Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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«Pendant ce temps, la nuit venait rapidement, et avec la nuit mes terreurs augmentaient: je ne savais si je devais rester où j’étais assise; il me semblait que j’étais entourée de dangers inconnus, dans lesquels j’allais tomber à chaque pas. Quoique je n’eusse rien mangé depuis la veille, mes craintes m’empêchaient de ressentir la faim.
«Aucun bruit du dehors, qui me permît de mesurer le temps, ne venait jusqu’à moi; je présumai seulement qu’il pouvait être sept ou huit heures du soir; car nous étions au mois d’octobre, et il faisait nuit entière.
«Tout à coup, le cri d’une porte qui tourne sur ses gonds me fit tressaillir; un globe de feu apparut au-dessus de l’ouverture vitrée du plafond, jetant une vive lumière dans ma chambre, et je m’aperçus avec terreur qu’un homme était debout à quelques pas de moi.
«Une table à deux couverts, supportant un souper tout préparé, s’était dressée comme par magie au milieu de l’appartement.
«Cet homme était celui qui me poursuivait depuis un an, qui avait juré mon déshonneur, et qui, aux premiers mots qui sortirent de sa bouche, me fit comprendre qu’il l’avait accompli la nuit précédente.
– L’infâme! murmura Felton.
– Oh! oui, l’infâme! s’écria Milady, voyant l’intérêt que le jeune officier, dont l’âme semblait suspendue à ses lèvres, prenait à cet étrange récit; oh! oui, l’infâme! il avait cru qu’il lui suffisait d’avoir triomphé de moi dans mon sommeil, pour que tout fût dit; il venait, espérant que j’accepterais ma honte, puisque ma honte était consommée; il venait m’offrir sa fortune en échange de mon amour.
«Tout ce que le cœur d’une femme peut contenir de superbe mépris et de paroles dédaigneuses, je le versai sur cet homme; sans doute, il était habitué à de pareils reproches; car il m’écouta calme, souriant, et les bras croisés sur la poitrine; puis, lorsqu’il crut que j’avais tout dit, il s’avança vers moi; je bondis vers la table, je saisis un couteau, je l’appuyai sur ma poitrine.
«Faites un pas de plus, lui dis-je, et outre mon déshonneur, vous aurez encore ma mort à vous reprocher.»
«Sans doute, il y avait dans mon regard, dans ma voix, dans toute ma personne, cette vérité de geste, de pose et d’accent, qui porte la conviction dans les âmes les plus perverses, car il s’arrêta.
«Votre mort! me dit-il; oh! non, vous êtes une trop charmante maîtresse pour que je consente à vous perdre ainsi, après avoir eu le bonheur de vous posséder une seule fois seulement. Adieu, ma toute belle! j’attendrai, pour revenir vous faire ma visite, que vous soyez dans de meilleures dispositions.»
«À ces mots, il donna un coup de sifflet; le globe de flamme qui éclairait ma chambre remonta et disparut; je me retrouvai dans l’obscurité. Le même bruit d’une porte qui s’ouvre et se referme se reproduisit un instant après, le globe flamboyant descendit de nouveau, et je me retrouvai seule.
«Ce moment fut affreux; si j’avais encore quelques doutes sur mon malheur, ces doutes s’étaient évanouis dans une désespérante réalité: j’étais au pouvoir d’un homme que non seulement je détestais, mais que je méprisais; d’un homme capable de tout, et qui m’avait déjà donné une preuve fatale de ce qu’il pouvait oser.
– Mais quel était donc cet homme? demanda Felton.
– Je passai la nuit sur une chaise, tressaillant au moindre bruit, car à minuit à peu près, la lampe s’était éteinte, et je m’étais retrouvée dans l’obscurité. Mais la nuit se passa sans nouvelle tentative de mon persécuteur; le jour vint: la table avait disparu; seulement, j’avais encore le couteau à la main.
«Ce couteau c’était tout mon espoir.
«J’étais écrasée de fatigue; l’insomnie brûlait mes yeux; je n’avais pas osé dormir un seul instant: le jour me rassura, j’allai me jeter sur mon lit sans quitter le couteau libérateur que je cachai sous mon oreiller.
«Quand je me réveillai, une nouvelle table était servie.
«Cette fois, malgré mes terreurs, en dépit de mes angoisses, une faim dévorante se faisait sentir; il y avait quarante-huit heures que je n’avais pris aucune nourriture: je mangeai du pain et quelques fruits; puis, me rappelant le narcotique mêlé à l’eau que j’avais bue, je ne touchai point à celle qui était sur la table, et j’allai remplir mon verre à une fontaine de marbre scellée dans le mur, au-dessus de ma toilette.
«Cependant, malgré cette précaution, je ne demeurai pas moins quelque temps encore dans une affreuse angoisse; mais mes craintes, cette fois, n’étaient pas fondées: je passai la journée sans rien éprouver qui ressemblât à ce que je redoutais.
«J’avais eu la précaution de vider à demi la carafe, pour qu’on ne s’aperçût point de ma défiance.
«Le soir vint, et avec lui l’obscurité; cependant, si profonde qu’elle fût, mes yeux commençaient à s’y habituer; je vis, au milieu des ténèbres, la table s’enfoncer dans le plancher; un quart d’heure après, elle reparut portant mon souper; un instant après, grâce à la même lampe, ma chambre s’éclaira de nouveau.
«J’étais résolue à ne manger que des objets auxquels il était impossible de mêler aucun somnifère: deux œufs et quelques fruits composèrent mon repas; puis, j’allai puiser un verre d’eau à ma fontaine protectrice, et je le bus.
«Aux premières gorgées, il me sembla qu’elle n’avait plus le même goût que le matin: un soupçon rapide me prit, je m’arrêtai; mais j’en avais déjà avalé un demi-verre.
«Je jetai le reste avec horreur, et j’attendis, la sueur de l’épouvante au front.
«Sans doute quelque invisible témoin m’avait vue prendre de l’eau à cette fontaine, et avait profité de ma confiance même pour mieux assurer ma perte si froidement résolue, si cruellement poursuivie.
«Une demi-heure ne s’était pas écoulée, que les mêmes symptômes se produisirent; seulement, comme cette fois je n’avais bu qu’un demi-verre d’eau, je luttai plus longtemps, et, au lieu de m’endormir tout à fait, je tombai dans un état de somnolence qui me laissait le sentiment de ce qui se passait autour de moi, tout en m’ôtant la force ou de me défendre ou de fuir.
«Je me traînai vers mon lit, pour y chercher la seule défense qui me restât, mon couteau sauveur; mais je ne pus arriver jusqu’au chevet: je tombai à genoux, les mains cramponnées à l’une des colonnes du pied; alors, je compris que j’étais perdue.»
Felton pâlit affreusement, et un frisson convulsif courut par tout son corps.
«Et ce qu’il y avait de plus affreux, continua Milady, la voix altérée comme si elle eût encore éprouvé la même angoisse qu’en ce moment terrible, c’est que, cette fois, j’avais la conscience du danger qui me menaçait; c’est que mon âme, je puis le dire, veillait dans mon corps endormi; c’est que je voyais, c’est que j’entendais: il est vrai que tout cela était comme dans un rêve; mais ce n’en était que plus effrayant.
«Je vis la lampe qui remontait et qui peu à peu me laissait dans l’obscurité; puis j’entendis le cri si bien connu de cette porte, quoique cette porte ne se fût ouverte que deux fois.
«Je sentis instinctivement qu’on s’approchait de moi: on dit que le malheureux perdu dans les déserts de l’Amérique sent ainsi l’approche du serpent.
«Je voulais faire un effort, je tentai de crier; par une incroyable énergie de volonté je me relevai même, mais pour retomber aussitôt… et retomber dans les bras de mon persécuteur.
– Dites-moi donc quel était cet homme?» s’écria le jeune officier.
Milady vit d’un seul regard tout ce qu’elle inspirait de souffrance à Felton, en pesant sur chaque détail de son récit; mais elle ne voulait lui faire grâce d’aucune torture. Plus profondément elle lui briserait le cœur, plus sûrement il la vengerait. Elle continua donc comme si elle n’eût point entendu son exclamation, ou comme si elle eût pensé que le moment n’était pas encore venu d’y répondre.
«Seulement, cette fois, ce n’était plus à une espèce de cadavre inerte, sans aucun sentiment, que l’infâme avait affaire. Je vous l’ai dit: sans pouvoir parvenir à retrouver l’exercice complet de mes facultés, il me restait le sentiment de mon danger: je luttai donc de toutes mes forces et sans doute j’opposai, tout affaiblie que j’étais, une longue résistance, car je l’entendis s’écrier: