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Les Possedes

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Les Possedes
Название: Les Possedes
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Possedes - читать бесплатно онлайн , автор Dosto?evski Fedor Mikha?lovitch

«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.

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Virguinsky revint chez lui fort oppressé, fort inquiet; il lui en coûtait aussi de ne pouvoir se confier à sa famille, car il avait coutume de tout dire à sa femme, et si en ce moment une nouvelle idée, un nouveau moyen d’arranger les choses à l’amiable ne s’était fait jour dans son cerveau échauffé, il se serait peut-être mis au lit comme Liamchine. Mais la pensée qui venait de s’offrir à son esprit lui donna des forces, et même, dans son impatience de mettre ce projet à exécution, il partit avant l’heure pour le lieu du rendez-vous.

C’était un endroit très sombre situé à l’extrémité de l’immense parc des Stavroguine. Plus tard je suis allé exprès le visiter; qu’il devait paraître morne par cette humide soirée d’automne! Là commençait un ancien bois de réserve; les énormes pins séculaires formaient des tâches noires dans l’obscurité. Celle-ci était telle qu’à deux pas on pouvait à peine se voir, mais Pierre Stépanovitch et Lipoutine arrivèrent avec des lanternes; ensuite Erkel en apporta une aussi. À une époque fort reculée et pour un motif que j’ignore, on avait construit dans ce lieu, avec des pierres de roche non équarries, une grotte d’un aspect assez bizarre. La table et les petits bancs qui se trouvaient dans l’intérieur de cette grotte étaient depuis longtemps en proie à la pourriture. À deux cents pas à droite finissait le troisième étang du parc. Les trois pièces d’eau se faisaient suite: entre la première qui commençait tout près de l’habitation et la dernière qui se terminait tout au bout du parc il y avait plus d’une verste de distance. Il n’était pas à présumer qu’un bruit quelconque, un cri ou même un coup de feu pût parvenir aux oreilles des quelques personnes résidant encore dans la maison Stavroguine. Depuis le départ de Nicolas Vsévolodovitch et celui d’Alexis Egoritch, il ne restait plus là que cinq ou six individus, des domestiques invalides, pour ainsi dire. En tout cas, à supposer même que ces gens entendissent des cris, des appels désespérés, on pouvait être presque sûr que pas un ne quitterait son poêle pour courir au secours.

À six heures vingt, tous se trouvèrent réunis, à l’exception d’Erkel, qui avait été chargé d’aller chercher Chatoff. Cette fois, Pierre Stépanovitch ne se fit pas attendre; il vint accompagné de Tolkatchenko. Ce dernier était fort soucieux; sa résolution de parade, sa jactance effrontée avaient complètement disparu. Il ne quittait pas Pierre Stépanovitch, à qui tout d’un coup il s’était mis à témoigner un dévouement sans bornes: à chaque instant il s’approchait de lui d’un air affairé et lui parlait à voix basse, mais l’autre ne répondait pas ou grommelait d’un ton fâché quelques mots pour se débarrasser de son interlocuteur.

Chigaleff et Virguinsky arrivèrent plusieurs minutes avant Pierre Stépanovitch, et, dès que celui-ci parut, ils se retirèrent un peu à l’écart sans proférer un seul mot; ce silence était évidemment prémédité. Verkhovensky leva sa lanterne et alla les regarder sous le nez avec un sans façon insultant. «Ils veulent parler», pensa-t-il.

– Liamchine n’est pas là? demanda ensuite Pierre Stépanovitch à Virguinsky. – Qui est-ce qui a dit qu’il était malade?

Liamchine, qui se tenait caché derrière un arbre, se montra soudain.

– Présent! fit-il.

Le Juif avait revêtu un paletot d’hiver, et un plaid l’enveloppait des pieds à la tête, en sorte que, même avec une lanterne, il n’était pas facile de distinguer ses traits.

– Alors il ne manque que Lipoutine?

À ces mots, Lipoutine sortit silencieusement de la grotte. Pierre Stépanovitch leva de nouveau sa lanterne.

– Pourquoi vous étiez-vous fourré là? Pourquoi ne sortiez-vous pas?

– Je suppose que nous conservons tous la liberté… de nos mouvements, murmura Lipoutine qui, du reste, ne se rendait pas bien compte de ce qu’il voulait dire.

– Messieurs, commença Pierre Stépanovitch en élevant la voix, ce qui fit sensation, car jusqu’alors tous avaient parlé bas; – vous comprenez bien, je pense, que l’heure des délibérations est passée. Tout a été dit, réglé, arrêté dans la séance d’hier. Mais peut-être, si j’en juge par les physionomies, quelqu’un de vous désire prendre la parole; en ce cas je le prie de se dépêcher. Le diable m’emporte, nous n’avons pas beaucoup de temps, et Erkel peut l’amener d’un moment à l’autre…

– Il l’amènera certainement, observa Tolkatchenko.

– Si je ne me trompe, tout d’abord devra avoir lieu la remise de la typographie? demanda Lipoutine sans bien savoir pourquoi il posait cette question.

– Eh bien, naturellement, on ne laisse pas perdre ses affaires, répondit Pierre Stépanovitch en dirigeant un jet de lumière sur le visage de Lipoutine. – Mais hier il a été décidé d’un commun accord qu’on n’emporterait pas la presse aujourd’hui. Qu’il vous indique seulement l’endroit où il l’a enterrée; plus tard nous l’exhumerons nous-mêmes. Je sais qu’elle est enfouie ici quelque part, à dix pas d’un des coins de cette grotte… Mais, le diable m’emporte, comment donc avez-vous oublié cela, Lipoutine? Il a été convenu que vous iriez seul à sa rencontre et qu’ensuite nous sortirions… Il est étrange que vous fassiez cette question, ou bien est-ce que vous parlez pour ne rien dire?

La figure de Lipoutine s’assombrit, mais il ne répliqua pas. Tous se turent. Le vent agitait les cimes des pins.

– J’espère pourtant, messieurs, que chacun accomplira son devoir, déclara impatiemment Pierre Stépanovitch.

– Je sais que la femme de Chatoff est arrivée chez lui et qu’elle vient d’avoir un enfant, dit soudain Virguinsky, dont l’émotion était telle qu’il pouvait à peine parler. – Connaissant le cœur humain… on peut être sûr qu’à présent il ne dénoncera pas… car il est heureux… En sorte que tantôt je suis allé chez tout le monde, mais je n’ai trouvé personne… en sorte que maintenant il n’y a peut-être plus rien à faire…

La respiration lui manquant, il dut s’arrêter.

Pierre Stépanovitch s’avança vivement vers lui.

– Si vous, monsieur Virguinsky, vous deveniez heureux tout d’un coup, renonceriez-vous, – je ne dis pas à dénoncer, il ne peut être question de cela, – mais à accomplir un dangereux acte de civisme dont vous auriez conçu l’idée avant d’être heureux, et que vous considèreriez comme un devoir, comme une obligation pour vous, quelques risques qu’il dût faire courir à votre bonheur?

– Non, je n’y renoncerais pas! Pour rien au monde je n’y renoncerais! répondit avec une chaleur fort maladroite Virguinsky.

– Plutôt que d’être un lâche, vous préfèreriez redevenir malheureux?

– Oui, oui… Et même tout au contraire… je voudrais être un parfait lâche… c'est-à-dire non… pas un lâche, mais au contraire être tout à fait malheureux plutôt que lâche.

– Eh bien, sachez que Chatoff considère cette dénonciation comme un exploit civique, comme un acte impérieusement exigé par ses principes, et la preuve, c’est que lui-même se met dans un assez mauvais cas vis-à-vis du gouvernement, quoique sans doute, comme délateur, il doive s’attendre à beaucoup d’indulgence. Un pareil homme ne renoncera pour rien au monde à son dessein. Il n’y a pas de bonheur qui puisse le fléchir; d’ici à vingt-quatre heures il rentrera en lui-même, s’accablera de reproches et exécutera ce qu’il a projeté. D’ailleurs je ne vois pas que Chatoff ait lieu d’être si heureux parce que sa femme, après trois ans de séparation, est venue chez lui accoucher d’un enfant dont Stavroguine est le père.

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