Les trois mousquetaires
Les trois mousquetaires читать книгу онлайн
On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
Внимание! Книга может содержать контент только для совершеннолетних. Для несовершеннолетних чтение данного контента СТРОГО ЗАПРЕЩЕНО! Если в книге присутствует наличие пропаганды ЛГБТ и другого, запрещенного контента - просьба написать на почту [email protected] для удаления материала
– Monsieur le duc, à quelque prix que ce soit, je les veux.
– Je ferai pourtant observer à Votre Majesté…
– Me trahissez-vous donc aussi, monsieur le cardinal, pour vous opposer toujours ainsi à mes volontés? êtes-vous aussi d’accord avec l’Espagnol et avec l’Anglais, avec Mme de Chevreuse et avec la reine?
– Sire, répondit en soupirant le cardinal, je croyais être à l’abri d’un pareil soupçon.
– Monsieur le cardinal, vous m’avez entendu; je veux ces lettres.
– Il n’y aurait qu’un moyen.
– Lequel?
– Ce serait de charger de cette mission M. le garde des sceaux Séguier. La chose rentre complètement dans les devoirs de sa charge.
– Qu’on l’envoie chercher à l’instant même!
– Il doit être chez moi, Sire; je l’avais fait prier de passer, et lorsque je suis venu au Louvre, j’ai laissé l’ordre, s’il se présentait, de le faire attendre.
– Qu’on aille le chercher à l’instant même!
– Les ordres de Votre Majesté seront exécutés; mais…
– Mais quoi?
– Mais la reine se refusera peut-être à obéir.
– À mes ordres?
– Oui, si elle ignore que ces ordres viennent du roi.
– Eh bien, pour qu’elle n’en doute pas, je vais la prévenir moi-même.
– Votre Majesté n’oubliera pas que j’ai fait tout ce que j’ai pu pour prévenir une rupture.
– Oui, duc, je sais que vous êtes fort indulgent pour la reine, trop indulgent peut-être; et nous aurons, je vous en préviens, à parler plus tard de cela.
– Quand il plaira à Votre Majesté; mais je serai toujours heureux et fier, Sire, de me sacrifier à la bonne harmonie que je désire voir régner entre vous et la reine de France.
– Bien, cardinal, bien; mais en attendant envoyez chercher M. le garde des sceaux; moi, j’entre chez la reine.
Et Louis XIII, ouvrant la porte de communication, s’engagea dans le corridor qui conduisait de chez lui chez Anne d’Autriche.
La reine était au milieu de ses femmes, Mme de Guitaut, Mme de Sablé, Mme de Montbazon et Mme de Guéménée. Dans un coin était cette camériste espagnole doña Estefania, qui l’avait suivie de Madrid. Mme de Guéménée faisait la lecture, et tout le monde écoutait avec attention la lectrice, à l’exception de la reine, qui, au contraire, avait provoqué cette lecture afin de pouvoir, tout en feignant d’écouter, suivre le fil de ses propres pensées.
Ces pensées, toutes dorées qu’elles étaient par un dernier reflet d’amour, n’en étaient pas moins tristes. Anne d’Autriche, privée de la confiance de son mari, poursuivie par la haine du cardinal, qui ne pouvait lui pardonner d’avoir repoussé un sentiment plus doux, ayant sous les yeux l’exemple de la reine mère, que cette haine avait tourmentée toute sa vie - quoique Marie de Médicis, s’il faut en croire les mémoires du temps, eût commencé par accorder au cardinal le sentiment qu’Anne d’Autriche finit toujours par lui refuser -, Anne d’Autriche avait vu tomber autour d’elle ses serviteurs les plus dévoués, ses confidents les plus intimes, ses favoris les plus chers. Comme ces malheureux doués d’un don funeste, elle portait malheur à tout ce qu’elle touchait, son amitié était un signe fatal qui appelait la persécution. Mme de Chevreuse et Mme de Vernel étaient exilées; enfin La Porte ne cachait pas à sa maîtresse qu’il s’attendait à être arrêté d’un instant à l’autre.
C’est au moment où elle était plongée au plus profond et au plus sombre de ces réflexions, que la porte de la chambre s’ouvrit et que le roi entra.
La lectrice se tut à l’instant même, toutes les dames se levèrent, et il se fit un profond silence.
Quant au roi, il ne fit aucune démonstration de politesse; seulement, s’arrêtant devant la reine:
«Madame, dit-il d’une voix altérée, vous allez recevoir la visite de M. le chancelier, qui vous communiquera certaines affaires dont je l’ai chargé.»
La malheureuse reine, qu’on menaçait sans cesse de divorce, d’exil et de jugement même, pâlit sous son rouge et ne put s’empêcher de dire:
«Mais pourquoi cette visite, Sire? Que me dira M. le chancelier que Votre Majesté ne puisse me dire elle-même?»
Le roi tourna sur ses talons sans répondre, et presque au même instant le capitaine des gardes, M. de Guitaut, annonça la visite de M. le chancelier.
Lorsque le chancelier parut, le roi était déjà sorti par une autre porte.
Le chancelier entra demi-souriant, demi-rougissant. Comme nous le retrouverons probablement dans le cours de cette histoire, il n’y a pas de mal à ce que nos lecteurs fassent dès à présent connaissance avec lui.
Ce chancelier était un plaisant homme. Ce fut Des Roches le Masle, chanoine à Notre-Dame, et qui avait été autrefois valet de chambre du cardinal, qui le proposa à Son Éminence comme un homme tout dévoué. Le cardinal s’y fia et s’en trouva bien.
On racontait de lui certaines histoires, entre autres celle-ci:
Après une jeunesse orageuse, il s’était retiré dans un couvent pour y expier au moins pendant quelque temps les folies de l’adolescence.
Mais, en entrant dans ce saint lieu, le pauvre pénitent n’avait pu refermer si vite la porte, que les passions qu’il fuyait n’y entrassent avec lui. Il en était obsédé sans relâche, et le supérieur, auquel il avait confié cette disgrâce, voulant autant qu’il était en lui l’en garantir, lui avait recommandé pour conjurer le démon tentateur de recourir à la corde de la cloche et de sonner à toute volée. Au bruit dénonciateur, les moines seraient prévenus que la tentation assiégeait un frère, et toute la communauté se mettrait en prières.
Le conseil parut bon au futur chancelier. Il conjura l’esprit malin à grand renfort de prières faites par les moines; mais le diable ne se laisse pas déposséder facilement d’une place où il a mis garnison; à mesure qu’on redoublait les exorcismes, il redoublait les tentations, de sorte que jour et nuit la cloche sonnait à toute volée, annonçant l’extrême désir de mortification qu’éprouvait le pénitent.
Les moines n’avaient plus un instant de repos. Le jour, ils ne faisaient que monter et descendre les escaliers qui conduisaient à la chapelle; la nuit, outre complies et matines, ils étaient encore obligés de sauter vingt fois à bas de leurs lits et de se prosterner sur le carreau de leurs cellules.
On ignore si ce fut le diable qui lâcha prise ou les moines qui se lassèrent; mais, au bout de trois mois, le pénitent reparut dans le monde avec la réputation du plus terrible possédé qui eût jamais existé.
En sortant du couvent, il entra dans la magistrature, devint président à mortier à la place de son oncle, embrassa le parti du cardinal, ce qui ne prouvait pas peu de sagacité; devint chancelier, servit Son Éminence avec zèle dans sa haine contre la reine mère et sa vengeance contre Anne d’Autriche; stimula les juges dans l’affaire de Chalais, encouragea les essais de M. de Laffemas, grand gibecier de France; puis enfin, investi de toute la confiance du cardinal, confiance qu’il avait si bien gagnée, il en vint à recevoir la singulière commission pour l’exécution de laquelle il se présentait chez la reine.
La reine était encore debout quand il entra, mais à peine l’eut-elle aperçu, qu’elle se rassit sur son fauteuil et fit signe à ses femmes de se rasseoir sur leurs coussins et leurs tabourets, et, d’un ton de suprême hauteur:
«Que désirez-vous, monsieur, demanda Anne d’Autriche, et dans quel but vous présentez-vous ici?
– Pour y faire au nom du roi, madame, et sauf tout le respect que j’ai l’honneur de devoir à Votre Majesté, une perquisition exacte dans vos papiers.
– Comment, monsieur! une perquisition dans mes papiers… à moi! mais voilà une chose indigne!
– Veuillez me le pardonner, madame, mais, dans cette circonstance, je ne suis que l’instrument dont le roi se sert. Sa Majesté ne sort-elle pas d’ici, et ne vous a-t-elle pas invitée elle-même à vous préparer à cette visite?
– Fouillez donc, monsieur; je suis une criminelle, à ce qu’il paraît: Estefania, donnez les clefs de mes tables et de mes secrétaires.»