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Les Possedes

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Les Possedes
Название: Les Possedes
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Possedes - читать бесплатно онлайн , автор Dosto?evski Fedor Mikha?lovitch

«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.

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Pierre Stépanovitch entra en fureur.

– Parle, as-tu vu aujourd’hui Stavroguine?

– Ne te permets jamais de me demander cela. M. Stavroguine est on ne peut plus étonné de tes inventions: non seulement il n’a pas organisé la chose et n’y a point contribué pécuniairement, mais il ne désirait même pas qu’elle eût lieu. Tu t’es joué de moi.

– Je vais te donner de l’argent, et, quand tu seras à Pétersbourg, je t’enverrai en une seule fois deux mille roubles, sans parler de ce que tu recevras encore après.

– Tu mens, mon très cher, et cela m’amuse de voir les illusions que tu te fais. M. Stavroguine est vis-à-vis de toi comme sur une échelle du haut de laquelle il te crache dessus, tandis que toi, en bas, tu aboies après lui, pareil à un chien stupide.

– Sais-tu, vaurien cria Pierre Stépanovitch exaspéré, – que je ne te laisserai pas sortir d’ici et que je vais incontinent te livrer à la police?

Fedka se dressa d’un bond, une lueur sinistre brillait dans ses yeux. Pierre Stépanovitch prit son revolver dans sa poche. La scène qui suivit fut aussi rapide que répugnante. Avant que Pierre Stépanovitch eût pu faire usage de son arme, Fedka se pencha vivement de côté, et de toute sa force le frappa au visage. Dans le même instant retentit un second coup non moins terrible que le premier, puis un troisième et un quatrième, tous assénés sur la joue. Étourdi par la violence de cette attaque, Pierre Stépanovitch ouvrit de grands yeux, grommela quelques mots inintelligibles et soudain s’abattit de tout son long sur le parquet.

– Voilà, prenez-le! cria Fedka triomphant; en un clin d’œil il saisit sa casquette, ramassa son paquet qui se trouvait sous un banc et détala. Des sons rauques sortaient de la poitrine de Pierre Stépanovitch; il avait perdu connaissance, et Lipoutine croyait même que c’en était fait de lui. Kiriloff accourut précipitamment à la cuisine.

– Il faut lui jeter de l’eau au visage! dit vivement l’ingénieur, et, puisant de l’eau dans un seau avec une jatte de fer, il la versa sur la tête de Pierre Stépanovitch. Celui-ci tressaillit et releva un peu la tête, puis il se mit sur son séant et regarda devant lui d’un air hébété.

– Eh bien, comment vous sentez-vous? demanda Kiriloff.

Pierre Stépanovitch n’avait pas encore recouvré l’usage de ses sens, il considéra longuement celui qui parlait. Mais, à la vue de Lipoutine, un sourire venimeux lui vint aux lèvres. Il se leva brusquement, ramassa son revolver resté sur le parquet et, blême de rage, s’élança sur Kiriloff.

– Si demain vous vous avisez de déguerpir, comme ce coquin de Stavroguine, articula-t-il d’une voix convulsive, – j’irai vous chercher à l’autre bout de la terre… je vous écraserai comme une mouche… vous comprenez!

Et il braqua son revolver sur le front de Kiriloff; mais, presque aussitôt, reprenant enfin possession de lui-même, il remit l’arme dans sa poche et s’esquiva sans ajouter un mot. Lipoutine se retira aussi. Tous deux se glissèrent hors de la maison par l’issue secrète que nous connaissons déjà. Une fois dans la rue, Pierre Stépanovitch commença à marcher d’un pas si rapide que son compagnon eut peine à le suivre. Arrivé au premier carrefour, il s’arrêta tout à coup.

– Eh bien? fit-il d’un ton de défi en se retournant vers Lipoutine.

Celui-ci songeait au revolver, et le souvenir de la scène précédente le faisait encore trembler de tous ses membres; mais la réponse jaillit de ses lèvres, pour ainsi dire, spontanément:

– Je pense… je pense que «de Smolensk à Tachkent on n’attend plus l’étudiant avec tant d’impatience».

– Et avez-vous vu ce que Fedka buvait à la cuisine?

– Ce qu’il buvait? c’était de la vodka.

– Eh bien, sachez qu’il a bu de la vodka pour la dernière fois de sa vie. Je vous prie de vous rappeler cela pour votre gouverne. Et maintenant allez-vous-en au diable, je n’ai plus besoin de vous d’ici à demain… Mais prenez garde à vous: pas de bêtise!

Lipoutine revint chez lui en toute hâte.

IV

Depuis longtemps il s’était muni d’un faux passeport. Chose qu’on aura peine à s’expliquer, cet homme aux instincts bourgeois, ce petit tyran domestique resté fonctionnaire nonobstant son fouriérisme, enfin ce capitaliste adonné à l’usure avait prévu de longue date qu’il pourrait avoir besoin de ce passeport pour filer à l’étranger, si… Il admettait la possibilité de ce si, quoique, bien entendu, il l’eût toujours fait suivre mentalement d’une ligne de points…

Mais maintenant l’énigmatique particule prenait soudain un sens précis. Une idée désespérée, ai-je dit, était venue à Lipoutine pendant qu’il se rendait chez Kiriloff, après s’être entendu traiter d’imbécile par Pierre Stépanovitch: cette idée, c’était de planter là tout et de partir pour l’étranger le lendemain à la première heure! Celui qui, en lisant ces lignes, serait tenté de crier à l’exagération, n’a qu’à consulter la biographie de tous les réfugiés russes: pas un n’a émigré dans des conditions moins fantastiques.

De retour chez lui, il commença par s’enfermer dans sa chambre, ensuite il procéda fiévreusement à ses préparatifs de départ. Sa principale préoccupation, c’était la somme d’argent à emporter. Quant au voyage, il n’était pas encore fixé sur la manière dont il l’entreprendrait, il songeait vaguement à aller prendre le train à la seconde ou à la troisième station avant notre ville, dût-il faire la route à pied jusque-là. Tout en roulant ces pensées dans sa tête, il empaquetait machinalement ses effets, quand soudain il interrompit sa besogne, poussa un profond soupir et s’étendit sur le divan.

Il sentait tout à coup, il s’avouait clairement que sans doute il prendrait la fuite, mais qu’il ne lui appartenait plus de décider si ce serait avant ou après l’affaire de Chatoff; qu’il était maintenant un corps brut, une masse inerte mue par une force étrangère; qu’enfin, bien qu’ayant toute facilité de s’enfuir avant le meurtre de Chatoff, il ne partirait qu’après. Jusqu’au lendemain matin il resta en proie à une angoisse insupportable, tremblant, gémissant, ne se comprenant pas lui-même. À onze heures, lorsqu’il quitta son appartement, les gens de la maison lui firent part d’une nouvelle qui courait déjà toute la ville: le fameux Fedka, la terreur de la contrée, le forçat évadé que la police recherchait en vain depuis si longtemps, avait été trouvé assassiné le matin à sept verstes de la ville, au point de jonction de la grande route avec le chemin conduisant à Zakharino. Avide d’en savoir davantage, Lipoutine sortit immédiatement de chez lui et alla aux informations; il apprit bientôt que Fedka avait été trouvé avec la tête fracassée, et que tous les indices donnaient à penser qu’on l’avait dévalisé; d’après les renseignements recueillis par la police, le meurtrier devait être un ouvrier de l’usine Chpigouline, un certain Femka qui avait pris part conjointement avec le galérien à l’incendie de la demeure des Lébiadkine et à l’assassinat de ceux-ci: sans doute une querelle s’était élevée entre les deux scélérats pour le partage du butin… Lipoutine courut au logement de Pierre Stépanovitch et questionna les gens de service; ils lui dirent que leur maître, rentré chez lui à une heure du matin, avait dormi fort paisiblement jusqu’à huit heures. Certes, rien ne pouvait paraître extraordinaire dans la mort de Fedka, c’était en quelque sorte le dénouement naturel d’une existence de brigand. Mais, la veille, Pierre Stépanovitch avait dit «Fedka a bu de la vodka pour la dernière fois de sa vie»: comment ne pas rapprocher cette parole de l’événement qui l’avait suivie de si près? Frappé d’une telle coïncidence, Lipoutine n’hésita plus. Rentré chez lui, il poussa du pied son sac de voyage sous son lit, et, le soir, à l’heure fixée, il se trouva le premier à l’endroit où l’on devait se rencontrer avec Chatoff: à la vérité, il avait toujours son passeport dans sa poche…

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