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Les Possedes

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Les Possedes
Название: Les Possedes
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Possedes - читать бесплатно онлайн , автор Dosto?evski Fedor Mikha?lovitch

«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.

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– Eh bien, si l’on peut se passer d’aller à l’hôtel, il faut pourtant expliquer la situation. Vous vous rappelez, Chatoff, que nous avons vécu maritalement ensemble à Genève pendant un peu plus de quinze jours; voilà trois ans que nous nous sommes séparés, à l’amiable du reste. Mais ne croyez pas que je sois revenue pour recommencer les sottises d’autrefois. Mon seul but est de chercher du travail, et si je me suis rendue directement dans cette ville, c’est parce que cela m’était égal. Ce n’est nullement le repentir qui me ramène auprès de vous, je vous prie de ne pas vous fourrer cette bêtise là dans la tête.

– Oh! Marie! C’est inutile, tout à fait inutile! murmura Chatoff.

Que voulait-il dire par ces mots?

– Eh bien, puisqu’il en est ainsi, puisque vous êtes assez développé pour comprendre cela, je me permettrai d’ajouter que si maintenant je m’adresse tout d’abord à vous, si je viens vous demander l’hospitalité, c’est en partie parce que je ne vous ai jamais considéré comme un drôle; loin de là, j’ai toujours pensé que vous valiez peut-être beaucoup mieux qu’un tas de… coquins!…

Ses yeux étincelèrent. Sans doute elle avait eu grandement à se plaindre de certains «coquins».

– Et veuillez être persuadé qu’en parlant de votre bonté je ne me moque nullement de vous. Je dis les choses carrément, sans y mettre d’éloquence; d’ailleurs, je ne puis pas souffrir les phrases. Mais tout cela est absurde. Je vous ai toujours supposé assez d’esprit pour ne pas trouver mauvais… Oh! assez, je n’en puis plus!

Et elle le regarda longuement, d’un air las. Debout à cinq pas d’elle, Chatoff l’avait écoutée timidement, mais il était comme rajeuni, son visage rayonnait d’un éclat inaccoutumé. Cet homme fort, rude, toujours hérissé, sentait son âme s’ouvrir tout à coup à la tendresse. En lui vibrait une corde nouvelle. Trois années de séparation n’avaient rien arraché de son cœur. Et peut-être chaque jour durant ces trois ans il avait rêvé à elle, à la chère créature qui lui avait dit autrefois: «Je t’aime.» Tel que j’ai connu Chatoff, je ne crois pas me tromper en affirmant que s’entendre adresser par une femme une parole d’amour devait lui paraître une impossibilité. Chaste et pudique jusqu’à la sauvagerie, il se considérait comme un jeu de la nature, détestait sa figure et son caractère, se faisait l’effet d’un de ces monstres que l’on promène dans les foires. En conséquence de tout cela, il n’estimait rien à l’égal de l’honnêteté, poussait jusqu’au fanatisme l’attachement à ses convictions, se montrait sombre, fier, irascible et peu communicatif. Mais voilà que cette créature unique qui pendant deux semaines l’avait aimé (il le crut toute sa vie!), – cet être dont il était loin d’ignorer les fautes et que néanmoins il avait toujours placé infiniment au-dessus de lui, cette femme à qui il pouvait tout pardonner (que dis-je? il lui semblait que lui-même avait tous les torts vis-à-vis d’elle), cette Marie Chatoff rentrait soudain chez lui, dans sa maison… c’était presque impossible à comprendre! Il n’en revenait pas; un tel événement lui paraissait si heureux qu’il n’osait y croire et que, le prenant pour un rêve, il avait peur de s’éveiller. Mais, lorsqu’elle le regarda avec cette expression de lassitude, il devina aussitôt que la bien-aimée créature souffrait, qu’elle était offensée peut-être. Le cœur défaillant, il se mit à l’examiner. Quoique le visage fatigué de Marie Chatoff eût depuis longtemps perdu la fraîcheur de la première jeunesse, elle était encore fort bien de sa personne, – son mari la trouva aussi belle qu’autrefois. C’était une femme de vingt-cinq ans, d’une complexion assez robuste et d’une taille au-dessus de la moyenne (elle était plus grande que Chatoff); son opulente chevelure châtain foncé faisait ressortir la pâleur de son visage ovale; ses grands yeux sombres brillaient maintenant d’un éclat fiévreux. Mais cet intrépidité étourdie, naïve et ingénue que son époux lui avait connue jadis était remplacée à présent par une irritabilité morose; désenchantée de tout, elle affectait une sorte de cynisme qui lui pesait à elle-même parce qu’elle n’en avait pas encore l’habitude. Ce qui surtout se remarquait en elle, c’était un état maladif. Chatoff en fut frappé. Malgré la crainte qu’il éprouvait en présence de sa femme, il se rapprocha brusquement d’elle et lui saisit les deux mains:

– Marie… tu sais… tu es peut-être très fatiguée, pour l’amour de Dieu ne te fâche pas… si tu consentais, par exemple, à prendre du thé, hein? Le thé fortifie, hein? Si tu consentais!…

– Pourquoi demander si je consens? Cela va sans dire; vous êtes aussi enfant que jamais. Si vous pouvez me donner du thé, donnez-m’en. Que c’est petit chez vous! Comme il fait froid ici!

– Oh! je vais tout de suite chercher du bois, j’en ai!… reprit Chatoff fort affairé; – du bois… c'est-à-dire, mais… du reste, il va aussi y avoir du thé tout de suite, ajouta-t-il avec un geste indiquant une résolution désespérée, et il prit vivement sa casquette.

– Où allez-vous donc? Ainsi vous n’avez pas de thé chez vous?

– Il y en aura, il y en aura, il y en aura, tout va être prêt tout de suite… je…

Il prit son revolver sur le rayon.

– Je vais à l’instant vendre ce revolver… ou le mettre en gage…

– Quelles bêtises, et comme ce sera long! Tenez, voilà mon porte-monnaie, puisque vous n’avez rien chez vous; il y a là huit grivnas, je crois; c’est tout ce que j’ai. On dirait qu’on est ici dans une maison de fous.

– C’est inutile, je n’ai pas besoin de ton argent, je reviens tout de suite, dans une seconde; je puis même me dispenser de vendre le revolver…

Et il courut tout droit chez Kiriloff. Cette visite eut lieu deux heures avant celle de Pierre Stépanovitch et de Lipoutine que j’ai racontée plus haut. Quoique habitant la même maison, Chatoff et Kiriloff ne se voyaient pas; quand ils se rencontraient dans la cour, ils n’échangeaient ni une parole ni même un salut: ils avaient trop longtemps couché ensemble en Amérique.

– Kiriloff, vous avez toujours du thé; y a-t-il chez vous du thé et un samovar?

L’ingénieur se promenait de long en large dans sa chambre, comme il avait l’habitude de le faire chaque nuit; il s’arrêta soudain et regarda fixement Chatoff, sans du reste témoigner trop de surprise.

– Il y a du thé, du sucre et un samovar. Mais vous n’avez pas besoin de samovar, le thé est chaud. Mettez-vous à table et buvez.

– Kiriloff, nous avons vécu ensemble en Amérique… Ma femme est arrivée chez moi… Je… Donnez-moi du thé… il faut un samovar.

– Si c’est pour votre femme, il faut un samovar. Mais le samovar après. J’en ai deux. Maintenant prenez la théière qui est sur la table. Le thé chaud, le plus chaud. Prenez du sucre, tout le sucre. Du pain… Beaucoup de pain; tout. Il y a du veau. Un rouble d’argent.

– Donne, ami, je te le rendrai demain! Ah! Kiriloff!

– C’est votre femme qui était en Suisse? C’est bien. Et vous avez bien fait aussi d’accourir chez moi.

– Kiriloff! s’écria Chatoff qui tenait la théière sous son bras tandis qu’il avait dans les mains le pain et le sucre, – Kiriloff! si… si vous pouviez renoncer à vos épouvantables fantaisies et vous défaire de votre athéisme… oh! quel homme vous seriez, Kiriloff!

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