Les Possedes
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«Est-il possible de croire? S?rieusement et effectivement? Tout est l?.» Stavroguine envo?te tous ceux qui l'approchent, hommes ou femmes. Il ne trouve de limite ? son immense orgueil que dans l'existence de Dieu. Il la nie et tombe dans l'absurdit? de la libert? pour un homme seul et sans raison d'?tre. Tous les personnages de ce grand roman sont poss?d?s par un d?mon, le socialisme ath?e, le nihilisme r?volutionnaire ou la superstition religieuse. Ignorant les limites de notre condition, ces id?ologies sont incapables de rendre compte de l'homme et de la soci?t? et appellent un terrorisme destructeur. Sombre trag?die d'amour et de mort, «Les Poss?d?s» sont l'incarnation g?niale des doutes et des angoisses de Dosto?evski sur l'avenir de l'homme et de la Russie. D?s 1870, il avait pressenti les dangers du totalitarisme au XXe si?cle.
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– Je suis positivement d’avis qu’on le traverse à toute vapeur! cria le collégien dans un transport d’enthousiasme.
– Moi aussi, opina Liamchine.
– Naturellement le choix ne peut être douteux, murmura un officier; un autre en dit autant, puis un troisième. L’assemblée, dans son ensemble, était surtout frappée de ce fait que Verkhovensky avait promis des «communications».
– Messieurs, je vois que presque tous se décident dans le sens des proclamations, dit-il en parcourant des yeux la société.
– Tous, tous! crièrent la plupart des assistants.
– J’avoue que je suis plutôt partisan d’une solution humaine, déclara le major, – mais comme l’unanimité est acquise à l’opinion contraire, je me range à l’avis de tous.
Pierre Stépanovitch s’adressa au boiteux:
– Alors, vous non plus, vous ne faites pas d’opposition?
– Ce n’est pas que je… balbutia en rougissant l’interpellé, – mais si j’adhère maintenant à l’opinion qui a rallié tous les suffrages, c’est uniquement pour ne pas rompre…
– Voilà comme vous êtes tous! Des gens qui discuteraient volontiers six mois durant pour faire de l’éloquence libérale, et qui, en fin de compte, votent avec tout le monde! Messieurs, réfléchissez pourtant, est-il vrai que vous soyez tous prêts?
(Prêts à quoi? la question était vague, mais terriblement captieuse.)
– Sans doute, tous…
Du reste, tout en répondant de la sorte, les assistants ne laissaient pas de se regarder les uns les autres.
– Mais peut-être qu’après vous m’en voudrez d’avoir obtenu si vite votre consentement? C’est presque toujours ainsi que les choses se passent avec vous.
L’assemblée était fort émue, et des courants divers commençaient à s’y dessiner. Le boiteux livra un nouvel assaut à Verkhovensky.
– Permettez-moi, cependant, de vous faire observer que les réponses à de semblables questions sont conditionnelles. En admettant même que nous ayons donné notre adhésion, remarquez pourtant qu’une question posée d’une façon si étrange…
– Comment, d’une façon étrange?
– Oui, ce n’est pas ainsi qu’on pose de pareilles questions.
– Alors, apprenez-moi, s’il vous plaît, comment on les pose. Mais, vous savez, j’étais sûr que vous vous rebifferiez en premier.
– Vous avez tiré de nous une réponse attestant que nous sommes prêts à une action immédiate. Mais, pour en user ainsi, quels droits aviez-vous? Quels pleins pouvoirs vous autorisaient à poser de telles questions?
– Vous auriez dû demander cela plus tôt. Pourquoi donc avez-vous répondu? Vous avez consenti, et maintenant vous vous ravisez.
– La franchise étourdie avec laquelle vous avez posé votre principale question me donne à penser que vous n’avez ni droits, ni pleins pouvoirs, et que vous avez simplement satisfait une curiosité personnelle.
– Mais qu’est-ce qui vous fait dire cela? Pourquoi parlez-vous ainsi? répliqua Pierre Stépanovitch, qui, semblait-il, commençait à être fort inquiet.
– C’est que, quand on pratique des affiliations, quelles qu’elles soient, on fait cela du moins en tête-à-tête et non dans une société de vingt personnes inconnues les unes aux autres! lâcha tout net le professeur. Emporté par la colère, il mettait les pieds dans le plat. Verkhovensky, l’inquiétude peinte sur le visage, se retourna vivement vers l’assistance:
– Messieurs, je considère comme un devoir de déclarer à tous que ce sont là des sottises, et que notre conversation a dépassé la mesure. Je n’ai encore affilié absolument personne, et nul n’a le droit de dire que je pratique des affiliations, nous avons simplement exprimé des opinions. Est-ce vrai? Mais, n’importe, vous m’alarmez, ajouta-t-il en s’adressant au boiteux: – je ne pensais pas qu’ici le tête-à-tête fût nécessaire pour causer de choses si innocentes, à vrai dire. Ou bien craignez-vous une dénonciation? Se peut-il que parmi nous il y ait en ce moment un mouchard?
Une agitation extraordinaire suivit ces paroles; tout le monde se mit à parler en même temps.
– Messieurs, s’il en est ainsi, poursuivit Pierre Stépanovitch, – je me suis plus compromis qu’aucun autre; par conséquent, je vous prie de répondre à une question, si vous le voulez bien, s’entend. Vous êtes parfaitement libres.
– Quelle question? quelle question? cria-t-on de toutes parts.
– Une question après laquelle on saura si nous devons rester ensemble ou prendre silencieusement nos chapkas et aller chacun de son côté.
– La question, la question?
– Si l’un de vous avait connaissance d’un assassinat politique projeté, irait-il le dénoncer, prévoyant toutes les conséquences, ou bien resterait-il chez lui à attendre les événements? Sur ce point les manières de voir peuvent être différentes. La réponse à la question dira clairement si nous devons nous séparer ou rester ensemble, et pas seulement durant cette soirée. Permettez-moi de m’adresser d’abord à vous, dit-il au boiteux.
– Pourquoi d’abord à moi?
– Parce que c’est vous qui avez donné lieu à l’incident. Je vous en prie, ne biaisez pas, ici les faux-fuyants seraient inutiles. Mais, du reste, ce sera comme vous voudrez; vous êtes parfaitement libre.
– Pardonnez-moi, mais une semblable question est offensante.
– Permettez, ne pourriez-vous pas répondre un peu plus nettement?
– Je n’ai jamais servi dans la police secrète, dit le boiteux, cherchant toujours à éviter une réponse directe.
– Soyez plus précis, je vous prie, ne me faites pas attendre.
Le boiteux fut si exaspéré qu’il cessa de répondre. Silencieux, il regardait avec colère par-dessous ses lunettes le visage de l’inquisiteur.
– Un oui ou un non? Dénonceriez-vous ou ne dénonceriez-vous pas? cria Verkhovensky.
– Naturellement je ne dénoncerais pas! cria deux fois plus fort le boiteux.
– Et personne ne dénoncera, sans doute, personne! firent plusieurs voix.
– Permettez-moi de vous interroger, monsieur le major, dénonceriez-vous ou ne dénonceriez-vous pas? poursuivit Pierre Stépanovitch. – Et, remarquez, c’est exprès que je m’adresse à vous.
– Je ne dénoncerais pas.
– Mais si vous saviez qu’un autre, un simple mortel, fût sur le point d’être volé et assassiné par un malfaiteur, vous préviendriez la police, vous dénonceriez?
– Sans doute, parce qu’ici ce serait un crime de droit commun, tandis que dans l’autre cas, il s’agirait d’une dénonciation politique. Je n’ai jamais été employé dans la police secrète.