Le mariage de Fantomas (Свадьба Фантомаса)
Le mariage de Fantomas (Свадьба Фантомаса) читать книгу онлайн
продолжение серии книг про Фантомаса
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
Il fit quelques pas encore, se heurta à un nouvel obstacle.
— Pardon, excuse, mademoiselle, dit-il, tirant son chapeau poliment, s’inclinant jusqu’à terre.
Mais Barnabé éclatait de rire :
— Ah nom de Dieu, fit-il, qu’est-ce que j’ai ? c’est pas une demoiselle, c’est un arbre avec une carcasse de fer en guise de crinoline.
Zigzaguant toujours, le fossoyeur poursuivit son chemin, et il arriva enfin à l’extrémité du boulevard, à hauteur de l’ancien hippodrome.
Là, d’un pas trébuchant, il descendit le trottoir, puis s’assit sur la bordure de pierre et demeura pensif, la tête entre les mains. Il allait peut-être s’endormir là, lorsqu’une douce fraîcheur au bas des jambes l’arracha à sa torpeur.
— Oh que c’est bon, que c’est bon, murmura-t-il, c’est épatant ce qu’il y a des choses agréables dans la vie.
Il regardait instinctivement pour discerner la cause de cette délicieuse sensation :
— Tiens, fit-il hébété, c’est mes pieds qui se sont plantés dans le ruisseau. Je comprends que je sentais du froid.
Barnabé, toutefois, au risque de la congestion, ne remuait pas et regardait l’eau trouble du ruisseau qui coulait par-dessus ses chaussures mutilées. Puis, relevant lentement la tête, son regard s’arrêta stupéfait, retenu semblait-il, par une masse sombre placée à proximité de lui.
Barnabé considérait avec stupéfaction une silhouette humaine, puis il observa, désignant du doigt un grillage qui l’entourait.
— Faut-y que ce type-là soit méchant pour qu’on l’ait enfermé dans une cage.
Et aussitôt, par une rapide association d’idées d’ivrogne, Barnabé s’effrayait d’être auprès d’un aussi redoutable personnage. Et de sa voix de plus en plus éraillée, il se mit à geindre.
— Au secours, au secours !
Deux agents qui l’observaient depuis quelques instants, s’approchèrent lentement ; l’un d’eux, d’un geste paternel, lui toucha l’épaule :
— Hé là, mon brave homme, faudrait voir à rentrer chez vous.
Barnabé était respectueux de l’autorité. Il ôta son chapeau, salua les agents :
— Salut, messieurs, fit-il, j’ai bien l’honneur de vous saluer, excusez-moi de vous avoir dérangés, seulement, c’est rapport à cet individu, vous qui êtes dans la police, vous seriez-t-y pas capables de me dire pourquoi c’est-y qu’on l’a enfermé dans cette cage de fer ?
Les agents suivaient du regard le doigt de Barnabé et malgré la solennité que leur imposait l’uniforme, ils ne purent s’empêcher de rire. L’un d’eux haussa les épaules et expliqua :
— Allons, mon ami, vous avez trop bu, et vous dites des bêtises. Ce que vous croyez être enfermé dans une cage, c’est tout simplement une statue. Allons, circulez, rentrez chez vous sans faire de scandale, faute de quoi nous serions obligés de vous emmener au poste.
Péniblement, Barnabé s’était relevé, il protesta :
— Ça jamais, jamais, foi de Barnabé, on ne m’a conduit au poste, ce n’est pas que je n’aime pas les agents, mais je ne veux point aller chez le commissaire de police. Non, je ne veux pas.
— Alors, rentrez chez vous.
— Mais c’est ce que je fais, messieurs les agents, c’est ce que je fais.
Non sans peine, Barnabé traversa la chaussée, puis guidé par son instinct, il aborda la rue Caulaincourt. Au bout d’un quart d’heure, il parvint au point surplombant le cimetière de Montmartre, puis fatigué d’un tel effort il s’accota à la balustrade par-dessus laquelle son regard trouble et vacillant plongeait dans l’obscurité noire du cimetière silencieux. Incorrigiblement bavard lorsqu’il avait bu, Barnabé monologuait, il esquissait des sourires, il avait des gestes de satisfaction :
— Parbleu, je m’y retrouve, grommela-t-il, ça c’est mon quartier, et là-dessous voilà mon chantier de travail. Tiens, je les connais tous là-dedans, c’est mes clients. Voilà le caveau des Morel.
Barnabé haussait les épaules :
— Oh, les Morel, des purées, trois francs par mois pour l’entretien, c’est pas avec ça que je pourrai me payer une automobile. Parlez-moi des Artinien. V’là du monde bien, et puis c’est des gens qui font travailler, on en a descendu cinq dans le caveau, en moins de deux ans. Ah, conclut-il, en étouffant un soupir, voilà comme il en faudrait toujours de la clientèle. Ce qu’il y a de bon, d’ailleurs, dans le métier, c’est qu’on ne chôme jamais. Y a pas de morte-saison.
Soudain, le fossoyeur tressaillit, tourna la tête :
— De quoi ? qu’est-ce que c’est ?
Et il regarda d’un air surpris. Quelqu’un venait de le tirer par le bras, c’était une femme. Barnabé esquissa un sourire, puis, se rapprochant de la nouvelle venue :
— Oh, oh, fit-il, voilà un chopin [9].
Mais comme il arrivait près de la femme, il s’en écartait aussitôt avec un geste de dépit :
— Ah non, fit-il, rien à faire, t’es trop moche.
Et il ajouta, fier de lui-même :
— On en a d’autres, et mieux que ça !
La femme ne se vexait pas de cette marque de mépris, mais elle revenait à la charge. C’était une femme âgée, aux allures misérables, elle prit le fossoyeur par le bras.
— Viens, dit-elle d’une voix étranglée par l’émotion, que je te montre quelque chose.
Barnabé se laissait entraîner, traversait le pont et, sous la conduite de cette femme, allait s’accoter à la balustrade opposée du côté donnant sur la partie ouest du cimetière, qui s’étend à perte de vue dans la direction de Clichy.
Ils demeurèrent quelques instants immobiles, attentifs, son étrange interlocutrice ne prononçait pas une parole :
— Eh bien, de quoi ? fit Barnabé, qui commençait à s’impatienter.
La femme ne bougeait point, et le fossoyeur allait l’interroger encore, lorsque sa compagne, étendant le bras dans la direction du cimetière, murmura d’un ton angoissé :
— Regarde, nom de Dieu, regarde.
Barnabé, de son œil vague, obéit. Tout d’abord il ne voyait rien, mais ses yeux, peu à peu, s’habituaient à l’obscurité, parvenaient à la fouiller. Soudain il s’écria :
— Ah bon Dieu de bon Dieu !
Puis il se sentit pâlir. La vieille femme cependant se serrait contre lui :
— J’ai peur, balbutiait-elle, qu’est-ce que c’est ?
À son tour, Barnabé prononça des paroles vagues, incompréhensibles, il se cramponna à la balustrade du pont, voulut détourner la tête, cesser de regarder ce qu’il voyait, mais ses muscles ne lui obéissaient pas et ses yeux dilatés par l’épouvante continuaient à contempler fixement le spectacle qui s’offrait à eux.
— Là, là, désignait la vieille femme. Le vois-tu encore ?
— Je le vois, répliqua Barnabé que la vision extraordinaire dégrisait peu à peu.
Le fossoyeur et sa compagne pouvaient être surpris, étonnés, abasourdis.
Dans le mystère du cimetière, soudain ils avaient vu surgir une forme vague, imprécise d’abord, qui, peu à peu, se silhouettait plus nettement. Une tête leur était apparue, une tête humaine, blafarde et glabre, dont la moitié était toute noire, alors que l’autre moitié apparaissait blanche. Puis, un corps s’était dessiné, un corps vêtu d’habits vraisemblablement ; sur la poitrine c’était encore une tache blanche, affectant la forme d’un plastron de chemise, cependant que des membres humains constituant le reste du corps semblaient également dissimulés sous des vêtements noirs. Aux extrémités des bras pendaient deux mains toutes blanches et immobiles. Cette apparition se déplaçait, sans paraître marcher, avec des mouvements doux, indéfinissables ; tantôt la vision éclairée par le reflet des becs de gaz, s’affirmait nettement, tantôt au contraire elle devenait invisible. On la croyait partie, elle réapparaissait quelques secondes après, surgissant derrière un caveau, se dressant au-dessus d’une tombe, glissant entre deux monuments, passant sous le feuillage épais d’un arbre.
— Cré nom de nom ! répétait Barnabé qui sentait une sueur froide couler le long de ses joues, c’est un revenant, un fantôme, cré nom, j’ai jamais eu le trac dans ma vie, et ce coup-ci, je commence à avoir les foies !