La Reine Margot Tome I
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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Quant à Marguerite, elle était à cheval, si belle, si fraîche, si élégante, que l’admiration faisait autour d’elle un concert dont quelques notes, il faut l’avouer, s’adressaient à sa compagne, madame la duchesse de Nevers, qu’elle venait de rejoindre, et dont le cheval blanc, comme s’il était fier du poids qu’il portait, secouait furieusement la tête.
– Eh bien, duchesse, dit la reine de Navarre, quoi de nouveau?
– Mais, madame, répondit tout haut Henriette, rien que je sache. Puis tout bas:
– Et le huguenot, demanda-t-elle, qu’est-il devenu?
– Je lui ai trouvé une retraite à peu près sûre, répondit Marguerite. Et le grand massacreur de gens, qu’en as-tu fait?
– Il a voulu être de la fête; il monte le cheval de bataille de M. de Nevers, un cheval grand comme un éléphant. C’est un cavalier effrayant. Je lui ai permis d’assister à la cérémonie, parce que j’ai pensé que prudemment ton huguenot garderait la chambre et que de cette façon il n’y aurait pas de rencontre à craindre.
– Oh! ma foi! répondit Marguerite en souriant, fût-il ici, et il n’y est pas, je crois qu’il n’y aurait pas de rencontre pour cela. C’est un beau garçon que mon huguenot, mais pas autre chose: une colombe et non un milan; il roucoule, mais ne mord pas. Après tout, fit-elle avec un accent intraduisible et en haussant légèrement les épaules; après tout, peut-être l’avons-nous cru huguenot, tandis qu’il était brahme, et sa religion lui défend-elle de répandre le sang.
– Mais où donc est le duc d’Alençon? demanda Henriette, je ne l’aperçois point.
– Il doit rejoindre, il avait mal aux yeux ce matin et désirait ne pas venir; mais comme on sait que, pour ne pas être du même avis que son frère Charles et son frère Henri, il penche pour les huguenots, on lui a fait observer que le roi pourrait interpréter à mal son absence et il s’est décidé. Mais, justement, tiens, on regarde, on crie là-bas, c’est lui qui sera venu par la porte Montmartre.
– En effet, c’est lui-même, je le reconnais, dit Henriette. En vérité, mais il a bon air aujourd’hui. Depuis quelque temps, il se soigne particulièrement: il faut qu’il soit amoureux. Voyez donc comme c’est bon d’être prince du sang: il galope sur tout le monde et tout le monde se range.
– En effet, dit en riant Marguerite, il va nous écraser. Dieu me pardonne! Mais faites donc ranger vos gentilshommes, duchesse! car en voici un qui, s’il ne se range pas, va se faire tuer.
– Eh, c’est mon intrépide! s’écria la duchesse, regarde donc, regarde.
Coconnas avait en effet quitté son rang pour se rapprocher de madame de Nevers; mais au moment même où son cheval traversait l’espèce de boulevard extérieur qui séparait la rue du faubourg Saint-Denis, un cavalier de la suite du duc d’Alençon, essayant en vain de retenir son cheval emporté, alla en plein corps heurter Coconnas. Coconnas ébranlé vacilla sur sa colossale monture, son chapeau faillit tomber, il le retint et se retourna furieux.
– Dieu! dit Marguerite en se penchant à l’oreille de son amie, M. de La Mole!
– Ce beau jeune homme pâle! s’écria la duchesse incapable de maîtriser sa première impression.
– Oui, oui! celui-là même qui a failli renverser ton Piémontais.
– Oh! mais, dit la duchesse, il va se passer des choses affreuses! ils se regardent, ils se reconnaissent!
En effet, Coconnas en se retournant avait reconnu la figure de La Mole; et, de surprise, il avait laissé échapper la bride de son cheval, car il croyait bien avoir tué son ancien compagnon, ou du moins l’avoir mis pour un certain temps hors de combat. De son côté, La Mole reconnut Coconnas et sentit un feu qui lui montait au visage. Pendant quelques secondes, qui suffirent à l’expression de tous les sentiments que couvaient ces deux hommes, ils s’étreignirent d’un regard qui fit frissonner les deux femmes. Après quoi La Mole ayant regardé tout autour de lui, et ayant compris sans doute que le lieu était mal choisi pour une explication, piqua son cheval et rejoignit le duc d’Alençon. Coconnas resta un moment ferme à la même place, tordant sa moustache et en faisant remonter la pointe jusqu’à se crever l’œil; après quoi, voyant que La Mole s’éloignait sans lui rien dire de plus, il se remit lui-même en route.
– Ah! ah! dit avec une dédaigneuse douleur Marguerite, je ne m’étais donc pas trompée… Oh! pour cette fois c’est trop fort.
Et elle se mordit les lèvres jusqu’au sang.
– Il est bien joli, répondit la duchesse avec commisération.
Juste en ce moment le duc d’Alençon venait de reprendre sa place derrière le roi et la reine mère, de sorte que ses gentilshommes, en le rejoignant, étaient forcés de passer devant Marguerite et la duchesse de Nevers. La Mole, en passant à son tour devant les deux princesses, leva son chapeau, salua la reine en s’inclinant jusque sur le cou de son cheval et demeura tête nue en attendant que Sa Majesté l’honorât d’un regard.
Mais Marguerite détourna fièrement la tête.
La Mole lut sans doute l’expression de dédain empreinte sur le visage de la reine et de pâle qu’il était devint livide. De plus, pour ne pas choir de son cheval il fut forcé de se retenir à la crinière.
– Oh! oh! dit Henriette à la reine, regarde donc, cruelle que tu es! Mais il va se trouver mal!…
– Bon! dit la reine avec un sourire écrasant, il ne nous manquerait plus que cela… As-tu des sels? Madame de Nevers se trompait.
La Mole, chancelant, retrouva des forces, et, se raffermissant sur son cheval, alla reprendre son rang à la suite du duc d’Alençon.
Cependant on continuait d’avancer, on voyait se dessiner la silhouette lugubre du gibet dressé et étrenné par Enguerrand de Marigny. Jamais il n’avait été si bien garni qu’à cette heure.
Les huissiers et les gardes marchèrent en avant et formèrent un large cercle autour de l’enceinte. À leur approche, les corbeaux perchés sur le gibet s’envolèrent avec des croassements de désespoir.
Le gibet qui s’élevait à Montfaucon offrait d’ordinaire, derrière ses colonnes, un abri aux chiens attirés par une proie fréquente et aux bandits philosophes qui venaient méditer sur les tristes vicissitudes de la fortune.
Ce jour-là il n’y avait, en apparence du moins, à Montfaucon, ni chiens ni bandits. Les huissiers et les gardes avaient chassé les premiers en même temps que les corbeaux, et les autres s’étaient confondus dans la foule pour y opérer quelques-uns de ces bons coups qui sont les riantes vicissitudes du métier.
Le cortège s’avançait; le roi et Catherine arrivaient les premiers, puis venaient le duc d’Anjou, le duc d’Alençon, le roi de Navarre, M. de Guise et leurs gentilshommes; puis madame Marguerite, la duchesse de Nevers et toutes les femmes composant ce qu’on appelait l’escadron volant de la reine; puis les pages, les écuyers, les valets et le peuple: en tout dix mille personnes.