Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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– Ah! ah! dit le cardinal, je sais de qui vous voulez parler.
– Je veux parler de ce misérable d’Artagnan.
– C’est un hardi compagnon, dit le cardinal.
– Et c’est justement parce que c’est un hardi compagnon qu’il n’en est que plus à craindre.
– Il faudrait, dit le duc, avoir une preuve de ses intelligences avec Buckingham.
– Une preuve, s’écria Milady, j’en aurai dix.
– Eh bien, alors! c’est la chose la plus simple du monde, ayez-moi cette preuve et je l’envoie à la Bastille.
– Bien, Monseigneur! mais ensuite?
– Quand on est à la Bastille, il n’y a pas d’ensuite, dit le cardinal d’une voix sourde. Ah! pardieu, continua-t-il, s’il m’était aussi facile de me débarrasser de mon ennemi qu’il m’est facile de me débarrasser des vôtres, et si c’était contre de pareilles gens que vous me demandiez l’impunité!…
– Monseigneur, reprit Milady, troc pour troc, existence pour existence, homme pour homme; donnez-moi celui-là, je vous donne l’autre.
– Je ne sais pas ce que vous voulez dire, reprit le cardinal, et ne veux même pas le savoir, mais j’ai le désir de vous être agréable et ne vois aucun inconvénient à vous donner ce que vous demandez à l’égard d’une si infime créature; d’autant plus, comme vous me le dites, que ce petit d’Artagnan est un libertin, un duelliste, un traître.
– Un infâme, Monseigneur, un infâme!
– Donnez-moi donc du papier, une plume et de l’encre, dit le cardinal.
– En voici, Monseigneur.»
Il se fit un instant de silence qui prouvait que le cardinal était occupé à chercher les termes dans lesquels devait être écrit le billet, ou même à l’écrire. Athos, qui n’avait pas perdu un mot de la conversation, prit ses deux compagnons chacun par une main et les conduisit à l’autre bout de la chambre.
«Eh bien, dit Porthos, que veux-tu, et pourquoi ne nous laisses-tu pas écouter la fin de la conversation?
– Chut! dit Athos parlant à voix basse, nous en avons entendu tout ce qu’il est nécessaire que nous entendions; d’ailleurs je ne vous empêche pas d’écouter le reste, mais il faut que je sorte.
– Il faut que tu sortes! dit Porthos; mais si le cardinal te demande, que répondrons-nous?
– Vous n’attendrez pas qu’il me demande, vous lui direz les premiers que je suis parti en éclaireur parce que certaines paroles de notre hôte m’ont donné à penser que le chemin n’était pas sûr; j’en toucherai d’abord deux mots à l’écuyer du cardinal; le reste me regarde, ne vous en inquiétez pas.
– Soyez prudent, Athos! dit Aramis.
– Soyez tranquille, répondit Athos, vous le savez, j’ai du sang-froid.»
Porthos et Aramis allèrent reprendre leur place près du tuyau de poêle.
Quant à Athos, il sortit sans aucun mystère, alla prendre son cheval attaché avec ceux de ses deux amis aux tourniquets des contrevents, convainquit en quatre mots l’écuyer de la nécessité d’une avant-garde pour le retour, visita avec affectation l’amorce de ses pistolets, mit l’épée aux dents et suivit, en enfant perdu, la route qui conduisait au camp.
CHAPITRE XLV
Comme l’avait prévu Athos, le cardinal ne tarda point à descendre; il ouvrit la porte de la chambre où étaient entrés les mousquetaires, et trouva Porthos faisant une partie de dés acharnée avec Aramis. D’un coup d’œil rapide, il fouilla tous les coins de la salle, et vit qu’un de ses hommes lui manquait.
«Qu’est devenu M. Athos? demanda-t-il.
– Monseigneur, répondit Porthos, il est parti en éclaireur sur quelques propos de notre hôte, qui lui ont fait croire que la route n’était pas sûre.
– Et vous, qu’avez-vous fait, monsieur Porthos?
– J’ai gagné cinq pistoles à Aramis.
– Et maintenant, vous pouvez revenir avec moi?
– Nous sommes aux ordres de Votre Éminence.
– À cheval donc, messieurs, car il se fait tard.»
L’écuyer était à la porte, et tenait en bride le cheval du cardinal. Un peu plus loin, un groupe de deux hommes et de trois chevaux apparaissait dans l’ombre; ces deux hommes étaient ceux qui devaient conduire Milady au fort de La Pointe, et veiller à son embarquement.
L’écuyer confirma au cardinal ce que les deux mousquetaires lui avaient déjà dit à propos d’Athos. Le cardinal fit un geste approbateur, et reprit la route, s’entourant au retour des mêmes précautions qu’il avait prises au départ.
Laissons-le suivre le chemin du camp, protégé par l’écuyer et les deux mousquetaires, et revenons à Athos.
Pendant une centaine de pas, il avait marché de la même allure; mais, une fois hors de vue, il avait lancé son cheval à droite, avait fait un détour, et était revenu à une vingtaine de pas, dans le taillis, guetter le passage de la petite troupe; ayant reconnu les chapeaux bordés de ses compagnons et la frange dorée du manteau de M. le cardinal, il attendit que les cavaliers eussent tourné l’angle de la route, et, les ayant perdus de vue, il revint au galop à l’auberge, qu’on lui ouvrit sans difficulté.
L’hôte le reconnut.
«Mon officier, dit Athos, a oublié de faire à la dame du premier une recommandation importante, il m’envoie pour réparer son oubli.
– Montez, dit l’hôte, elle est encore dans sa chambre.»
Athos profita de la permission, monta l’escalier de son pas le plus léger, arriva sur le carré, et, à travers la porte entrouverte, il vit Milady qui attachait son chapeau.
Il entra dans la chambre, et referma la porte derrière lui.
Au bruit qu’il fit en repoussant le verrou, Milady se retourna.
Athos était debout devant la porte, enveloppé dans son manteau, son chapeau rabattu sur ses yeux.
En voyant cette figure muette et immobile comme une statue, Milady eut peur.
«Qui êtes-vous? et que demandez-vous?» s’écria-t-elle. «Allons, c’est bien elle!» murmura Athos.
Et, laissant tomber son manteau, et relevant son feutre, il s’avança vers Milady.
«Me reconnaissez-vous, madame?» dit-il.
Milady fit un pas en avant, puis recula comme à la vue d’un serpent.
«Allons, dit Athos, c’est bien, je vois que vous me reconnaissez.
– Le comte de La Fère! murmura Milady en pâlissant et en reculant jusqu’à ce que la muraille l’empêchât d’aller plus loin.
– Oui, Milady, répondit Athos, le comte de La Fère en personne, qui revient tout exprès de l’autre monde pour avoir le plaisir de vous voir. Asseyons-nous donc, et causons, comme dit Monseigneur le cardinal.»
Milady, dominée par une terreur inexprimable, s’assit sans proférer une seule parole.
«Vous êtes donc un démon envoyé sur la terre? dit Athos. Votre puissance est grande, je le sais; mais vous savez aussi qu’avec l’aide de Dieu les hommes ont souvent vaincu les démons les plus terribles. Vous vous êtes déjà trouvée sur mon chemin, je croyais vous avoir terrassée, madame; mais, ou je me trompai, ou l’enfer vous a ressuscitée.»
Milady, à ces paroles qui lui rappelaient des souvenirs effroyables, baissa la tête avec un gémissement sourd.
«Oui, l’enfer vous a ressuscitée, reprit Athos, l’enfer vous a faite riche, l’enfer vous a donné un autre nom l’enfer vous a presque refait même un autre visage; mais il n’a effacé ni les souillures de votre âme, ni la flétrissure de votre corps.»
Milady se leva comme mue par un ressort, et ses yeux lancèrent des éclairs. Athos resta assis.
«Vous me croyiez mort, n’est-ce pas, comme je vous croyais morte? et ce nom d’Athos avait caché le comte de La Fère, comme le nom de Milady Clarick avait caché Anne de Breuil! N’était-ce pas ainsi que vous vous appeliez quand votre honoré frère nous a mariés? Notre position est vraiment étrange, poursuivit Athos en riant; nous n’avons vécu jusqu’à présent l’un et l’autre que parce que nous nous croyions morts, et qu’un souvenir gêne moins qu’une créature, quoique ce soit chose dévorante parfois qu’un souvenir!