’attendait.
Ce n’était pas M meHéberlauf qu’il trouva en face de lui, c’était un homme, un homme enveloppé d’un long manteau noir, un masque sur le visage :
— Approche, avait commandé cet homme, en voyant Mario Isolino émerger du ravin.
Le bonneteur stupéfié par cette apparition se traînait plutôt qu’il n’approchait aux pieds de l’inconnu :
— Ze vous demande bien pardon, faisait-il, ze ne veux pas vous faire de mal.
— Parbleu, s’écria l’homme en ricanant, il ne manquerait plus que cela.
Mais le mystérieux personnage continuait :
— Tu t’es mis dans un bien mauvais cas, mon garçon. Lorsqu’on s’évade d’une prison on encourt des peines sévères et s’il me plaît de te reconduire dans quelques instants à tes geôliers, tu seras jeté dans une véritable oubliette, et chargé de fers.
— Grâce, pleura Mario Isolino.
L’homme le releva d’un coup de pied :
— Je t’épargnerai, peut-être, si tu obéis.
— Ze zouis à vos ordres.
— Lorsqu’on obéit aux ordres de Fantômas on s’en trouve toujours bien.
Mario Isolino crut s’évanouir. Comment, c’était Fantômas.
Cependant que Mario Isolino, de plus en plus terrorisé, considérait avec respect celui que la rumeur publique avait baptisé le Génie du Crime, Fantômas ordonnait :
— Tu vas partir, Mario Isolino, tu vas descendre jusqu’à la côte, tu vas rejoindre une bande qui attend au bord de la mer mes ordres définitifs. Tu rencontreras ces braves gens auprès de la grotte où habite Bouzille.
Le célèbre bandit tira alors de dessous son manteau une sorte de filet aux allures de filet de pêche, il le remit au bonneteur.
Il ajouta encore :
— Tu demanderas à parler au Bedeau. Tu lui diras : « Je suis envoyé par Fantômas », et tu lui donneras ce filet.
« Il sait ce que cela veut dire.
« Après quoi, Mario Isolino, quoi qu’il arrive, quoi qu’il advienne, tu obéiras aveuglément aux ordres du Bedeau et souviens-toi toujours que si tu commettais quelque incartade ce serait à Fantômas que tu devrais en rendre compte. Allez, fous le camp.
***
Mario Isolino dégringola rapidement le sommet du ravin, se dirigea au pas de course dans la direction de la falaise.
Certes, il était fort ennuyé d’être embarqué dans une aventure mystérieuse manigancée par Fantômas, mais cette aventure avait cela de bon, tout au moins, qu’elle l’arrachait momentanément, et, peut être pour toujours, aux sympathies exagérées, à l’amour excédant, à la farouche passion de l’excellente M meHéberlauf.
***
— Jérôme Fandor.