La main coupee (Отрезанная рука)
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продолжение серии книг про Фантомаса
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19 – PRISONNIER DE FANDOR
Mélancolique et troublé, Fandor se promenait sur la côte, dans le noir.
Il était une heure avancée de la nuit, mais le journaliste, malgré sa fatigue, eu égard aux émotions qu’il venait de vivre en découvrant, avec Juve, la mystérieuse mort du caissier Louis Meynan, n’éprouvait aucune envie d’aller se coucher. Bien au contraire, il sentait, qu’en dépit de sa lassitude, son cerveau ne pourrait cesser de travailler.
Brusquement, après sa dernière altercation avec Juve, il l’avait quitté, il était parti.
Fandor allait au hasard dans la nuit sombre et en proie à une agitation fébrile, il monologuait :
— Oui, il n’y a plus de doute possible. Juve est un homme fini, perdu. Il n’a plus de conscience, il ne sait plus discerner le bien du mal. Juve est perdu. Il ment. Il m’a menti, il m’a menti, à moi Fandor.
Le journaliste se tordait les mains :
— C’est inouï, épouvantable, reprenait-il, c’est à ne pas le croire, c’est à se demander si je ne me trompe pas moi-même, tellement la chose est invraisemblable, elle est indiscutable, cependant. Alors que j’étais avec Ivan Ivanovitch, ce que je sais, ce dont je suis sûr, Juve prétend l’avoir vu lui aussi, au même instant et dans un endroit diamétralement opposé. Que cache cette affirmation mensongère, pourquoi Juve a-t-il parlé de la sorte ?
Fandor, en cheminant, sans se rendre compte de la route qu’il suivait, était descendu jusqu’au port, puis il avait suivi la côte à l’ouest, s’avançant par une route escarpée en direction du promontoire.
Il commençait à pleuvoir, la mer assez forte et secouée par le vent qui venait du large, envoyait de gros paquets d’eau sur la rive et Fandor, de temps à autre, recevait la gifle humide des embruns.
Le jeune homme était trop bouleversé pour prêter la moindre attention à la température extérieure, malgré le froid de la nuit pluvieuse, le sang lui battait aux tempes, il éprouvait sans cesse le besoin de s’éponger le front.
Fandor, toutefois, cédant à la prostration, se laissa tomber dans un creux de roche et demeura songeur, la tête entre les mains.
Par moments, la rafale se calmait et au grondement de la mer succédait le bruit monotone et uniforme d’une vague venant mourir au pied des récifs.
À ce bruit, que le journaliste identifiait aisément, se mêlait toutefois, de temps à autre, un bruit différent, plus net, plus bref, plus catégorique, plus difficile aussi à déterminer.
Instinctivement, Fandor prêtait l’oreille car, malgré tout, sa curiosité était toujours en éveil et il avait une telle habitude de se demander le pourquoi des choses que le moindre détail, le moindre incident aux apparences anormales ne pouvait passer pour lui inaperçu.
Fandor, en regardant dans la direction d’où venait le bruit, aperçut, au-dessous de lui, au pied de la falaise, au ras de la mer, une masse sombre qui s’avançait avec précaution.
Puis il entendait encore le bruit de quelque chose qui tombe à l’eau, puis la masse sombre rebroussa chemin, sembla revenir sur ses pas.
— Quelque douanier, pensa Fandor, qui surveille les abords de la côte, ou peut-être alors un contrebandier qui s’efforce de débarquer des marchandises prohibées en profitant de ce mauvais temps.
Le journaliste, machinalement, descendit le long de la falaise, heureux de distraire son esprit du souci qui le torturait et désireux d’apprendre quelque chose de nouveau.
À peine était-il arrivé dans le voisinage de la masse sombre que celle-ci bondit en arrière.
Fandor, grâce au déchirement qui se produisait dans un nuage et permettait à un reflet de lune d’éclairer un instant l’endroit où il se trouvait, étouffa un cri de surprise.
Non seulement il venait de voir que la masse sombre n’était autre qu’un homme, mais cet homme, Fandor l’avait reconnu, c’était le chemineau Bouzille qui, vraisemblablement, devait encore se livrer à quelque louche combinaison.
Bouzille, avait reconnu Fandor lui aussi.
L’air penaud et l’attitude embarrassée, Bouzille s’approcha du journaliste, en agitant les bras pour lui faire signe de se taire.
— Chut, murmura d’une voix imperceptible le chemineau, ne faites pas de bruit, ça mord.
— Qu’est-ce qui mord ? interrogea Fandor…
— Parbleu, poursuivit Bouzille, le poisson, j’en ai déjà ramassé quelques-uns, d’ici demain, j’en aurai un plein panier. Pourvu surtout que la mer continue à être mauvaise. Les vagues, vous comprenez, monsieur Fandor, ça trouble la transparence de l’eau et le poisson se laisse plus aisément prendre dans les filets.
Le journaliste, malgré lui, souriait à l’ingéniosité du bonhomme. Ce Bouzille, décidément, n’était jamais en peine de combinaisons qui puissent lui rapporter quelque argent. Chaque jour, il inventait quelque chose de licite ou de clandestin. Bouzille respectait avant tout cet axiome : « Pas vu, pas pris ». Peu lui importait de pêcher avec des engins interdits, de jeter ses filets d’une rive prohibée, l’essentiel pour lui, c’était de réussir, d’attraper son poisson, et après, salut !
— Il faut bien, expliquait-il en haussant les épaules, que je gagne ma vie, jusqu’au jour où ce bon M. Juve m’aura jugé digne d’entrer dans la police.
Fandor tressaillit, il avait oublié un instant ses soucis, voilà que Bouzille, maladroitement, lui remettait le nez dessus.
— Dans la police, grommela Fandor, m’est avis, Bouzille, que tu finiras plutôt par aller en prison.
Bouzille, philosophe, rectifia :
— On commence par être arrêté, puis on apprend à arrêter les autres ensuite, n’est-ce pas ainsi que ça se passe dans la vie, j’ai même lu une histoire de ce genre dans un des feuilletons de votre journal : La Capitale.
Fandor haussa les épaules et sourit sans répondre.
— Et à part cela, monsieur Fandor, qu’est-ce qui me vaut l’honneur de votre venue ?
Le journaliste avisa une petite embarcation mouillée à quelques mètres du rivage :
— C’est à toi, ce bateau ? demanda-t-il…
— En toute propriété, monsieur Fandor. Du moins jusqu’à demain matin, car, lorsque le jour se lèvera, il y aura bien quelque matelot du port pour se préoccuper de savoir « ousqu’est » passée sa barque.
— Je comprends, fit le journaliste, en levant le col de son pardessus, car la pluie commençait à tomber.
Bouzille demanda :
— Vous ne rentrez pas chez vous ?
— Non.
— Alors, puisque vous restez, montez dans le bateau, vous y serez plus à votre aise et puis vous y trouverez un ciré qui vous mettra à l’abri de l’eau.
Bouzille ramena l’embarcation, Fandor y monta.
Mais à peine le journaliste installé s’était-il dissimulé le visage et les épaules sous un grand capuchon jaune, qu’une voix retentissait de la rive :
— Ohé, du canot.
Bouzille, immédiatement, redoutant l’arrivée d’un douanier, se blottit au fond du bateau :
— Ne bougeons plus, recommanda-t-il à Fandor, ayons l’air de dormir, c’est encore des embêteurs, probablement.
Mais Fandor, en entendant appeler de nouveau, avait tressailli :
Cette voix qui avait crié « Ohé du bateau », il la reconnaissait maintenant, c’était celle du commandant Ivan Ivanovitch.
— Ohé du canot, répétait-on avec insistance.
Fandor ordonna à Bouzille :
— Réponds.
— Mais, monsieur Fandor, balbutia le chemineau…
Le journaliste interrompit :
— Réponds.
— Que voulez-vous ?
Ivan Ivanovitch, voyant qu’on l’avait entendu, descendait rapidement du haut de la falaise, arriva jusqu’au bord de l’eau :
— Il faut me conduire, demanda-t-il, en rade, au vaisseau de guerre qui se trouve là-bas. Combien voulez-vous, mon brave, pour cette course ?
Et l’officier ajouta aussitôt.
— Allons, n’hésitez pas, je suis pressé ; vous aurez dix francs.
— Accepte, ordonna le journaliste…
— Mais, objecta Bouzille en hésitant, je ne suis guère bon marin, et jamais je ne me « débarbouillerai » dans cette mer toute noire. Conduire aussi loin ce particulier, c’est bien scabreux.