La Reine Margot Tome I
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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Autant Coconnas avait mis de verve et de pantalonnade dans son discours, autant La Mole venait de déployer de sensibilité, de puissance enivrante et de câline humilité dans sa supplique.
Les yeux de Henriette se détournèrent de La Mole, qu’elle avait écouté tout le temps qu’il venait de parler, et se portèrent sur Coconnas pour voir si l’expression du visage du gentilhomme était en harmonie avec l’oraison amoureuse de son ami. Il paraît qu’elle en fut satisfaite, car rouge, haletante, vaincue, elle dit à Coconnas avec un sourire qui découvrait une double rangée de perles enchâssées dans du corail:
– Est-ce vrai?
– Mordi! s’écria Coconnas fasciné par ce regard, et brûlant des feux du même fluide, c’est vrai!… Oh! oui, madame, c’est vrai, vrai sur votre vie, vrai sur ma mort!
– Alors; venez donc! dit Henriette en lui tendant la main avec un abandon qui trahissait la langueur de ses yeux.
Coconnas jeta en l’air son toquet de velours et d’un bond fut près de la jeune femme, tandis que La Mole, rappelé de son côté par un geste de Marguerite, faisait avec son ami un chassé-croisé amoureux.
En ce moment René apparut à la porte du fond.
– Silence!… s’écria-t-il avec un accent qui éteignit toute cette flamme; silence!
Et l’on entendit dans l’épaisseur de la muraille le frôlement du fer grinçant dans une serrure et le cri d’une porte roulant sur ses gonds.
– Mais, dit Marguerite fièrement, il me semble que personne n’a le droit d’entrer ici quand nous y sommes!
– Pas même la reine mère? murmura René à son oreille.
Marguerite s’élança aussitôt par l’escalier extérieur, attirant La Mole après elle; Henriette et Coconnas, à demi enlacés, s’enfuirent sur leurs traces, tous quatre s’envolant comme s’envolent, au premier bruit indiscret, les oiseaux gracieux qu’on a vus se becqueter sur une branche en fleur.
XX Les poules noires
Il était temps que les deux couples disparussent. Catherine mettait la clef dans la serrure de la seconde porte au moment où Coconnas et madame de Nevers sortaient par l’issue du fond, et Catherine en entrant put entendre le craquement de l’escalier sous les pas des fugitifs.
Elle jeta autour d’elle un regard inquisiteur, et arrêtant enfin son œil soupçonneux sur René, qui se trouvait debout et incliné devant elle:
– Qui était là? demanda-t-elle.
– Des amants qui se sont contentés de ma parole quand je leur ai assuré qu’ils s’aimaient.
– Laissons cela, dit Catherine en haussant les épaules; n’y a-t-il plus personne ici?
– Personne que Votre Majesté et moi.
– Avez-vous fait ce que je vous ai dit?
– À propos des poules noires?
– Oui.
– Elles sont prêtes, madame.
– Ah! si vous étiez juif! murmura Catherine.
– Moi, juif, madame, pourquoi?
– Parce que vous pourriez lire les livres précieux qu’ont écrits les Hébreux sur les sacrifices. Je me suis fait traduire l’un d’eux, et j’ai vu que ce n’était ni dans le cœur ni dans le foie, comme les Romains, que les Hébreux cherchaient les présages: c’était dans la disposition du cerveau et dans la figuration des lettres qui y sont tracées par la main toute-puissante de la destinée.
– Oui, madame! je l’ai aussi entendu dire par un vieux rabbin de mes amis.
– Il y a, dit Catherine, des caractères ainsi dessinés qui ouvrent toute une voie prophétique; seulement les savants chaldéens recommandent…
– Recommandent… quoi? demanda René, voyant que la reine hésitait à continuer.
– Recommandent que l’expérience se fasse sur des cerveaux humains, comme étant plus développés et plus sympathiques à la volonté du consultant.
– Hélas! madame, dit René, Votre Majesté sait bien que c’est impossible!
– Difficile du moins, dit Catherine; car si nous avions su cela à la Saint-Barthélemy… hein, René! Quelle riche récolte! Le premier condamné… j’y songerai. En attendant, demeurons dans le cercle du possible… La chambre des sacrifices est-elle préparée?
– Oui, madame.
– Passons-y.
René alluma une bougie faite d’éléments étranges et dont l’odeur, tantôt subtile et pénétrante, tantôt nauséabonde et fumeuse, révélait l’introduction de plusieurs matières: puis éclairant Catherine, il passa le premier dans la cellule.
Catherine choisit elle-même parmi tous les instruments de sacrifice un couteau d’acier bleuissant, tandis que René allait chercher une des deux poules qui roulaient dans un coin leur œil d’or inquiet.
– Comment procéderons-nous?
– Nous interrogerons le foie de l’une et le cerveau de l’autre. Si les deux expériences nous donnent les mêmes résultats, il faudra bien croire, surtout si ces résultats se combinent avec ceux précédemment obtenus.
– Par où commencerons-nous?
– Par l’expérience du foie.
– C’est bien, dit René. Et il attacha la poule sur le petit autel à deux anneaux placés aux deux extrémités, de manière que l’animal renversé sur le dos ne pouvait que se débattre sans bouger de place. Catherine lui ouvrit la poitrine d’un seul coup de couteau.
La poule jeta trois cris, et expira après s’être assez longtemps débattue.
– Toujours trois cris, murmura Catherine, trois signes de mort. Puis elle ouvrit le corps.
– Et le foie pendant à gauche, continua-t-elle, toujours à gauche, triple mort suivie d’une déchéance. Sais-tu, René, que c’est effrayant?
– Il faut voir, madame, si les présages de la seconde victime coïncideront avec ceux de la première.
René détacha le cadavre de la poule et le jeta dans un coin; puis il alla vers l’autre, qui, jugeant de son sort par celui de sa compagne, essaya de s’y soustraire en courant tout autour de la cellule, et qui enfin, se voyant prise dans un coin, s’envola par-dessus la tête de René, et s’en alla dans son vol éteindre la bougie magique que tenait à la main Catherine.
– Vous le voyez, René, dit la reine. C’est ainsi que s’éteindra notre race. La mort soufflera dessus et elle disparaîtra de la surface de la terre. Trois fils, cependant, trois fils!… murmura-t-elle tristement.
René lui prit des mains la bougie éteinte et alla la rallumer dans la pièce à côté. Quand il revint, il vit la poule qui s’était fourré la tête dans l’entonnoir.
– Cette fois, dit Catherine, j’éviterai les cris, car je lui trancherai la tête d’un seul coup.