Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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«Monsieur Porthos, je suis ignorante de tout cela, moi; sais-je ce que c’est qu’un cheval? sais-je ce que c’est que des harnais?
– Il fallait vous en rapporter à moi, qui m’y connais, madame; mais vous avez voulu ménager, et, par conséquent, prêter à usure.
– C’est un tort, monsieur Porthos, et je le réparerai sur ma parole d’honneur.
– Et comment cela? demanda le mousquetaire.
– Écoutez. Ce soir M. Coquenard va chez M. le duc de Chaulnes, qui l’a mandé. C’est pour une consultation qui durera deux heures au moins, venez, nous serons seuls, et nous ferons nos comptes.
– À la bonne heure! voilà qui est parler, ma chère!
– Vous me pardonnez?
– Nous verrons», dit majestueusement Porthos.
Et tous deux se séparèrent en se disant: «À ce soir.»
«Diable! pensa Porthos en s’éloignant, il me semble que je me rapproche enfin du bahut de maître Coquenard.»
CHAPITRE XXXV
Ce soir, attendu si impatiemment par Porthos et par d’Artagnan, arriva enfin.
D’Artagnan, comme d’habitude, se présenta vers les neuf heures chez Milady. Il la trouva d’une humeur charmante; jamais elle ne l’avait si bien reçu. Notre Gascon vit du premier coup d’œil que son billet avait été remis, et ce billet faisait son effet.
Ketty entra pour apporter des sorbets. Sa maîtresse lui fit une mine charmante, lui sourit de son plus gracieux sourire; mais, hélas! la pauvre fille était si triste, qu’elle ne s’aperçut même pas de la bienveillance de Milady.
D’Artagnan regardait l’une après l’autre ces deux femmes, et il était forcé de s’avouer que la nature s’était trompée en les formant; à la grande dame elle avait donné une âme vénale et vile, à la soubrette elle avait donné le cœur d’une duchesse.
À dix heures Milady commença à paraître inquiète, d’Artagnan comprit ce que cela voulait dire; elle regardait la pendule, se levait, se rasseyait, souriait à d’Artagnan d’un air qui voulait dire: Vous êtes fort aimable sans doute, mais vous seriez charmant si vous partiez!
D’Artagnan se leva et prit son chapeau; Milady lui donna sa main à baiser; le jeune homme sentit qu’elle la lui serrait et comprit que c’était par un sentiment non pas de coquetterie, mais de reconnaissance à cause de son départ.
«Elle l’aime diablement», murmura-t-il. Puis il sortit.
Cette fois Ketty ne l’attendait aucunement, ni dans l’antichambre, ni dans le corridor, ni sous la grande porte. Il fallut que d’Artagnan trouvât tout seul l’escalier et la petite chambre.
Ketty était assise la tête cachée dans ses mains, et pleurait.
Elle entendit entrer d’Artagnan, mais elle ne releva point la tête; le jeune homme alla à elle et lui prit les mains, alors elle éclata en sanglots.
Comme l’avait présumé d’Artagnan, Milady, en recevant la lettre, avait, dans le délire de sa joie, tout dit à sa suivante; puis, en récompense de la manière dont cette fois elle avait fait la commission, elle lui avait donné une bourse. Ketty, en rentrant chez elle, avait jeté la bourse dans un coin, où elle était restée tout ouverte, dégorgeant trois ou quatre pièces d’or sur le tapis.
La pauvre fille, à la voix de d’Artagnan, releva la tête. D’Artagnan lui-même fut effrayé du bouleversement de son visage; elle joignit les mains d’un air suppliant, mais sans oser dire une parole.
Si peu sensible que fût le cœur de d’Artagnan, il se sentit attendri par cette douleur muette; mais il tenait trop à ses projets et surtout à celui-ci, pour rien changer au programme qu’il avait fait d’avance. Il ne laissa donc à Ketty aucun espoir de le fléchir, seulement il lui présenta son action comme une simple vengeance.
Cette vengeance, au reste, devenait d’autant plus facile, que Milady, sans doute pour cacher sa rougeur à son amant, avait recommandé à Ketty d’éteindre toutes les lumières dans l’appartement, et même dans sa chambre, à elle. Avant le jour, M. de Wardes devait sortir, toujours dans l’obscurité.
Au bout d’un instant on entendit Milady qui rentrait dans sa chambre. D’Artagnan s’élança aussitôt dans son armoire. À peine y était-il blotti que la sonnette se fit entendre.
Ketty entra chez sa maîtresse, et ne laissa point la porte ouverte; mais la cloison était si mince, que l’on entendait à peu près tout ce qui se disait entre les deux femmes.
Milady semblait ivre de joie, elle se faisait répéter par Ketty les moindres détails de la prétendue entrevue de la soubrette avec de Wardes, comment il avait reçu sa lettre, comment il avait répondu, quelle était l’expression de son visage, s’il paraissait bien amoureux; et à toutes ces questions la pauvre Ketty, forcée de faire bonne contenance, répondait d’une voix étouffée dont sa maîtresse ne remarquait même pas l’accent douloureux, tant le bonheur est égoïste.
Enfin, comme l’heure de son entretien avec le comte approchait, Milady fit en effet tout éteindre chez elle, et ordonna à Ketty de rentrer dans sa chambre, et d’introduire de Wardes aussitôt qu’il se présenterait.
L’attente de Ketty ne fut pas longue. À peine d’Artagnan eut-il vu par le trou de la serrure de son armoire que tout l’appartement était dans l’obscurité, qu’il s’élança de sa cachette au moment même où Ketty refermait la porte de communication.
«Qu’est-ce que ce bruit? demanda Milady.
– C’est moi, dit d’Artagnan à demi-voix; moi, le comte de Wardes.
– Oh! mon Dieu, mon Dieu! murmura Ketty, il n’a pas même pu attendre l’heure qu’il avait fixée lui-même!
– Eh bien, dit Milady d’une voix tremblante, pourquoi n’entre-t-il pas? Comte, comte, ajouta-t-elle, vous savez bien que je vous attends!»
À cet appel, d’Artagnan éloigna doucement Ketty et s’élança dans la chambre de Milady.
Si la rage et la douleur doivent torturer une âme, c’est celle de l’amant qui reçoit sous un nom qui n’est pas le sien des protestations d’amour qui s’adressent à son heureux rival.
D’Artagnan était dans une situation douloureuse qu’il n’avait pas prévue, la jalousie le mordait au cœur, et il souffrait presque autant que la pauvre Ketty, qui pleurait en ce même moment dans la chambre voisine.
«Oui, comte, disait Milady de sa plus douce voix en lui serrant tendrement la main dans les siennes; oui, je suis heureuse de l’amour que vos regards et vos paroles m’ont exprimé chaque fois que nous nous sommes rencontrés. Moi aussi, je vous aime. Oh! demain, demain, je veux quelque gage de vous qui me prouve que vous pensez à moi, et comme vous pourriez m’oublier, tenez.»
Et elle passa une bague de son doigt à celui de d’Artagnan.
D’Artagnan se rappela avoir vu cette bague à la main de Milady: c’était un magnifique saphir entouré de brillants.
Le premier mouvement de d’Artagnan fut de le lui rendre, mais Milady ajouta:
«Non, non; gardez cette bague pour l’amour de moi. Vous me rendez d’ailleurs, en l’acceptant, ajouta-t-elle d’une voix émue, un service bien plus grand que vous ne sauriez l’imaginer.»
«Cette femme est pleine de mystères», murmura en lui-même d’Artagnan.
En ce moment il se sentit prêt à tout révéler. Il ouvrit la bouche pour dire à Milady qui il était, et dans quel but de vengeance il était venu, mais elle ajouta:
«Pauvre ange, que ce monstre de Gascon a failli tuer!»
Le monstre, c’était lui.
«Oh! continua Milady, est-ce que vos blessures vous font encore souffrir?
– Oui, beaucoup, dit d’Artagnan, qui ne savait trop que répondre.
– Soyez tranquille, murmura Milady, je vous vengerai, moi et cruellement!»
«Peste! se dit d’Artagnan, le moment des confidences n’est pas encore venu.»
Il fallut quelque temps à d’Artagnan pour se remettre de ce petit dialogue: mais toutes les idées de vengeance qu’il avait apportées s’étaient complètement évanouies. Cette femme exerçait sur lui une incroyable puissance, il la haïssait et l’adorait à la fois, il n’avait jamais cru que deux sentiments si contraires pussent habiter dans le même cœur, et en se réunissant, former un amour étrange et en quelque sorte diabolique.