Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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«“Ces misérables puritaines! je savais bien qu’elles lassaient leurs bourreaux, mais je les croyais moins fortes contre leurs séducteurs.”»
«Hélas! cette résistance désespérée ne pouvait durer longtemps, je sentis mes forces qui s’épuisaient, et cette fois ce ne fut pas de mon sommeil que le lâche profita, ce fut de mon évanouissement.»
Felton écoutait sans faire entendre autre chose qu’une espèce de rugissement sourd; seulement la sueur ruisselait sur son front de marbre, et sa main cachée sous son habit déchirait sa poitrine.
«Mon premier mouvement, en revenant à moi, fui de chercher sous mon oreiller ce couteau que je n’avais pu atteindre; s’il n’avait point servi à la défense, il pouvait au moins servir à l’expiation.
«Mais en prenant ce couteau, Felton, une idée terrible me vint. J’ai juré de tout vous dire et je vous dirai tout; je vous ai promis la vérité, je la dirai, dût-elle me perdre.
– L’idée vous vint de vous venger de cet homme, n’est-ce pas? s’écria Felton.
– Eh bien, oui! dit Milady: cette idée n’était pas d’une chrétienne, je le sais; sans doute cet éternel ennemi de notre âme, ce lion rugissant sans cesse autour de nous la soufflait à mon esprit. Enfin, que vous dirai-je, Felton? continua Milady du ton d’une femme qui s’accuse d’un crime, cette idée me vint et ne me quitta plus sans doute. C’est de cette pensée homicide que je porte aujourd’hui la punition.
– Continuez, continuez, dit Felton, j’ai hâte de vous voir arriver à la vengeance.
– Oh! je résolus qu’elle aurait lieu le plus tôt possible, je ne doutais pas qu’il ne revînt la nuit suivante. Dans le jour je n’avais rien à craindre.
«Aussi, quand vint l’heure du déjeuner, je n’hésitai pas à manger et à boire: j’étais résolue à faire semblant de souper, mais à ne rien prendre: je devais donc par la nourriture du matin combattre le jeûne du soir.
«Seulement je cachai un verre d’eau soustraite à mon déjeuner, la soif ayant été ce qui m’avait le plus fait souffrir quand j’étais demeurée quarante-huit heures sans boire ni manger.
«La journée s’écoula sans avoir d’autre influence sur moi que de m’affermir dans la résolution prise: seulement j’eus soin que mon visage ne trahît en rien la pensée de mon cœur, car je ne doutais pas que je ne fusse observée; plusieurs fois même je sentis un sourire sur mes lèvres. Felton, je n’ose pas vous dire à quelle idée je souriais, vous me prendriez en horreur…
– Continuez, continuez, dit Felton, vous voyez bien que j’écoute et que j’ai hâte d’arriver.
– Le soir vint, les événements ordinaires s’accomplirent; pendant l’obscurité, comme d’habitude, mon souper fut servi, puis la lampe s’alluma, et je me mis à table.
«Je mangeai quelques fruits seulement: je fis semblant de me verser de l’eau de la carafe, mais je ne bus que celle que j’avais conservée dans mon verre, la substitution, au reste, fut faite assez adroitement pour que mes espions, si j’en avais, ne conçussent aucun soupçon.
«Après le souper, je donnai les mêmes marques d’engourdissement que la veille; mais cette fois, comme si je succombais à la fatigue ou comme si je me familiarisais avec le danger, je me traînai vers mon lit, et je fis semblant de m’endormir.
«Cette fois, j’avais retrouvé mon couteau sous l’oreiller, et tout en feignant de dormir, ma main serrait convulsivement la poignée.
«Deux heures s’écoulèrent sans qu’il se passât rien de nouveau: cette fois, ô mon Dieu! qui m’eût dit cela la veille? je commençais à craindre qu’il ne vînt pas.
«Enfin, je vis la lampe s’élever doucement et disparaître dans les profondeurs du plafond; ma chambre s’emplit de ténèbres, mais je fis un effort pour percer du regard l’obscurité.
«Dix minutes à peu près se passèrent. Je n’entendais d’autre bruit que celui du battement de mon cœur.
«J’implorais le Ciel pour qu’il vînt.
«Enfin j’entendis le bruit si connu de la porte qui s’ouvrait et se refermait; j’entendis, malgré l’épaisseur du tapis, un pas qui faisait crier le parquet; je vis, malgré l’obscurité, une ombre qui approchait de mon lit.
– Hâtez-vous, hâtez-vous! dit Felton, ne voyez-vous pas que chacune de vos paroles me brûle comme du plomb fondu!
– Alors, continua Milady, alors je réunis toutes mes forces, je me rappelai que le moment de la vengeance ou plutôt de la justice avait sonné; je me regardai comme une autre Judith; je me ramassai sur moi-même, mon couteau à la main, et quand je le vis près de moi, étendant les bras pour chercher sa victime, alors, avec le dernier cri de la douleur et du désespoir, je le frappai au milieu de la poitrine.
«Le misérable! il avait tout prévu: sa poitrine était couverte d’une cotte de mailles; le couteau s’émoussa.
«Ah! ah! s’écria-t-il en me saisissant le bras et en m’arrachant l’arme qui m’avait si mal servie, vous en voulez à ma vie, ma belle puritaine! mais c’est plus que de la haine, cela, c’est de l’ingratitude! Allons, allons, calmez-vous, ma belle enfant! j’avais cru que vous étiez adoucie. Je ne suis pas de ces tyrans qui gardent les femmes de force: vous ne m’aimez pas, j’en doutais avec ma fatuité ordinaire; maintenant j’en suis convaincu. Demain, vous serez libre.»
«Je n’avais qu’un désir, c’était qu’il me tuât.
«Prenez garde! lui dis-je, car ma liberté c’est votre déshonneur. Oui, car, à peine sortie d’ici, je dirai tout, je dirai la violence dont vous avez usé envers moi, je dirai ma captivité. Je dénoncerai ce palais d’infamie; vous êtes bien haut placé, Milord, mais tremblez! Au-dessus de vous il y a le roi, au-dessus du roi il y a Dieu.»
«Si maître qu’il parût de lui, mon persécuteur laissa échapper un mouvement de colère. Je ne pouvais voir l’expression de son visage, mais j’avais senti frémir son bras sur lequel était posée ma main.
«- Alors, vous ne sortirez pas d’ici, dit-il.
«- Bien, bien! m’écriai-je, alors le lieu de mon supplice sera aussi celui de mon tombeau. Bien! je mourrai ici et vous verrez si un fantôme qui accuse n’est pas plus terrible encore qu’un vivant qui menace!
«- On ne vous laissera aucune arme.
«- Il y en a une que le désespoir a mise à la portée de toute créature qui a le courage de s’en servir. Je me laisserai mourir de faim.
«- Voyons, dit le misérable, la paix ne vaut-elle pas mieux qu’une pareille guerre? Je vous rends la liberté à l’instant même, je vous proclame une vertu, je vous surnomme la Lucrèce de l’Angleterre.
«- Et moi je dis que vous en êtes le Sextus, moi je vous dénonce aux hommes comme je vous ai déjà dénoncé à Dieu; et s’il faut que, comme Lucrèce, je signe mon accusation de mon sang, je la signerai.
«- Ah! ah! dit mon ennemi d’un ton railleur, alors c’est autre chose. Ma foi, au bout du compte, vous êtes bien ici, rien ne vous manquera, et si vous vous laissez mourir de faim ce sera de votre faute.»
«À ces mots, il se retira, j’entendis s’ouvrir et se refermer la porte, et je restai abîmée, moins encore, je l’avoue, dans ma douleur, que dans la honte de ne m’être pas vengée.
«Il me tint parole. Toute la journée, toute la nuit du lendemain s’écoulèrent sans que je le revisse. Mais moi aussi je lui tins parole, et je ne mangeai ni ne bus; j’étais, comme je le lui avais dit, résolue à me laisser mourir de faim.
«Je passai le jour et la nuit en prière, car j’espérais que Dieu me pardonnerait mon suicide.
«La seconde nuit la porte s’ouvrit; j’étais couchée à terre sur le parquet, les forces commençaient à m’abandonner.
«Au bruit je me relevai sur une main.
«Eh bien, me dit une voix qui vibrait d’une façon trop terrible à mon oreille pour que je ne la reconnusse pas, eh bien! sommes-nous un peu adoucie et paierons nous notre liberté d’une seule promesse de silence?
«Tenez, moi, je suis bon prince, ajouta-t-il, et, quoique je n’aime pas les puritains, je leur rends justice, ainsi qu’aux puritaines, quand elles sont jolies. Allons, faites-moi un petit serment sur la croix, je ne vous en demande pas davantage.