Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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«C’est un piège, dit Athos, n’y allez pas, d’Artagnan.
– Cependant, dit d’Artagnan, il me semble bien reconnaître l’écriture.
– Elle est peut-être contrefaite, reprit Athos; à six ou sept heures, dans ce temps-ci, la route de Chaillot est tout à fait déserte: autant que vous alliez vous promener dans la forêt de Bondy.
– Mais si nous y allions tous! dit d’Artagnan; que diable! on ne nous dévorera point tous les quatre; plus, quatre laquais; plus, les chevaux; plus, les armes.
– Puis ce sera une occasion de montrer nos équipages, dit Porthos.
– Mais si c’est une femme qui écrit, dit Aramis, et que cette femme désire ne pas être vue, songez que vous la compromettez, d’Artagnan: ce qui est mal de la part d’un gentilhomme.
– Nous resterons en arrière, dit Porthos, et lui seul s’avancera.
– Oui, mais un coup de pistolet est bientôt tiré d’un carrosse qui marche au galop.
– Bah! dit d’Artagnan, on me manquera. Nous rejoindrons alors le carrosse, et nous exterminerons ceux qui se trouvent dedans. Ce sera toujours autant d’ennemis de moins.
– Il a raison, dit Porthos; bataille; il faut bien essayer nos armes d’ailleurs.
– Bah! donnons-nous ce plaisir, dit Aramis de son air doux et nonchalant.
– Comme vous voudrez, dit Athos.
– Messieurs, dit d’Artagnan, il est quatre heures et demie, et nous avons le temps à peine d’être à six heures sur la route de Chaillot.
– Puis, si nous sortions trop tard, dit Porthos, on ne nous verrait pas, ce qui serait dommage. Allons donc nous apprêter, messieurs.
– Mais cette seconde lettre, dit Athos, vous l’oubliez; il me semble que le cachet indique cependant qu’elle mérite bien d’être ouverte: quant à moi, je vous déclare, mon cher d’Artagnan, que je m’en soucie bien plus que du petit brimborion que vous venez tout doucement de glisser sur votre cœur.»
D’Artagnan rougit.
«Eh bien, dit le jeune homme, voyons, messieurs, ce que me veut Son Éminence.»
Et d’Artagnan décacheta la lettre et lut:
«M. d’Artagnan, garde du roi, compagnie des Essarts, est attendu au Palais-Cardinal ce soir à huit heures.
«La Houdinière,
«Capitaine des gardes.»
«Diable! dit Athos, voici un rendez-vous bien autrement inquiétant que l’autre.
– J’irai au second en sortant du premier, dit d’Artagnan: l’un est pour sept heures, l’autre pour huit; il y aura temps pour tout.
– Hum! je n’irais pas, dit Aramis: un galant chevalier ne peut manquer à un rendez-vous donné par une dame; mais un gentilhomme prudent peut s’excuser de ne pas se rendre chez Son Éminence, surtout lorsqu’il a quelque raison de croire que ce n’est pas pour y recevoir des compliments.
– Je suis de l’avis d’Aramis, dit Porthos.
– Messieurs, répondit d’Artagnan, j’ai déjà reçu par M. de Cavois pareille invitation de Son Éminence, je l’ai négligée, et le lendemain il m’est arrivé un grand malheur! Constance a disparu; quelque chose qui puisse advenir, j’irai.
– Si c’est un parti pris, dit Athos, faites.
– Mais la Bastille? dit Aramis.
– Bah! vous m’en tirerez, reprit d’Artagnan.
– Sans doute, reprirent Aramis et Porthos avec un aplomb admirable et comme si c’était la chose la plus simple, sans doute nous vous en tirerons; mais, en attendant, comme nous devons partir après-demain, vous feriez mieux de ne pas risquer cette Bastille.
– Faisons mieux, dit Athos, ne le quittons pas de la soirée, attendons-le chacun à une porte du palais avec trois mousquetaires derrière nous; si nous voyons sortir quelque voiture à portière fermée et à demi suspecte, nous tomberons dessus. Il y a longtemps que nous n’avons eu maille à partir avec les gardes de M. le cardinal, et M. de Tréville doit nous croire morts.
– Décidément, Athos, dit Aramis, vous étiez fait pour être général d’armée; que dites-vous du plan, messieurs?
– Admirable! répétèrent en chœur les jeunes gens.
– Eh bien, dit Porthos, je cours à l’hôtel, je préviens nos camarades de se tenir prêts pour huit heures, le rendez-vous sera sur la place du Palais-Cardinal; vous, pendant ce temps, faites seller les chevaux par les laquais.
– Mais moi, je n’ai pas de cheval, dit d’Artagnan; mais je vais en faire prendre un chez M. de Tréville.
– C’est inutile, dit Aramis, vous prendrez un des miens.
– Combien en avez-vous donc? demanda d’Artagnan.
– Trois, répondit en souriant Aramis.
– Mon cher! dit Athos, vous êtes certainement le poète le mieux monté de France et de Navarre.
– Écoutez, mon cher Aramis, vous ne saurez que faire de trois chevaux, n’est-ce pas? je ne comprends pas même que vous ayez acheté trois chevaux.
– Aussi, je n’en ai acheté que deux, dit Aramis.
– Le troisième vous est donc tombé du ciel?
– Non, le troisième m’a été amené ce matin même par un domestique sans livrée qui n’a pas voulu me dire à qui il appartenait et qui m’a affirmé avoir reçu l’ordre de son maître…
– Ou de sa maîtresse, interrompit d’Artagnan.
– La chose n’y fait rien, dit Aramis en rougissant… et qui m’a affirmé, dis-je, avoir reçu l’ordre de sa maîtresse de mettre ce cheval dans mon écurie sans me dire de quelle part il venait.
– Il n’y a qu’aux poètes que ces choses-là arrivent, reprit gravement Athos.
– Eh bien, en ce cas, faisons mieux, dit d’Artagnan; lequel des deux chevaux monterez-vous: celui que vous avez acheté, ou celui qu’on vous a donné?
– Celui que l’on m’a donné sans contredit; vous comprenez, d’Artagnan, que je ne puis faire cette injure…
– Au donateur inconnu, reprit d’Artagnan.
– Ou à la donatrice mystérieuse, dit Athos.
– Celui que vous avez acheté vous devient donc inutile?
– À peu près.
– Et vous l’avez choisi vous-même?
– Et avec le plus grand soin; la sûreté du cavalier, vous le savez, dépend presque toujours de son cheval!
– Eh bien, cédez-le-moi pour le prix qu’il vous a coûté!
– J’allais vous l’offrir, mon cher d’Artagnan, en vous donnant tout le temps qui vous sera nécessaire pour me rendre cette bagatelle.
– Et combien vous coûte-t-il?
– Huit cents livres.
– Voici quarante doubles pistoles, mon cher ami, dit d’Artagnan en tirant la somme de sa poche; je sais que c’est la monnaie avec laquelle on vous paie vos poèmes.
– Vous êtes donc en fonds? dit Aramis.
– Riche, richissime, mon cher!»
Et d’Artagnan fit sonner dans sa poche le reste de ses pistoles.
«Envoyez votre selle à l’Hôtel des Mousquetaires, et l’on vous amènera votre cheval ici avec les nôtres.
– Très bien; mais il est bientôt cinq heures, hâtons-nous.»
Un quart d’heure après, Porthos apparut à un bout de la rue Férou sur un genet magnifique; Mousqueton le suivait sur un cheval d’Auvergne, petit, mais solide. Porthos resplendissait de joie et d’orgueil.
En même temps Aramis apparut à l’autre bout de la rue monté sur un superbe coursier anglais; Bazin le suivait sur un cheval rouan, tenant en laisse un vigoureux mecklembourgeois: c’était la monture de d’Artagnan.
Les deux mousquetaires se rencontrèrent à la porte: Athos et d’Artagnan les regardaient par la fenêtre.
«Diable! dit Aramis, vous avez là un superbe cheval, mon cher Porthos.
– Oui, répondit Porthos; c’est celui qu’on devait m’envoyer tout d’abord: une mauvaise plaisanterie du mari lui a substitué l’autre; mais le mari a été puni depuis et j’ai obtenu toute satisfaction.»
Planchet et Grimaud parurent alors à leur tour, tenant en main les montures de leurs maîtres; d’Artagnan et Athos descendirent, se mirent en selle près de leurs compagnons, et tous quatre se mirent en marche: Athos sur le cheval qu’il devait à sa femme, Aramis sur le cheval qu’il devait à sa maîtresse, Porthos sur le cheval qu’il devait à sa procureuse, et d’Artagnan sur le cheval qu’il devait à sa bonne fortune, la meilleure maîtresse qui soit.