Les Possedes

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Les Possedes
Название: Les Possedes
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Possedes - читать бесплатно онлайн , автор Dosto?evski Fedor Mikha?lovitch

«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.

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Et elle se leva pour s’en aller.

Marie était si brisée, si souffrante, et, pour dire la vérité, l’issue de cette crise lui causait une telle appréhension, qu’elle n’eût pas le courage de renvoyer la sage-femme. Mais madame Virguinsky lui devint tout à coup odieuse: son langage était absolument déplacé et ne répondait en aucune façon aux sentiments de Marie. Toutefois la crainte de mourir entre les mains d’une accoucheuse inexpérimentée triompha des répugnances de la malade. Elle passa sa mauvaise humeur sur Chatoff qu’elle tourmenta plus impitoyablement que jamais par ses caprices et ses exigences. Elle en vint jusqu’à lui défendre non seulement de la regarder, mais même de tourner la tête de son côté. À mesure que les douleurs prenaient un caractère plus aigu, Marie se répandait en imprécations et en injures de plus en plus violentes.

– Eh! mais nous allons le faire sortir, observa Arina Prokhorovna, – il a l’air tout bouleversé, et, avec sa pâleur cadavérique, il n’est bon qu’à vous effrayer! Qu’est-ce que vous avez, dites-moi, plaisant original? Voilà une comédie!

Chatoff ne répondit pas; il avait résolu de garder le silence.

– J’ai vu des pères bêtes en pareil cas, ils perdaient aussi l’esprit, mais ceux-là du moins…

– Taisez-vous ou allez-vous-en, j’aime mieux crever! Ne dites plus un mot, je ne veux pas, je ne veux pas! cria Marie.

– Il est impossible de ne pas dire un mot, vous le comprendriez si vous n’étiez pas vous-même privée de raison. Il faut au moins parler de l’affaire: dites, avez-vous quelque chose de prêt? Répondez, vous, Chatoff, elle ne s’occupe pas de cela.

– Que faut-il, dites-moi?

– Alors, c’est que rien n’a été préparé.

Elle indiqua tout ce dont on avait besoin, et je dois ici rendre cette justice qu’elle se limita aux choses les plus indispensables. Quelques-unes se trouvaient dans la chambre. Marie tendit sa clef à son mari pour qu’il fouillât dans son sac de voyage. Comme les mains de Chatoff tremblaient, il mit beaucoup de temps à ouvrir la serrure. La malade se fâcha, mais Arina Prokhorovna s’étant vivement avancée vers Chatoff pour lui prendre la clef, Marie ne voulut pas permettre à la sage-femme de visiter son sac, elle insista en criant et en pleurant pour que son époux seul se chargeât de ce soin.

Il fallut aller chercher certains objets chez Kiriloff. Chatoff n’eut pas plus tôt quitté la chambre que sa femme le rappela à grands cris; il ne put la calmer qu’en lui disant pourquoi il sortait, et en lui jurant que son absence ne durerait pas plus d’une minute.

– Eh bien, vous êtes difficile à contenter, madame, ricana l’accoucheuse: – tout à l’heure la consigne était: tourne-toi du côté du mur et ne te permets pas de me regarder; à présent, c’est autre chose: ne t’avise pas de me quitter un seul instant, et vous vous mettez à pleurer. Pour sûr, il va penser quelque chose. Allons, allons, ne vous fâchez pas, je plaisante.

– Il n’osera rien penser.

– Ta-ta-ta, s’il n’était pas amoureux de vous comme un bélier, il n’aurait pas couru les rues à perdre haleine et fait aboyer tous les chiens de la ville. Il a brisé un châssis chez moi.

V

Chatoff trouva Kiriloff se promenant encore d’un coin de la chambre à l’autre, et tellement absorbé qu’il avait même oublié l’arrivée de Marie Ignatievna; il écoutait sans comprendre.

– Ah! oui, fit-il soudain, comme s’arrachant avec effort et pour un instant seulement à une idée qui le fascinait, – oui,… la vieille… Votre femme ou la vieille? Attendez; votre femme et la vieille n’est-ce pas? Je me rappelle; j’ai passé chez elle; la vieille viendra, seulement ce ne sera pas tout de suite. Prenez le coussin. Quoi encore? Oui… Attendez, avez-vous quelquefois, Chatoff, la sensation de l’harmonie éternelle?

– Vous savez, Kiriloff, vous ne pouvez plus passer les nuits sans dormir.

L’ingénieur revint à lui, et, chose étrange, se mit à parler d’une façon beaucoup plus coulante qu’il n’avait coutume de le faire; évidemment, les idées qu’il exprimait étaient depuis longtemps formulées dans son esprit, et il les avait peut-être couchées par écrit:

– Il y a des moments, – et cela ne dure que cinq ou six secondes de suite, où vous sentez soudain la présence de l’harmonie éternelle. Ce phénomène n’est ni terrestre, ni céleste, mais c’est quelque chose que l’homme, sous son enveloppe terrestre, ne peut supporter. Il faut se transformer physiquement ou mourir. C’est un sentiment clair et indiscutable. Il vous semble tout à coup être en contact avec toute la nature, et vous dites: Oui, cela est vrai. Quand Dieu a créé le monde, il a dit à la fin de chaque jour de la création: «Oui, cela est vrai, cela est bon.» C’est… ce n’est pas de l’attendrissement, c’est de la joie. Vous ne pardonnez rien, parce qu’il n’y a plus rien à pardonner. Vous n’aimez pas non plus, oh! ce sentiment est supérieur à l’amour! Le plus terrible, c’est l’effrayante netteté avec laquelle il s’accuse, et la joie dont il vous remplit. Si cet état dure plus de cinq secondes, l’âme ne peut y résister et doit disparaître. Durant ces cinq secondes, je vis toute une existence humaine, et pour elles je donnerais toute ma vie, car ce ne serait pas les payer trop cher. Pour supporter cela pendant dix secondes, il faut se transformer physiquement. Je crois que l’homme doit cesser d’engendrer. Pourquoi des enfants, pourquoi le développement si le but est atteint? Il est dit dans l’Évangile qu’après la résurrection on n’engendrera plus, mais qu’on sera comme les anges de Dieu. C’est une figure. Votre femme accouche?

– Kiriloff, est-ce que ça vous prend souvent?

– Une fois tous les trois jours, une fois par semaine.

– Vous n’êtes pas épileptique?

– Non.

– Alors vous le deviendrez. Prenez garde, Kiriloff, j’ai entendu dire que c’est précisément ainsi que cela commence. Un homme sujet à cette maladie m’a fait la description détaillée de la sensation qui précède l’accès, et, en vous écoutant, je croyais l’entendre. Lui aussi m’a parlé des cinq secondes, et m’a dit qu’il était impossible de supporter plus longtemps cet état. Rappelez-vous la cruche de Mahomet: pendant qu’elle se vidait, le prophète chevauchait dans le paradis. La cruche, ce sont les cinq secondes; le paradis, c’est votre harmonie, et Mahomet était épileptique. Prenez garde de le devenir aussi, Kiriloff!

– Je n’en aurai pas le temps, répondit l’ingénieur avec un sourire tranquille.

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