La Reine Margot Tome I
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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– Oh! plus bas, plus bas, madame, je vous prie, dit Marguerite, car non seulement vous vous trompez, mais encore…
– Eh bien?
– Eh bien, vous allez réveiller mon mari. À ces mots, Marguerite se leva avec une grâce toute voluptueuse, et laissant flotter entrouverte sa robe de nuit, dont les manches courtes laissaient à nu son bras d’un modelé si pur, et sa main véritablement royale, elle approcha un flambeau de cire rosée du lit, et, relevant le rideau, elle montra du doigt, en souriant à sa mère, le profil fier, les cheveux noirs et la bouche entrouverte du roi de Navarre, qui semblait, sur la couche en désordre, reposer du plus calme et du plus profond sommeil. Pâle, les yeux hagards, le corps cambré en arrière comme si un abîme se fût ouvert sur ses pas, Catherine poussa, non pas un cri, mais un rugissement sourd.
– Vous voyez, madame, dit Marguerite, que vous étiez mal informée.
Catherine jeta un regard sur Marguerite, puis un autre sur Henri. Elle unit dans sa pensée active l’image de ce front pâle et moite, de ces yeux entourés d’un léger cercle de bistre, au sourire de Marguerite, et elle mordit ses lèvres minces avec une fureur silencieuse.
Marguerite permit à sa mère de contempler un instant ce tableau, qui faisait sur elle l’effet de la tête de Méduse. Puis elle laissa retomber le rideau, et, marchant sur la pointe du pied, elle revint près de Catherine, et, reprenant sa place sur sa chaise:
– Vous disiez donc, madame? La Florentine chercha pendant quelques secondes à sonder cette naïveté de la jeune femme; puis, comme si ses regards éthérés se fussent émoussés sur le calme de Marguerite:
– Rien, dit-elle. Et elle sortit à grands pas de l’appartement. Aussitôt que le bruit de ses pas se fut assourdi dans la profondeur du corridor, le rideau du lit s’ouvrit de nouveau, et Henri, l’œil brillant, la respiration oppressée, la main tremblante, vint s’agenouiller devant Marguerite. Il était seulement vêtu de ses trousses et de sa cotte de mailles, de sorte qu’en le voyant ainsi affublé, Marguerite, tout en lui serrant la main de bon cœur, ne put s’empêcher d’éclater de rire.
– Ah! madame, ah! Marguerite, s’écria-t-il, comment m’acquitterai-je jamais envers vous?
Et il couvrait sa main de baisers, qui de la main montaient insensiblement au bras de la jeune femme.
– Sire, dit-elle en se reculant tout doucement, oubliez-vous qu’à cette heure une pauvre femme, à laquelle vous devez la vie, souffre et gémit pour vous? Madame de Sauve, ajouta-t-elle tout bas, vous a fait le sacrifice de sa jalousie en vous envoyant près de moi, et peut-être, après vous avoir fait le sacrifice de sa jalousie, vous fait-elle celui de sa vie, car, vous le savez mieux que personne, la colère de ma mère est terrible.
Henri frissonna, et, se relevant, fit un mouvement pour sortir.
– Oh! mais, dit Marguerite avec une admirable coquetterie, je réfléchis et me rassure. La clef vous a été donnée sans indication, et vous serez censé m’avoir accordé ce soir la préférence.
– Et je vous l’accorde, Marguerite; consentez-vous seulement à oublier…
– Plus bas, Sire, plus bas, répliqua la reine parodiant les paroles que dix minutes auparavant elle venait d’adresser à sa mère; on vous entend du cabinet, et comme je ne suis pas encore tout à fait libre, Sire, je vous prierai de parler moins haut.
– Oh! oh! dit Henri, moitié riant, moitié assombri, c’est vrai; j’oubliais que ce n’est probablement pas moi qui suis destiné à jouer la fin de cette scène intéressante. Ce cabinet…
– Entrons-y, Sire, dit Marguerite, car je veux avoir l’honneur de présenter à Votre Majesté un brave gentilhomme blessé pendant le massacre, en venant avertir jusque dans le Louvre Votre Majesté du danger qu’elle courait.
La reine s’avança vers la porte. Henri suivit sa femme. La porte s’ouvrit, et Henri demeura stupéfait en voyant un homme dans ce cabinet prédestiné aux surprises. Mais La Mole fut plus surpris encore en se trouvant inopinément en face du roi de Navarre. Il en résulta que Henri jeta un coup d’œil ironique à Marguerite, qui le soutint à merveille.
– Sire, dit Marguerite, j’en suis réduite à craindre qu’on ne tue dans mon logis même ce gentilhomme, qui est dévoué au service de Votre Majesté, et que je mets sous sa protection.
– Sire, reprit alors le jeune homme, je suis le comte Lerac de la Mole, que Votre Majesté attendait, et qui vous avait été recommandé par ce pauvre M. de Téligny, qui a été tué à mes côtés.
– Ah! ah! fit Henri, en effet, monsieur, et la reine m’a remis sa lettre; mais n’aviez-vous pas aussi une lettre de M. le gouverneur du Languedoc?
– Oui, Sire, et recommandation de la remettre à Votre Majesté aussitôt mon arrivée.
– Pourquoi ne l’avez-vous pas fait?
– Sire, je me suis rendu au Louvre dans la soirée d’hier; mais Votre Majesté était tellement occupée, qu’elle n’a pu me recevoir.
– C’est vrai, dit le roi; mais vous eussiez pu, ce me semble, me faire passer cette lettre?
– J’avais ordre, de la part de M. d’Auriac, de ne la remettre qu’à Votre Majesté elle-même; car elle contenait, m’a-t-il assuré, un avis si important, qu’il n’osait le confier à un messager ordinaire.
– En effet, dit le roi en prenant et en lisant la lettre, c’était l’avis de quitter la cour et de me retirer en Béarn. M. d’Auriac était de mes bons amis, quoique catholique, et il est probable que, comme gouverneur de province, il avait vent de ce qui s’est passé. Ventre-saint-gris! monsieur, pourquoi ne pas m’avoir remis cette lettre il y a trois jours au lieu de ne me la remettre qu’aujourd’hui?
– Parce que, ainsi que j’ai eu l’honneur de le dire à Votre Majesté, quelque diligence que j’aie faite, je n’ai pu arriver qu’hier.
– C’est fâcheux, c’est fâcheux, murmura le roi; car à cette heure nous serions en sûreté, soit à La Rochelle, soit dans quelque bonne plaine, avec deux à trois mille chevaux autour de nous.
– Sire, ce qui est fait est fait, dit Marguerite à demi-voix, et, au lieu de perdre votre temps à récriminer sur le passé, il s’agit de tirer le meilleur parti possible de l’avenir.
– À ma place, dit Henri avec son regard interrogateur, vous auriez donc encore quelque espoir, madame?
– Oui, certes, et je regarderais le jeu engagé comme une partie en trois points, dont je n’ai perdu que la première manche.
– Ah! madame, dit tout bas Henri, si j’étais sûr que vous fussiez de moitié dans mon jeu…
– Si j’avais voulu passer du côté de vos adversaires, répondit Marguerite, il me semble que je n’eusse point attendu si tard.
– C’est juste, dit Henri, je suis un ingrat, et, comme vous dites, tout peut encore se réparer aujourd’hui.