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La Reine Margot Tome I

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La Reine Margot Tome I
Название: La Reine Margot Tome I
Автор: Dumas Alexandre
Дата добавления: 16 январь 2020
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La Reine Margot Tome I читать книгу онлайн

La Reine Margot Tome I - читать бесплатно онлайн , автор Dumas Alexandre

Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!

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Au gibet principal pendait une masse informe, un cadavre noir, souillé de sang coagulé et de boue blanchie par de nouvelles couches de poussière. Au cadavre il manquait une tête. Aussi l’avait-on pendu par les pieds. Au reste, la populace, ingénieuse comme elle l’est toujours, avait remplacé la tête par un bouchon de paille sur lequel elle avait mis un masque, et dans la bouche de ce masque, quelque railleur qui connaissait les habitudes de M. l’amiral avait introduit un cure-dent.

C’était un spectacle à la fois lugubre et bizarre, que tous ces élégants seigneurs et toutes ces belles dames défilant, comme une procession peinte par Goya, au milieu de ces squelettes noircis et de ces gibets aux longs bras décharnés. Plus la joie des visiteurs était bruyante, plus elle faisait contraste avec le morne silence et la froide insensibilité de ces cadavres, objets de railleries qui faisaient frissonner ceux-là même qui les faisaient.

Beaucoup supportaient à grand-peine ce terrible spectacle; et à sa pâleur on pouvait distinguer, dans le groupe des huguenots ralliés, Henri, qui, quelle que fût sa puissance sur lui-même et si étendu que fût le degré de dissimulation dont le Ciel l’avait doté, n’y put tenir. Il prétexta l’odeur impure que répandaient tous ces débris humains; et s’approchant de Charles IX, qui, côte à côte avec Catherine, était arrêté devant les restes de l’amiral:

– Sire, dit-il, Votre Majesté ne trouve-t-elle pas que, pour rester plus longtemps ici, ce pauvre cadavre sent bien mauvais?

– Tu trouves, Henriot! dit Charles IX, dont les yeux étincelaient d’une joie féroce.

– Oui, Sire.

– Eh bien, je ne suis pas de ton avis, moi… le corps d’un ennemi mort sent toujours bon.

– Ma foi, Sire, dit Tavannes, puisque Votre Majesté savait que nous devions venir faire une petite visite à M. l’amiral, elle eût dû inviter Pierre Ronsard, son maître en poésie: il eût fait, séance tenante, l’épitaphe du vieux Gaspard.

– Il n’y a pas besoin de lui pour cela, dit Charles IX, et nous la ferons bien nous-même… Par exemple, écoutez, messieurs, dit Charles IX après avoir réfléchi un instant:

Ci-gît, – mais c’est mal entendu, Pour lui le mot est trop honnête, – Ici l’amiral est pendu Par les pieds, à faute de tête.

– Bravo! bravo! s’écrièrent les gentilshommes catholiques tout d’une voix, tandis que les huguenots ralliés fronçaient les sourcils en gardant le silence.

Quant à Henri, comme il causait avec Marguerite et madame de Nevers, il fit semblant de n’avoir pas entendu.

– Allons, allons, monsieur, dit Catherine, que, malgré les parfums dont elle était couverte, cette odeur commençait à indisposer, allons, il n’y a si bonne compagnie qu’on ne quitte. Disons adieu à M. l’amiral, et revenons à Paris.

Elle fit de la tête un geste ironique comme lorsqu’on prend congé d’un ami, et, reprenant la tête de colonne, elle revint gagner le chemin, tandis que le cortège défilait devant le cadavre de Coligny.

Le soleil se couchait à l’horizon. La foule s’écoula sur les pas de Leurs Majestés pour jouir jusqu’au bout des magnificences du cortège et des détails du spectacle: les voleurs suivirent la foule; de sorte que, dix minutes après le départ du roi, il n’y avait plus personne autour du cadavre mutilé de l’amiral, que commençaient à effleurer les premières brises du soir. Quand nous disons personne, nous nous trompons. Un gentilhomme monté sur un cheval noir, et qui n’avait pu sans doute, au moment où il était honoré de la présence des princes, contempler à son aise ce tronc informe et noirci, était demeuré le dernier, et s’amusait à examiner dans tous leurs détails chaînes, crampons, piliers de pierre, le gibet enfin, qui lui paraissait sans doute, à lui arrivé depuis quelques jours à Paris et ignorant des perfectionnements qu’apporte en toute chose la capitale, le parangon de tout ce que l’homme peut inventer de plus terriblement laid.

Il n’est pas besoin de dire à nos lecteurs que cet homme était notre ami Coconnas. Un œil exercé de femme l’avait en vain cherché dans la cavalcade et avait sondé les rangs sans pouvoir le retrouver.

M. de Coconnas, comme nous l’avons dit, était donc en extase devant l’œuvre d’Enguerrand de Marigny.

Mais cette femme n’était pas seule à chercher M. de Coconnas. Un autre gentilhomme, remarquable par son pourpoint de satin blanc et sa galante plume, après avoir regardé en avant et sur les côtés, s’avisa de regarder en arrière et vit la haute taille de Coconnas et la gigantesque silhouette de son cheval se profiler en vigueur sur le ciel rougi des derniers reflets du soleil couchant.

Alors le gentilhomme au pourpoint de satin blanc quitta le chemin suivi par l’ensemble de la troupe, prit un petit sentier, et, décrivant une courbe, retourna vers le gibet.

Presque aussitôt la dame que nous avons reconnue pour la duchesse de Nevers, comme nous avons reconnu le grand gentilhomme au cheval noir pour Coconnas, s’approcha de Marguerite et lui dit:

– Nous nous sommes trompées toutes deux, Marguerite, car le Piémontais est demeuré en arrière, et M. de La Mole l’a suivi.

– Mordi! reprit Marguerite en riant, il va donc se passer quelque chose. Ma foi, j’avoue que je ne serais pas fâchée d’avoir à revenir sur son compte.

Marguerite alors se retourna et vit s’exécuter effectivement de la part de La Mole la manœuvre que nous avons dite.

Ce fut alors au tour des deux princesses à quitter la file: l’occasion était des plus favorables; on tournait devant un sentier bordé de larges haies qui remontait, et, en remontant, passait à trente pas du gibet. Madame de Nevers dit un mot à l’oreille de son capitaine, Marguerite fit un signe à Gillonne, et les quatre personnes s’en allèrent par ce chemin de traverse s’embusquer derrière le buisson le plus proche du lieu où allait se passer la scène dont ils paraissaient désirer être spectateurs. Il y avait trente pas environ, comme nous l’avons dit, de cet endroit à celui où Coconnas, ravi, en extase, gesticulait devant M. l’amiral.

Marguerite mit pied à terre, madame de Nevers et Gillonne en firent autant; le capitaine descendit à son tour, et réunit dans ses mains les brides des quatre chevaux. Un gazon frais et touffu offrait aux trois femmes un siège comme en demandent souvent et inutilement les princesses.

Une éclaircie leur permettait de ne pas perdre le moindre détail.

La Mole avait décrit son cercle. Il vint au pas se placer derrière Coconnas, et, allongeant la main, il lui frappa sur l’épaule.

Le Piémontais se retourna.

– Oh! dit-il, ce n’était donc pas un rêve! et vous vivez encore!

– Oui, monsieur, répondit La Mole, oui, je vis encore. Ce n’est pas votre faute, mais enfin je vis.

– Mordi! je vous reconnais bien, reprit Coconnas, malgré votre mine pâle. Vous étiez plus rouge que cela la dernière fois que nous nous sommes vus.

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