Les trois mousquetaires
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On ne pr?sente pas Les Trois Mousquetaires. Ce roman, ?crit en 1844, est en effet le plus c?l?bre de Dumas. Rappelons simplement qu’il s’agit du premier d’une trilogie, les deux suivants ?tant Vingt ans apr?s et Le vicomte de Bragelonne.
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– Bon! dit Athos, bon! oui, mon cher Aramis! nous savons que vos vœux tendent à la religion.
– Je ne suis mousquetaire que par intérim, dit humblement Aramis.
– Il paraît qu’il y a longtemps qu’il n’a reçu des nouvelles de sa maîtresse, dit tout bas Athos; mais ne faites pas attention, nous connaissons cela.
– Eh bien, dit Porthos, il me semble qu’il y aurait un moyen bien simple.
– Lequel? demanda d’Artagnan.
– Elle est dans un couvent, dites-vous? reprit Porthos.
– Oui.
– Eh bien, aussitôt le siège fini, nous l’enlevons de ce couvent.
– Mais encore faut-il savoir dans quel couvent elle est.
– C’est juste, dit Porthos.
– Mais, j’y pense, dit Athos, ne prétendez-vous pas, cher d’Artagnan, que c’est la reine qui a fait choix de ce couvent pour elle?
– Oui, je le crois du moins.
– Eh bien, mais Porthos nous aidera là-dedans.
– Et comment cela, s’il vous plaît?
– Mais par votre marquise, votre duchesse, votre princesse; elle doit avoir le bras long.
– Chut! dit Porthos en mettant un doigt sur ses lèvres, je la crois cardinaliste et elle ne doit rien savoir.
– Alors, dit Aramis, je me charge, moi, d’en avoir des nouvelles.
– Vous, Aramis, s’écrièrent les trois amis, vous, et comment cela?
– Par l’aumônier de la reine, avec lequel je suis fort lié…», dit Aramis en rougissant.
Et sur cette assurance, les quatre amis, qui avaient achevé leur modeste repas, se séparèrent avec promesse de se revoir le soir même: d’Artagnan retourna aux Minimes, et les trois mousquetaires rejoignirent le quartier du roi, où ils avaient à faire préparer leur logis.
CHAPITRE XLIII
À peine arrivé au camp, le roi, qui avait si grande hâte de se trouver en face de l’ennemi, et qui, à meilleur droit que le cardinal, partageait sa haine contre Buckingham, voulut faire toutes les dispositions, d’abord pour chasser les Anglais de l’île de Ré, ensuite pour presser le siège de La Rochelle; mais, malgré lui, il fut retardé par les dissensions qui éclatèrent entre MM. de Bassompierre et Schomberg, contre le duc d’Angoulême.
MM. de Bassompierre et Schomberg étaient maréchaux de France, et réclamaient leur droit de commander l’armée sous les ordres du roi; mais le cardinal, qui craignait que Bassompierre, huguenot au fond du cœur, ne pressât faiblement les Anglais et les Rochelois, ses frères en religion, poussait au contraire le duc d’Angoulême, que le roi, à son instigation, avait nommé lieutenant général. Il en résulta que, sous peine de voir MM. de Bassompierre et Schomberg déserter l’armée, on fut obligé de faire à chacun un commandement particulier: Bassompierre prit ses quartiers au nord de la ville, depuis La Leu jusqu’à Dompierre; le duc d’Angoulême à l’est, depuis Dompierre jusqu’à Périgny; et M. de Schomberg au midi, depuis Périgny jusqu’à Angoutin.
Le logis de Monsieur était à Dompierre.
Le logis du roi était tantôt à Étré, tantôt à La Jarrie.
Enfin le logis du cardinal était sur les dunes, au pont de La Pierre, dans une simple maison sans aucun retranchement.
De cette façon, Monsieur surveillait Bassompierre; le roi, le duc d’Angoulême, et le cardinal, M. de Schomberg.
Aussitôt cette organisation établie, on s’était occupé de chasser les Anglais de l’île.
La conjoncture était favorable: les Anglais, qui ont, avant toute chose, besoin de bons vivres pour être de bons soldats, ne mangeant que des viandes salées et de mauvais biscuits, avaient force malades dans leur camp; de plus, la mer, fort mauvaise à cette époque de l’année sur toutes les côtes de l’océan, mettait tous les jours quelque petit bâtiment à mal; et la plage, depuis la pointe de l’Aiguillon jusqu’à la tranchée, était littéralement, à chaque marée, couverte des débris de pinasses, de roberges et de felouques; il en résultait que, même les gens du roi se tinssent-ils dans leur camp, il était évident qu’un jour ou l’autre Buckingham, qui ne demeurait dans l’île de Ré que par entêtement, serait obligé de lever le siège.
Mais, comme M. de Toiras fit dire que tout se préparait dans le camp ennemi pour un nouvel assaut, le roi jugea qu’il fallait en finir et donna les ordres nécessaires pour une affaire décisive.
Notre intention n’étant pas de faire un journal de siège, mais au contraire de n’en rapporter que les événements qui ont trait à l’histoire que nous racontons, nous nous contenterons de dire en deux mots que l’entreprise réussit au grand étonnement du roi et à la grande gloire de M. le cardinal. Les Anglais, repoussés pied à pied, battus dans toutes les rencontres, écrasés au passage de l’île de Loix, furent obligés de se rembarquer, laissant sur le champ de bataille deux mille hommes parmi lesquels cinq colonels, trois lieutenant-colonels, deux cent cinquante capitaines et vingt gentilshommes de qualité, quatre pièces de canon et soixante drapeaux qui furent apportés à Paris par Claude de Saint-Simon, et suspendus en grande pompe aux voûtes de Notre-Dame.
Des Te Deum furent chantés au camp, et de là se répandirent par toute la France.
Le cardinal resta donc maître de poursuivre le siège sans avoir, du moins momentanément, rien à craindre de la part des Anglais.
Mais, comme nous venons de le dire, le repos n’était que momentané.
Un envoyé du duc de Buckingham, nommé Montaigu, avait été pris, et l’on avait acquis la preuve d’une ligue entre l’Empiré, l’Espagne, l’Angleterre et la Lorraine.
Cette ligue était dirigée contre la France.
De plus, dans le logis de Buckingham, qu’il avait été forcé d’abandonner plus précipitamment qu’il ne l’avait cru, on avait trouvé des papiers qui confirmaient cette ligue, et qui, à ce qu’assure M. le cardinal dans ses mémoires, compromettaient fort Mme de Chevreuse, et par conséquent la reine.
C’était sur le cardinal que pesait toute la responsabilité, car on n’est pas ministre absolu sans être responsable; aussi toutes les ressources de son vaste génie étaient-elles tendues nuit et jour, et occupées à écouter le moindre bruit qui s’élevait dans un des grands royaumes de l’Europe.
Le cardinal connaissait l’activité et surtout la haine de Buckingham; si la ligue qui menaçait la France triomphait, toute son influence était perdue: la politique espagnole et la politique autrichienne avaient leurs représentants dans le cabinet du Louvre, où elles n’avaient encore que des partisans; lui Richelieu, le ministre français, le ministre national par excellence, était perdu. Le roi, qui, tout en lui obéissant comme un enfant, le haïssait comme un enfant hait son maître, l’abandonnait aux vengeances réunies de Monsieur et de la reine; il était donc perdu, et peut-être la France avec lui. Il fallait parer à tout cela.
Aussi vit-on les courriers, devenus à chaque instant plus nombreux, se succéder nuit et jour dans cette petite maison du pont de La Pierre, où le cardinal avait établi sa résidence.
C’étaient des moines qui portaient si mal le froc, qu’il était facile de reconnaître qu’ils appartenaient surtout à l’église militante; des femmes un peu gênées dans leurs costumes de pages, et dont les larges trousses ne pouvaient entièrement dissimuler les formes arrondies; enfin des paysans aux mains noircies, mais à la jambe fine, et qui sentaient l’homme de qualité à une lieue à la ronde.
Puis encore d’autres visites moins agréables, car deux ou trois fois le bruit se répandit que le cardinal avait failli être assassiné.
Il est vrai que les ennemis de Son Éminence disaient que c’était elle-même qui mettait en campagne les assassins maladroits, afin d’avoir le cas échéant le droit d’user de représailles; mais il ne faut croire ni à ce que disent les ministres, ni à ce que disent leurs ennemis.