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Les Possedes

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Les Possedes
Название: Les Possedes
Дата добавления: 16 январь 2020
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Les Possedes - читать бесплатно онлайн , автор Dosto?evski Fedor Mikha?lovitch

«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.

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– Hein? Quoi? fit Von Lembke en tournant vers le commissaire de police un visage sévère, mais sans manifester le moindre étonnement; il semblait se croire dans son cabinet, et avoir perdu tout souvenir de la voiture et du cocher.

– Le commissaire de police du premier arrondissement, Flibustiéroff, Excellence. Il y a une émeute en ville.

– Des flibustiers? demanda André Antonovitch songeur.

– Précisément, Excellence. Les ouvriers de la fabrique des Chpigouline sont en insurrection.

– Les ouvriers des Chpigouline!

Ces mots parurent lui rappeler quelque chose. Il frissonna même et porta le doigt à son front: «Les ouvriers des Chpigouline!» Silencieux, mais toujours songeur, il regagna lentement sa calèche, y monta et se fit conduire à la ville. Le commissaire de police le suivit en drojki.

J’imagine que nombre de choses fort intéressantes se présentèrent, durant la route, à la pensée du gouverneur, toutefois c’est bien au plus s’il avait pris une décision quelconque lorsqu’il arriva sur la place située devant sa demeure. Mais tout son sang reflua vers son cœur dès qu’il eût vu le groupe résolu des «émeutiers», le cordon des sergents de ville, le désarroi (peut-être plus apparent que réel) du maître de police, enfin l’attente qui se lisait dans tous les regards fixés sur lui. Il était livide en descendant de voiture.

– Découvrez-vous! dit-il d’une voix étranglée et presque inintelligible. – À genoux! ajouta-t-il avec un emportement qui fut une surprise pour tout le monde et peut-être pour lui-même. Toute sa vie André Antonovitch s’était distingué par l’égalité de son caractère, jamais on ne l’avait vu tempêter contre personne, mais ces gens calmes sont les plus à craindre, si par hasard quelque chose les met hors des gonds. Tout commençait à tourner autour de lui.

– Flibustiers! vociféra-t-il; après avoir proféré cette exclamation insensée, il se tut et resta là, ignorant encore ce qu’il ferait, mais sachant et sentant dans tout son être qu’il allait immédiatement faire quelque chose.

– «Seigneur!» entendit-on dans la foule. Un gars se signa, trois ou quatre hommes voulurent se mettre à genoux, mais tous les autres firent trois pas en avant et soudain remplirent l’air de leurs cris: «Votre Excellence… on nous a engagés à raison de quarante… l’intendant… tu ne peux pas dire…» etc., etc. Il était impossible de découvrir un sens à ces clameurs confuses.

D’ailleurs, André Antonovitch n’aurait rien pu y comprendre: le malheureux avait toujours les fleurs dans ses mains. L’émeute était évidente pour lui comme la kibitka l’avait été tout à l’heure pour Stépan Trophimovitch. Et dans la foule des «émeutiers» qui le regardaient en ouvrant de grands yeux il croyait voir aller et venir le «Boute-en-train» du désordre, Pierre Stépanovitch dont la pensée ne l’avait pas quitté un seul instant depuis la veille, – l’exécré Pierre Stépanovitch…

– Des verges! cria-t-il brusquement.

Ces mots furent suivis d’un silence de mort.

La relation qui a précédé a été écrite d’après les informations les plus exactes. Pour la suite, mes renseignements ne sont pas aussi précis. Cependant on possède certains faits.

D’abord, les verges firent leur apparition trop vite; évidemment elles avaient été tenues en réserve, à tout hasard, par le prévoyant maître de police. Du reste, on ne fouetta pas plus de deux ou trois ouvriers. J’insiste sur ce point, car le bruit a couru que tous les manifestants ou du moins la moitié d’entre eux avaient été fustigés. Ce n’est pas le seul canard qui, de notre ville, se soit envolé dans les gazettes pétersbourgeoises. On a beaucoup parlé chez nous de l’aventure prétendument arrivée à une pensionnaire d’un hospice, Avdotia Pétrovna Tarapyguine: cette dame, pauvre, mais noble, était sortie, disait-on, pour aller faire des visites; en passant sur la place elle se serait écrié avec indignation: «Quelle honte!» sur quoi, on l’aurait arrêtée et fouettée. Non seulement l’histoire a été mise dans les journaux, mais encore on a organisé en ville une souscription au profit de la victime pour protester contre les agissements de la police. J’ai moi-même souscrit pour vingt kopeks. Eh bien, il est prouvé maintenant que cette dame Tarapyguine est un mythe! Je suis allé m’informer à l’hospice où elle était censée habiter, et l’on m’a répondu que l’établissement n’avait jamais eu aucune pensionnaire de ce nom.

Dès que nous fûmes arrivés sur la place, Stépan Trophimovitch échappa, je ne sais comment, à ma surveillance. Ne pressentant rien de bon, je voulais l’empêcher de traverser la foule, et mon intention était de le conduire chez le gouverneur en lui faisant faire le tour de la place. Mais, poussé par la curiosité, je m’arrêtai une minute pour questionner un badaud, et quand ensuite je promenai mes yeux autour de moi, je n’aperçus plus Stépan Trophimovitch. Instinctivement je me mis tout de suite à le chercher dans l’endroit le plus dangereux; je devinais que lui aussi était hors de ses gonds. Je le découvris en effet au beau milieu de la bagarre. Je me rappelle que je le saisis par le bras, mais il me regarda avec une dignité calme et imposante:

– Cher, dit-il d’une voix où vibrait une corde prête à se briser, – si, ici, sur la place, devant nous, ils procèdent avec un tel sans gêne, qu’attendre de ce… dans le cas où il agirait sans contrôle?

Et, tremblant d’indignation, il montra avec un geste de défi le commissaire de police qui, debout à deux pas, nous faisait de gros yeux.

– De ce! s’écria Flibustiéroff, ivre de colère. – Ce, quoi? Et toi, qui es-tu? En prononçant ces mots, il fermait les poings et s’avançait vers nous. – Qui es-tu? répéta-t-il avec rage. (Je noterai que le visage de Stépan Trophimovitch était loin de lui être inconnu.) Encore un moment, et sans doute il aurait pris au collet mon audacieux compagnon; par bonheur, Lembke tourna la tête de notre côté en entendant crier le commissaire de police. Le gouverneur attacha sur Stépan Trophimovitch un regard indécis, mais attentif, comme s’il eût cherché à recueillir ses idées, puis il fit tout à coup un geste d’impatience. Flibustiéroff ne dit plus mot. J’entraînai Stépan Trophimovitch hors de la foule. Du reste, lui-même peut-être avait envie de battre en retraite.

– Rentrez chez vous, rentrez chez vous, insistai-je, – si l’on ne nous a pas battus, c’est sans doute grâce à Lembke.

– Allez-vous en, mon ami, je me reproche de vous faire courir des dangers. Vous êtes jeune, vous avez de l’avenir; moi, mon heure a sonné.

Il monta d’un pas ferme le perron de la maison du gouverneur. Le suisse me connaissait, je lui dis que nous nous rendions tous deux chez Julie Mikhaïlovna. Nous attendîmes dans le salon de réception. Je ne voulais pas abandonner mon ami, mais je jugeais inutile de lui faire encore des observations. Il avait l’air d’un homme qui se prépare à accomplir le sacrifice de Décius. Nous nous assîmes non à côté l’un de l’autre, mais chacun dans un coin différent, moi tout près de la porte d’entrée, lui du côté opposé. Tenant dans sa main gauche son chapeau à larges bords, il inclinait pensivement la tête et appuyait ses deux mains sur la pomme de sa canne. Nous restâmes ainsi pendant dix minutes.

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