La Reine Margot Tome I
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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René la précéda, et, quelques instants après, tous deux se trouvèrent dans la boutique du parfumeur.
– Tu m’avais promis de nouveaux cosmétiques pour mes mains et pour mes lèvres, René, dit-elle; voici l’hiver, et tu sais que j’ai la peau fort sensible au froid.
– Je m’en suis déjà occupé, madame, et je vous les porterai demain.
– Demain soir tu ne me trouverais pas avant neuf ou dix heures. Pendant la journée je fais mes dévotions.
– Bien, madame, je serai au Louvre à neuf heures.
– Madame de Sauve a de belles mains et de belles lèvres, dit d’un ton indifférent Catherine; et de quelle pâte se sert-elle?
– Pour ses mains?
– Oui, pour ses mains d’abord.
– De pâte à l’héliotrope.
– Et pour ses lèvres?
– Pour ses lèvres, elle va se servir du nouvel opiat que j’ai inventé et dont je comptais porter demain une boîte à Votre Majesté en même temps qu’à elle.
Catherine resta un instant pensive.
– Au reste, elle est belle, cette créature, dit-elle, répondant toujours à sa secrète pensée, et il n’y a rien d’étonnant à cette passion du Béarnais.
– Et surtout dévouée à Votre Majesté, dit René, à ce que je crois du moins. Catherine sourit et haussa les épaules.
– Lorsqu’une femme aime, dit-elle, est-ce qu’elle est jamais dévouée à un autre qu’à son amant! Tu lui as fait quelque philtre, René.
– Je vous jure que non, madame.
– C’est bien! n’en parlons plus. Montre-moi donc cet opiat nouveau dont tu me parlais, et qui doit lui faire les lèvres plus fraîches et plus roses encore.
René s’approcha d’un rayon et montra à Catherine six petites boîtes d’argent de la même forme, c’est-à-dire rondes, rangées les unes à côté des autres.
– Voilà le seul philtre qu’elle m’ait demandé, dit René; il est vrai, comme le dit Votre Majesté, que je l’ai composé exprès pour elle, car elle a les lèvres si fines et si tendres que le soleil et le vent les gercent également.
Catherine ouvrit une de ces boîtes, elle contenait une pâte du carmin le plus séduisant.
– René, dit-elle, donne-moi de la pâte pour mes mains; j’en emporterai avec moi.
René s’éloigna avec la bougie et s’en alla chercher dans un compartiment particulier ce que lui demandait la reine. Cependant il ne se retourna pas si vite, qu’il ne crût voir que Catherine, par un brusque mouvement, venait de prendre une boîte et de la cacher sous sa mante. Il était trop familiarisé avec ces soustractions de la reine mère pour avoir la maladresse de paraître s’en apercevoir. Aussi, prenant la pâte demandée enfermée dans un sac de papier fleurdelisé:
– Voici, madame, dit-il.
– Merci, René! reprit Catherine. Puis, après un moment de silence: Ne porte cet opiat à madame de Sauve que dans huit ou dix jours, je veux être la première à en faire l’essai.
Et elle s’apprêta à sortir.
– Votre Majesté veut-elle que je la reconduise? dit René.
– Jusqu’au bout du pont seulement, répondit Catherine; mes gentilshommes m’attendent là avec ma litière.
Tous deux sortirent et gagnèrent le coin de la rue de la Barillerie, où quatre gentilshommes à cheval et une litière sans armoiries attendaient Catherine.
En rentrant chez lui, le premier soin de René fut de compter ses boîtes d’opiat. Il en manquait une.
XXI L’appartement de Madame de Sauve
Catherine ne s’était pas trompée dans ses soupçons. Henri avait repris ses habitudes, et chaque soir il se rendait chez madame de Sauve. D’abord, il avait exécuté cette excursion avec le plus grand secret, puis, peu à peu, il s’était relâché de sa défiance, avait négligé les précautions, de sorte que Catherine n’avait pas eu de peine à s’assurer que la reine de Navarre continuait d’être de nom Marguerite, de fait madame de Sauve.
Nous avons dit deux mots, au commencement de cette histoire, de l’appartement de madame de Sauve; mais la porte ouverte par Dariole au roi de Navarre s’est hermétiquement refermée sur lui, de sorte que cet appartement, théâtre des mystérieuses amours du Béarnais, nous est complètement inconnu.
Ce logement, du genre de ceux que les princes fournissent à leurs commensaux dans les palais qu’ils habitent, afin de les avoir à leur portée, était plus petit et moins commode que n’eût certainement été un logement situé par la ville. Il était, comme on le sait déjà, placé au second, à peu près au-dessus de celui de Henri, et la porte s’en ouvrait sur un corridor dont l’extrémité était éclairée par une fenêtre ogivale à petits carreaux enchâssés de plomb, laquelle, même dans les plus beaux jours de l’année, ne laissait pénétrer qu’une lumière douteuse. Pendant l’hiver, dès trois heures de l’après-midi, on était obligé d’y allumer une lampe, qui, ne contenant, été comme hiver, que la même quantité d’huile, s’éteignait alors vers les dix heures du soir, et donnait ainsi, depuis que les jours d’hiver étaient arrivés, une plus grande sécurité aux deux amants.
Une petite antichambre tapissée de damas de soie à larges fleurs jaunes, une chambre de réception tendue de velours bleu, une chambre à coucher, dont le lit à colonnes torses et à rideau de satin cerise enchâssait une ruelle ornée d’un miroir garni d’argent et de deux tableaux tirés des amours de Vénus et d’Adonis; tel était le logement, aujourd’hui l’on dirait le nid, de la charmante fille d’atours de la reine Catherine de Médicis.
En cherchant bien on eût encore, en face d’une toilette garnie de tous ses accessoires, trouvé, dans un coin sombre de cette chambre, une petite porte ouvrant sur une espèce d’oratoire, où, exhaussé sur deux gradins, s’élevait un prie-Dieu. Dans cet oratoire étaient pendues à la muraille, et comme pour servir de correctif aux deux tableaux mythologiques dont nous avons parlé, trois ou quatre peintures du spiritualisme le plus exalté. Entre ces peintures étaient suspendues, à des clous dorés, des armes de femme; car, à cette époque de mystérieuses intrigues, les femmes portaient des armes comme les hommes, et, parfois, s’en servaient aussi habilement qu’eux.
Ce soir-là, qui était le lendemain du jour où s’étaient passées chez maître René les scènes que nous avons racontées, madame de Sauve, assise dans sa chambre à coucher sur un lit de repos, racontait à Henri ses craintes et son amour, et lui donnait comme preuve de ces craintes et de cet amour le dévouement qu’elle avait montré dans la fameuse nuit qui avait suivi celle de la Saint-Barthélemy, nuit que Henri, on se le rappelle, avait passée chez sa femme.
Henri, de son côté, lui exprimait sa reconnaissance. Madame de Sauve était charmante ce soir-là dans son simple peignoir de batiste, et Henri était très reconnaissant.