La Reine Margot Tome I
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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– Sire, répondit Marguerite, vous changerez de langage quand vous saurez que tout ce qui se fait en ce moment est l’ouvrage d’une personne qui vous aime… et que vous aimez.
Henri recula presque à ces paroles et son œil gris et perçant interrogea sous son sourcil noir la reine avec curiosité.
– Oh! rassurez-vous, Sire! dit la reine en souriant; cette personne, je n’ai pas la prétention de dire que ce soit moi!
– Mais cependant, madame, dit Henri, c’est vous qui m’avez fait tenir cette clef: cette écriture, c’est la vôtre.
– Cette écriture est la mienne, je l’avoue, ce billet vient de moi, je ne le nie pas. Quant à cette clef, c’est autre chose.
Qu’il vous suffise de savoir qu’elle a passé entre les mains de quatre femmes avant d’arriver jusqu’à vous.
– De quatre femmes! s’écria Henri avec étonnement.
– Oui, entre les mains de quatre femmes, dit Marguerite; entre les mains de la reine mère, entre les mains de madame de Sauve, entre les mains de Gillonne, et entre les miennes.
Henri se mit à méditer cette énigme.
– Parlons raison maintenant, monsieur, dit Marguerite, et surtout parlons franc. Est-il vrai, comme c’est aujourd’hui le bruit public, que Votre Majesté consente à abjurer?
– Ce bruit public se trompe, madame, je n’ai pas encore consenti.
– Mais vous êtes décidé, cependant.
– C’est-à-dire, je me consulte. Que voulez-vous? quand on a vingt ans et qu’on est à peu près roi, ventre-saint-gris! il y a des choses qui valent bien une messe.
– Et entre autres choses la vie, n’est-ce pas? Henri ne put réprimer un léger sourire.
– Vous ne me dites pas toute votre pensée, Sire! dit Marguerite.
– Je fais des réserves pour mes alliés, madame; car, vous le savez, nous ne sommes encore qu’alliés: si vous étiez à la fois mon alliée… et…
– Et votre femme, n’est-ce pas, Sire?
– Ma foi, oui… et ma femme.
– Alors?
– Alors, peut-être serait-ce différent; et peut-être tiendrais-je à rester roi des huguenots, comme ils disent… Maintenant, il faut que je me contente de vivre.
Marguerite regarda Henri d’un air si étrange qu’il eût éveillé les soupçons d’un esprit moins délié que ne l’était celui du roi de Navarre.
– Et êtes-vous sûr, au moins, d’arriver à ce résultat? dit-elle.
– Mais à peu près, dit Henri; vous savez qu’en ce monde, madame, on n’est jamais sûr de rien.
– Il est vrai, reprit Marguerite, que Votre Majesté annonce tant de modération et professe tant de désintéressement, qu’après avoir renoncé à sa couronne, après avoir renoncé à sa religion, elle renoncera probablement, on en a l’espoir du moins, à son alliance avec une fille de France.
Ces mots portaient avec eux une si profonde signification que Henri en frissonna malgré lui. Mais domptant cette émotion avec la rapidité de l’éclair:
– Daignez vous souvenir, madame, qu’en ce moment je n’ai point mon libre arbitre. Je ferai donc ce que m’ordonnera le roi de France. Quant à moi, si l’on me consultait le moins du monde dans cette question où il ne va de rien moins que de mon trône, de mon bonheur et de ma vie, plutôt que d’asseoir mon avenir sur les droits que me donne notre mariage forcé, j’aimerais mieux m’ensevelir chasseur dans quelque château, pénitent dans quelque cloître.
Ce calme résigné à sa situation, cette renonciation aux choses de ce monde, effrayèrent Marguerite. Elle pensa que peut-être cette rupture de mariage était convenue entre Charles IX, Catherine et le roi de Navarre. Pourquoi, elle aussi, ne la prendrait-on pas pour dupe ou pour victime? Parce qu’elle était sœur de l’un et fille de l’autre? L’expérience lui avait appris que ce n’était point là une raison sur laquelle elle pût fonder sa sécurité. L’ambition donc mordit au cœur la jeune femme ou plutôt la jeune reine, trop au-dessus des faiblesses vulgaires pour se laisser entraîner à un dépit d’amour-propre: chez toute femme, même médiocre, lorsqu’elle aime, l’amour n’a point de ces misères, car l’amour véritable est aussi une ambition.
– Votre Majesté, dit Marguerite avec une sorte de dédain railleur, n’a pas grande confiance, ce me semble, dans l’étoile qui rayonne au-dessus du front de chaque roi?
– Ah! dit Henri, c’est que j’ai beau chercher la mienne en ce moment, je ne puis la voir, cachée qu’elle est dans l’orage qui gronde sur moi à cette heure.
– Et si le souffle d’une femme écartait cet orage, et faisait cette étoile aussi brillante que jamais?
– C’est bien difficile, dit Henri.
– Niez-vous l’existence de cette femme, monsieur?
– Non, seulement je nie son pouvoir.
– Vous voulez dire sa volonté?
– J’ai dit son pouvoir, et je répète le mot. La femme n’est réellement puissante que lorsque l’amour et l’intérêt sont réunis chez elle à un degré égal; et si l’un de ces deux sentiments la préoccupe seule, comme Achille elle est vulnérable. Or, cette femme, si je ne m’abuse, je ne puis pas compter sur son amour.
Marguerite se tut.
– Écoutez, continua Henri; au dernier tintement de la cloche de Saint-Germain-l’Auxerrois, vous avez dû songer à reconquérir votre liberté qu’on avait mise en gage pour détruire ceux de mon parti. Moi, j’ai dû songer à sauver ma vie. C’était le plus pressé. Nous y perdons la Navarre, je le sais bien; mais c’est peu de chose que la Navarre en comparaison de la liberté qui vous est rendue de pouvoir parler haut dans votre chambre, ce que vous n’osiez pas faire quand vous aviez quelqu’un qui vous écoutait de ce cabinet.
Quoique au plus fort de sa préoccupation, Marguerite ne put s’empêcher de sourire. Quant au roi de Navarre, il s’était déjà levé pour regagner son appartement; car depuis quelque temps onze heures étaient sonnées, et tout dormait ou du moins semblait dormir au Louvre.
Henri fit trois pas vers la porte; puis, s’arrêtant tout à coup, comme s’il se rappelait seulement à cette heure la circonstance qui l’avait amené chez la reine:
– À propos, madame, dit-il, n’avez-vous point à me communiquer certaines choses; ou ne vouliez-vous que m’offrir l’occasion de vous remercier du répit que votre brave présence dans le cabinet des Armes du roi m’a donné hier? En vérité, madame, il était temps, je ne puis le nier, et vous êtes descendue sur le lieu de la scène comme la divinité antique, juste à point pour me sauver la vie.
– Malheureux! s’écria Marguerite d’une voix sourde, et saisissant le bras de son mari. Comment donc ne voyez-vous pas que rien n’est sauvé au contraire, ni votre liberté, ni votre couronne, ni votre vie!… Aveugle! fou! pauvre fou! Vous n’avez pas vu dans ma lettre autre chose, n’est-ce pas, qu’un rendez-vous? vous avez cru que Marguerite, outrée de vos froideurs, désirait une réparation?