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Les Possedes

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Les Possedes
Название: Les Possedes
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Possedes - читать бесплатно онлайн , автор Dosto?evski Fedor Mikha?lovitch

«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.

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Il m’écouta en inclinant la tête, mais sans paraître rien comprendre. Nous nous arrêtâmes sur le seuil.

– Cher, dit-il en me montrant la lampe allumée dans le coin, cher, je n’ai jamais cru à cela, mais… soit, soit! (Il se signa.) Allons.

– «Au fait, cela vaut mieux», pensai-je, comme nous nous approchions du perron, – «l’air frais lui fera du bien, il se calmera un peu, rentrera chez lui et se couchera…»

Mais je comptais sans mon hôte. En chemin nous arriva une aventure qui acheva de bouleverser mon malheureux ami…

CHAPITRE X LES FLIBUSTIERS. UNE MATINÉE FATALE.

I

Une heure avant que je sortisse avec Stépan Trophimovitch, on vit non sans surprise défiler dans les rues de notre ville une bande de soixante-dix ouvriers au moins, appartenant à la fabrique de Chpigouline, qui en comptait environ neuf cents. Ils marchaient en bon ordre, presque silencieusement. Plus tard on a prétendu que ces soixante-dix hommes étaient les mandataires de leurs camarades, qu’ils avaient été choisis pour aller trouver le gouverneur et lui demander justice contre l’intendant qui, en l’absence des patrons, avait fermé l’usine et volé effrontément le personnel congédié. D’autres chez nous se refusent à admettre que les soixante-dix aient été délégués par l’ensemble des travailleurs de la fabrique, ils soutiennent qu’une députation comprenant soixante-dix membres n’aurait pas eu le sens commun. À en croire les partisans de cette opinion, la bande se composait tout bonnement des ouvriers qui avaient le plus à se plaindre de l’intendant, et qui s’étaient réunis pour porter au gouverneur leurs doléances particulières et non celles de toute l’usine. Dans l’hypothèse que je viens d’indiquer, la «révolte» générale de la fabrique, dont on a tant parlé depuis, n’aurait été qu’une intervention de nouvellistes. Enfin, suivant une troisième version, il faudrait voir dans la manifestation ouvrière non le fait de simples tapageurs, mais un mouvement politique provoqué par des écrits clandestins. Bref, on ne sait pas encore au juste si les excitations des nihilistes ont été pour quelque chose dans cette affaire. Mon sentiment personnel est que les ouvriers n’avaient pas lu les proclamations, et que, les eussent-ils lues, ils n’en auraient pas compris un mot, attendu que les rédacteurs de ces papiers, nonobstant la crudité de leur style, écrivent d’une façon extrêmement obscure. Mais les ouvriers de la fabrique se trouvant réellement lésés, et la police à qui ils s’étaient adressés d’abord refusant d’intervenir en leur faveur, il est tout naturel qu’ils aient songé à se rendre en masse auprès du «général lui-même» pour lui exposer respectueusement leurs griefs. Selon moi, on n’avait affaire ici ni à des séditieux, ni même à une députation élue, mais à des gens qui suivaient une vieille tradition russe: de tout temps, en effet, notre peuple a aimé les entretiens avec le «général lui-même», bien qu’il n’ait jamais retiré aucun avantage de ces colloques.

Des indices sérieux donnent à penser que Pierre Stépanovitch, Lipoutine et peut-être encore un autre, sans compter Fedka, avaient cherché au préalable à se ménager des intelligences dans l’usine; mais je tiens pour certain qu’ils ne s’abouchèrent pas avec plus de deux ou trois ouvriers, mettons cinq, si l’on veut, et que ces menées n’aboutirent à aucun résultat. La propagande des agitateurs ne pouvait guère être comprise dans un pareil milieu. Fedka, il est vrai, semble avoir mieux réussi que Pierre Stépanovitch. Il est prouvé aujourd’hui que deux hommes de la fabrique prirent part, conjointement avec le galérien, à l’incendie de la ville survenu trois jours plus tard; un mois après, on a aussi arrêté dans le district trois anciens ouvriers de l’usine sous l’inculpation d’incendie et de pillage. Mais ces cinq individus paraissent être les seuls qui aient prêté l’oreille aux instigations de Fedka.

Quoi qu’il en soit, arrivés sur l’esplanade qui s’étend devant la maison du gouverneur, les ouvriers se rangèrent silencieusement vis-à-vis du perron; ensuite ils attendirent bouche béante. On m’a dit qu’à peine en place ils avaient ôté leurs bonnets, et cela avant l’apparition de Von Lembke, qui, comme par un fait exprès, ne se trouvait pas chez lui en ce moment. La police se montra bientôt, d’abord par petites escouades, puis au grand complet. Comme toujours, elle commença par sommer les manifestants de se disperser. Ils n’en firent rien, et répondirent laconiquement qu’ils avaient à parler au «général lui-même»; leur attitude dénotait une résolution énergique; le calme dont ils ne se départaient point, et qui semblait l’effet d’un mot d’ordre, inquiéta l’autorité. Le maître de police crut devoir attendre l’arrivée de Von Lembke. Les faits et gestes de ce personnage ont été racontés de la façon la plus fantaisiste. Ainsi, il est absolument faux qu’il ait fait venir la troupe baïonnette au fusil, et qu’il ait télégraphié quelque part pour demander de l’artillerie et des Cosaques. Ce sont des fables dont se moquent à présent ceux même qui les ont inventées. Non moins absurde est l’histoire des pompes à incendie, avec lesquelles on aurait douché la foule. Ce qui a pu donner naissance à ce bruit, c’est qu’Ilia Ilitch, fort échauffé, criait aux ouvriers: «Pas un de vous ne sortira sec de l’eau [25].» De là sans doute la légende des pompes à incendie, qui a trouvé un écho dans les correspondances adressées aux journaux de la capitale. En réalité, le maître de police se borna à faire cerner le rassemblement par tout ce qu’il avait d’hommes disponibles, et à dépêcher au gouverneur le commissaire du premier arrondissement; celui-ci monta dans le drojki d’Ilia Ilitch et partit en tout hâte pour Skvorechniki, sachant qu’une demi-heure auparavant Von Lembke s’était mis en route dans cette direction…

Mais un point, je l’avoue, reste encore obscur pour moi: comment transforma-t-on tout d’abord une paisible réunion de solliciteurs en une émeute menaçante pour l’ordre social? Comment Lembke lui-même, qui arriva au bout de vingt minutes, adopta-t-il d’emblée cette manière de voir? Je présume (mais c’est encore une opinion personnelle) qu’Ilia Ilitch, acquis aux intérêts de l’intendant, présenta exprès au gouverneur la situation sous un jour faux pour l’empêcher d’examiner sérieusement les réclamations des ouvriers. L’idée de donner le change à son supérieur fut sans doute suggérée au maître de police par André Antonovitch lui-même. La veille et l’avant-veille, dans deux entretiens confidentiels que ce dernier avait eus avec son subordonné, il s’était montré fort préoccupé des proclamations et très disposé à admettre l’existence d’un complot tramé par les nihilistes avec les ouvriers de l’usine Chpigouline; il semblait même que Son Excellence aurait été désolée si l’événement avait donné tort à ses conjectures. «Il veut attirer sur lui l’attention du ministère», se dit notre rusé Ilia Ilitch en sortant de chez le gouverneur; «eh bien cela tombe à merveille.»

Mais je suis persuadé que le pauvre André Antonovitch n’aurait pas désiré une émeute, même pour avoir l’occasion de se distinguer. C’était un fonctionnaire extrêmement consciencieux, et jusqu’à son mariage il avait été irréprochable. Était-ce même sa faute, à cet Allemand simple et modeste, si une princesse quadragénaire l’avait élevé jusqu’à elle? Je sais à peu près positivement que de cette matinée fatale datent les premiers symptômes irrécusables du dérangement intellectuel pour lequel l’infortuné Von Lembke suit aujourd’hui un traitement dans un établissement psychiatrique de la Suisse; mais on peut supposer que, la veille déjà, l’altération de ses facultés mentales s’était manifestée par certains signes. Je tiens de bonne source que la nuit précédente, à trois heures du matin, il se rendit dans l’appartement de sa femme, la réveilla et la somma d’entendre «son ultimatum». Il parlait d’un ton si impérieux que Julie Mikhaïlovna dut obéir; elle se leva indignée, s’assit sur une couchette sans prendre le temps de défaire ses papillotes, et s’apprêta à écouter d’un air sarcastique. Alors, pour la première fois, elle comprit dans quel état d’esprit se trouvait André Antonovitch, et elle s’en effraya à part soi. Mais, au lieu de rentrer en elle-même, de s’humaniser, elle affecta de se montrer plus intraitable que jamais. Chaque femme a sa manière de mettre son mari à la raison. Le procédé de Julie Mikhaïlovna consistait dans un dédaigneux silence qu’elle observait pendant une heure, deux heures, vingt-quatre heures, parfois durant trois jours; André Antonovitch pouvait dire ou faire tout ce qu’il voulait, menacer même de se jeter par la fenêtre d’un troisième étage, sa femme n’ouvrait pas la bouche, – pour un homme sensible il n’y a rien d’insupportable comme un pareil mutisme! La gouvernante était-elle fâchée contre un époux qui, non content d’accumuler depuis quelques jours bévues sur bévues, prenait ombrage des capacités administratives de sa femme? Avait-elle sur le cœur les reproches qu’il lui avait adressés au sujet de sa conduite avec les jeunes gens et avec toute notre société, sans comprendre les hautes et subtiles considérations politiques dont elle s’inspirait? Se sentait-elle offensée de la sotte jalousie qu’il témoignait à l’égard de Pierre Stépanovitch? Quoi qu’il en soit, maintenant encore Julie Mikhaïlovna résolut de tenir rigueur à son mari, nonobstant l’agitation inaccoutumée à laquelle elle le voyait en proie.

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