Les Possedes
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«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.
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– Et personne ici ne l’a jamais été, déclarèrent nombre de voix. – Inutile de questionner, tous répondront de même. Il n’y a pas ici de délateurs!
– Pourquoi ce monsieur se lève-t-il? cria l’étudiante.
– C’est Chatoff. Pourquoi vous êtes-vous levé, Chatoff? demanda madame Virguinsky.
Chatoff s’était levé en effet, il tenait sa chapka à la main et regardait Verkhovensky. On aurait dit qu’il voulait lui parler, mais qu’il hésitait. Son visage était pâle et irrité. Il se contint toutefois, et, sans proférer un mot, se dirigea vers la porte.
– Cela ne sera pas avantageux pour vous, Chatoff! lui cria Pierre Stépanovitch.
Chatoff s’arrêta un instant sur le seuil:
– En revanche, un lâche et un espion comme toi en fera son profit! vociféra-t-il en réponse à cette menace obscure, après quoi il sortit.
Ce furent de nouveaux cris et des exclamations.
– L’épreuve est faite!
– Elle n’était pas inutile!
– N’est-elle pas venue trop tard?
– Qui est-ce qui l’a invité? – Qui est-ce qui l’a laissé entrer? – Qui est-il? – Qu’est-ce que ce Chatoff? – Dénoncera-t-il ou ne dénoncera-t-il pas?
On n’entendait que des questions de ce genre.
– S’il était un dénonciateur, il aurait caché son jeu au lieu de s’en aller, comme il l’a fait, en lançant un jet de salive, observa quelqu’un.
– Voilà aussi Stavroguine qui se lève. Stavroguine n’a pas répondu non plus à la question, cria l’étudiante.
Effectivement, Stavroguine s’était levé, et aussi Kiriloff, qui se trouvait à l’autre bout de la table.
– Permettez, monsieur Stavroguine, dit d’un ton roide Arina Prokhorovna, – tous ici nous avons répondu à la question, tandis que vous vous en allez sans rien dire?
– Je ne vois pas la nécessité de répondre à la question qui vous intéresse, murmura Nicolas Vsévolodovitch.
– Mais nous nous sommes compromis, et vous pas, crièrent quelques uns.
– Et que m’importe que vous vous soyez compromis? répliqua Stavroguine en riant, mais ses yeux étincelaient.
– Comment, que vous importe? Comment, que vous importe? s’exclama-t-on autour de lui. Plusieurs se levèrent précipitamment.
– Permettez, messieurs, permettez, dit très haut le boiteux, – M. Verkhovensky n’a pas répondu non plus à la question, il s’est contenté de la poser.
Cette remarque produisit un effet extraordinaire. Tout le monde se regarda. Stavroguine éclata de rire au nez du boiteux et sortit, Kiriloff le suivit. Verkhovensky s’élança sur leurs pas et les rejoignit dans l’antichambre.
– Que faites-vous de moi? balbutia-t-il en saisissant la main de Nicolas Vsévolodovitch qu’il serra de toutes ses forces. Stavroguine ne répondit pas et dégagea sa main.
– Allez tout de suite chez Kiriloff, j’irai vous y retrouver… Il le faut pour moi, il le faut!
– Pour moi ce n’est pas nécessaire, répliqua Stavroguine.
– Stavroguine y sera, décida Kiriloff. – Stavroguine, cela est nécessaire pour vous. Je vous le prouverai quand vous serez chez moi.
Ils sortirent.
CHAPITRE VIII LE TZAREVITCH IVAN.
Le premier mouvement de Pierre Stépanovitch fut de retourner à la «séance» pour y rétablir l’ordre, mais, jugeant que cela n’en valait pas la peine, il planta là tout, et, deux minutes après, il volait sur les traces de ceux qui venaient de partir. En chemin il se rappela un péréoulok qui abrégeait de beaucoup sa route; enfonçant dans la boue jusqu’aux genoux, il prit cette petite rue et arriva à la maison Philippoff au moment même où Stavroguine et Kiriloff pénétraient sous la grand’porte.
– Vous êtes déjà ici? observa l’ingénieur; – c’est bien. Entrez.
– Comment donc disiez-vous que vous viviez seul? demanda Stavroguine qui, en passant dans le vestibule, avait remarqué un samovar en train de bouillir.
– Vous verrez tout à l’heure avec qui je vis, murmura Kiriloff, – entrez.
– Dès qu’ils furent dans la chambre, Verkhovensky tira de sa poche la lettre anonyme qu’il avait emportée tantôt de chez Lembke, et la mit sous les yeux de Stavroguine. Tous trois s’assirent. Nicolas Vsévolodovitch lut silencieusement la lettre.
– Eh bien? demanda-t-il.
– Ce que ce gredin écrit, il le fera, expliqua Pierre Stépanovitch. – Puisqu’il est dans votre dépendance, apprenez-lui comment il doit se comporter. Je vous assure que demain peut-être il ira chez Lembke.
– Eh bien, qu’il y aille.
– Comment, qu’il y aille? Il ne faut pas tolérer cela, surtout si l’on peut l’empêcher.
– Vous vous trompez, il ne dépend pas de moi. D’ailleurs, cela m’est égal; moi, il ne me menace nullement, c’est vous seul qui êtes visé dans sa lettre.
– Vous l’êtes aussi.
– Je ne crois pas.
– Mais d’autres peuvent ne pas vous épargner, est-ce que vous ne comprenez pas cela? Écoutez, Stavroguine, c’est seulement jouer sur les mots. Est-il possible que vous regardiez à la dépense?
– Est-ce qu’il faut de l’argent?
– Assurément, deux mille roubles ou, au minimum, quinze cents. Donnez-les moi demain ou même aujourd’hui, et demain soir je vous l’expédie à Pétersbourg; du reste, il a envie d’y aller. Si vous voulez, il partira avec Marie Timoféievna, notez cela.
Pierre Stépanovitch était fort troublé, il ne surveillait plus son langage, et des paroles inconsidérées lui échappaient. Stavroguine l’observait avec étonnement.
– Je n’ai pas de raison pour éloigner Marie Timoféievna.
– Peut-être même ne voulez-vous pas qu’elle s’en aille? dit avec un sourire ironique Pierre Stépanovitch.
– Peut-être que je ne le veux pas.
Verkhovensky perdit patience et se fâcha.
– En un mot, donnerez-vous l’argent ou ne le donnerez-vous pas? demanda-t-il en élevant la voix comme s’il eût parlé à un subordonné. Nicolas Vsévolodovitch le regarda sérieusement.
– Je ne le donnerai pas.
– Eh! Stavroguine! Vous savez quelque chose, ou vous avez déjà donné de l’argent! Vous… vous amusez!
Le visage de Pierre Stépanovitch s’altéra, les coins de sa bouche s’agitèrent, et tout à coup il partit d’un grand éclat de rire qui n’avait aucune raison d’être.