La Reine Margot Tome I
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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Et vers le jour Marguerite finit enfin par s’endormir en murmurant: Éros-Cupido-Amor.
XV Ce que femme veut Dieu le veut
Marguerite ne s’était pas trompée: la colère amassée au fond du cœur de Catherine par cette comédie, dont elle voyait l’intrigue sans avoir la puissance de rien changer au dénouement, avait besoin de déborder sur quelqu’un. Au lieu de rentrer chez elle, la reine mère monta directement chez sa dame d’atours.
Madame de Sauve s’attendait à deux visites: elle espérait celle de Henri, elle craignait celle de la reine mère. Au lit, à moitié vêtue, tandis que Dariole veillait dans l’antichambre, elle entendit tourner une clef dans la serrure, puis s’approcher des pas lents et qui eussent paru lourds s’ils n’eussent pas été assourdis par d’épais tapis. Elle ne reconnut point là la marche légère et empressée de Henri; elle se douta qu’on empêchait Dariole de la venir avertir; et, appuyée sur sa main, l’oreille et l’œil tendus, elle attendit.
La portière se leva, et la jeune femme, frissonnante, vit paraître Catherine de Médicis.
Catherine semblait calme; mais madame de Sauve habituée à l’étudier depuis deux ans comprit tout ce que ce calme apparent cachait de sombres préoccupations et peut-être de cruelles vengeances.
Madame de Sauve, en apercevant Catherine, voulut sauter en bas de son lit; mais Catherine leva le doigt pour lui faire signe de rester, et la pauvre Charlotte demeura clouée à sa place, amassant intérieurement toutes les forces de son âme pour faire face à l’orage qui se préparait silencieusement.
– Avez-vous fait tenir la clef au roi de Navarre? demanda Catherine sans que l’accent de sa voix indiquât aucune altération; seulement ces paroles étaient prononcées avec des lèvres de plus en plus blêmissantes.
– Oui, madame…, répondit Charlotte d’une voix qu’elle tentait inutilement de rendre aussi assurée que l’était celle de Catherine.
– Et vous l’avez vu?
– Qui? demanda madame de Sauve.
– Le roi de Navarre?
– Non, madame; mais je l’attends, et j’avais même cru, en entendant tourner une clef dans la serrure, que c’était lui qui venait.
À cette réponse, qui annonçait dans madame de Sauve ou une parfaite confiance ou une suprême dissimulation, Catherine ne put retenir un léger frémissement. Elle crispa sa main grasse et courte.
– Et cependant tu savais bien, dit-elle avec son méchant sourire, tu savais bien, Carlotta, que le roi de Navarre ne viendrait point cette nuit.
– Moi, madame, je savais cela! s’écria Charlotte avec un accent de surprise parfaitement bien jouée.
– Oui, tu le savais.
– Pour ne point venir, reprit la jeune femme frissonnante à cette seule supposition, il faut donc qu’il soit mort!
Ce qui donnait à Charlotte le courage de mentir ainsi, c’était la certitude qu’elle avait d’une terrible vengeance, dans le cas où sa petite trahison serait découverte.
– Mais tu n’as donc pas écrit au roi de Navarre, Carlotta mia? demanda Catherine avec ce même rire silencieux et cruel.
– Non, madame, répondit Charlotte avec un admirable accent de naïveté; Votre Majesté ne me l’avait pas dit, ce me semble.
Il se fit un moment de silence pendant lequel Catherine regarda madame de Sauve comme le serpent regarde l’oiseau qu’il veut fasciner.
– Tu te crois belle, dit alors Catherine; tu te crois adroite, n’est-ce pas?
– Non, madame, répondit Charlotte, je sais seulement que Votre Majesté a été parfois d’une bien grande indulgence pour moi, quand il s’agissait de mon adresse et de ma beauté.
– Eh bien, dit Catherine en s’animant, tu te trompais si tu as cru cela, et moi je mentais si je te l’ai dit, tu n’es qu’une sotte et qu’une laide près de ma fille Margot.
– Oh! ceci, madame, c’est vrai! dit Charlotte, et je n’essaierai pas même de le nier, surtout à vous.
– Aussi, continua Catherine, le roi de Navarre te préfère-t-il de beaucoup ma fille, et ce n’était pas ce que tu voulais, je crois, ni ce dont nous étions convenues.
– Hélas, madame! dit Charlotte éclatant cette fois en sanglots sans qu’elle eût besoin de se faire aucune violence, si cela est ainsi, je suis bien malheureuse.
– Cela est, dit Catherine en enfonçant comme un double poignard le double rayon de ses yeux dans le cœur de madame de Sauve.
– Mais qui peut vous le faire croire? demanda Charlotte.
– Descends chez la reine de Navarre, pazza! et tu y trouveras ton amant.
– Oh! fit madame de Sauve. Catherine haussa les épaules.
– Es-tu jalouse, par hasard? demanda la reine mère.
– Moi? dit madame de Sauve, rappelant à elle toute sa force prête à l’abandonner.
– Oui, toi! je serais curieuse de voir une jalousie de Française.
– Mais, dit madame de Sauve, comment Votre Majesté veut-elle que je sois jalouse autrement que d’amour-propre? je n’aime le roi de Navarre qu’autant qu’il le faut pour le service de Votre Majesté!
Catherine la regarda un moment avec des yeux rêveurs.
– Ce que tu me dis là peut, à tout prendre, être vrai, murmura-t-elle.
– Votre Majesté lit dans mon cœur.
– Et ce cœur m’est tout dévoué?
– Ordonnez, madame, et vous en jugerez.
– Eh bien, puisque tu te sacrifies à mon service, Carlotta, il faut, pour mon service toujours, que tu sois très éprise du roi de Navarre, et très jalouse surtout, jalouse comme une Italienne.
– Mais, madame, demanda Charlotte, de quelle façon une Italienne est-elle jalouse?
– Je te le dirai, reprit Catherine. Et, après avoir fait deux ou trois mouvements de tête du haut en bas, elle sortit silencieusement et lentement, comme elle était rentrée. Charlotte, troublée par le clair regard de ces yeux dilatés comme ceux du chat et de la panthère, sans que cette dilatation lui fît rien perdre de sa profondeur, la laissa partir sans prononcer un seul mot, sans même laisser à son souffle la liberté de se faire entendre, et elle ne respira que lorsqu’elle eut entendu la porte se refermer derrière elle et que Dariole fut venue lui dire que la terrible apparition était bien évanouie.
– Dariole, lui dit-elle alors, traîne un fauteuil près de mon lit et passe la nuit dans ce fauteuil. Je t’en prie, car je n’oserais pas rester seule.
Dariole obéit; mais malgré la compagnie de sa femme de chambre, qui restait près d’elle, malgré la lumière de la lampe qu’elle ordonna de laisser allumée pour plus grande tranquillité, madame de Sauve aussi ne s’endormit qu’au jour, tant bruissait à son oreille le métallique accent de la voix de Catherine.