La Reine Margot Tome I
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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– C’est indispensable, répondit René.
– En ce cas, je me nomme le comte Annibal de Coconnas, dit la même voix qui avait déjà parlé.
– Et moi, le comte Lerac de la Mole, dit une autre voix qui, pour la première fois, se faisait entendre.
– Attendez, attendez, messieurs, je suis à vous. Et en même temps René, tirant les verrous, enlevant les barres, ouvrit aux deux jeunes gens la porte qu’il se contenta de fermer à la clef; puis, les conduisant par l’escalier extérieur, il les introduisit dans le second compartiment. La Mole, en entrant, fit le signe de la croix sous son manteau; il était pâle, et sa main tremblait sans qu’il pût réprimer cette faiblesse. Coconnas regarda chaque chose l’une après l’autre, et trouvant au milieu de son examen la porte de la cellule, il voulut l’ouvrir.
– Permettez, mon gentilhomme, dit René de sa voix grave et en posant sa main sur celle de Coconnas, les visiteurs qui me font l’honneur d’entrer ici n’ont la jouissance que de cette partie de la chambre.
– Ah! c’est différent, reprit Coconnas; et, d’ailleurs, je sens que j’ai besoin de m’asseoir. Et il se laissa aller sur une chaise.
Il se fit un instant de profond silence: maître René attendait que l’un ou l’autre des deux jeunes gens s’expliquât. Pendant ce temps, on entendait la respiration sifflante de Coconnas, encore mal guéri.
– Maître René, dit-il enfin, vous êtes un habile homme, dites-moi donc si je demeurerai estropié de ma blessure, c’est-à-dire si j’aurai toujours cette courte respiration qui m’empêche de monter à cheval, de faire des armes et de manger des omelettes au lard.
René approcha son oreille de la poitrine de Coconnas, et écouta attentivement le jeu des poumons.
– Non, monsieur le comte, dit-il, vous guérirez.
– En vérité?
– Je vous l’affirme.
– Vous me faites plaisir. Il se fit un nouveau silence.
– Ne désirez-vous pas savoir encore autre chose, monsieur le comte?
– Si fait, dit Coconnas; je désire savoir si je suis véritablement amoureux.
– Vous l’êtes, dit René.
– Comment le savez-vous?
– Parce que vous le demandez.
– Mordi! je crois que vous avez raison. Mais de qui?
– De celle qui dit maintenant à tout propos le juron que vous venez de dire.
– En vérité, dit Coconnas stupéfait, maître René, vous êtes un habile homme. À ton tour, La Mole. La Mole rougit et demeura embarrassé.
– Eh! que diable! dit Coconnas, parle donc!
– Parlez, dit le Florentin.
– Moi, monsieur René, balbutia La Mole dont la voix se rassura peu à peu, je ne veux pas vous demander si je suis amoureux, car je sais que je le suis et ne m’en cache point; mais dites-moi si je serai aimé, car en vérité tout ce qui m’était d’abord un sujet d’espoir tourne maintenant contre moi.
– Vous n’avez peut-être pas fait tout ce qu’il faut faire pour cela.
– Qu’y a-t-il à faire, monsieur, qu’à prouver par son respect et son dévouement à la dame de ses pensées qu’elle est véritablement et profondément aimée?
– Vous savez, dit René, que ces démonstrations sont parfois bien insignifiantes.
– Alors, il faut désespérer?
– Non, alors il faut recourir à la science. Il y a dans la nature humaine des antipathies qu’on peut vaincre, des sympathies qu’on peut forcer. Le fer n’est pas l’aimant; mais en l’aimantant, à son tour il attire le fer.
– Sans doute, sans doute, murmura La Mole; mais je répugne à toutes ces conjurations.
– Ah! si vous répugnez, dit René, alors il ne fallait pas venir.
– Allons donc, allons donc, dit Coconnas, vas-tu faire l’enfant à présent? Monsieur René, pouvez-vous me faire voir le diable?
– Non, monsieur le comte.
– J’en suis fâché, j’avais deux mots à lui dire, et cela eût peut-être encouragé La Mole.
– Eh bien, soit! dit La Mole, abordons franchement la question. On m’a parlé de figures en cire modelées à la ressemblance de l’objet aimé. Est-ce un moyen?
– Infaillible.
– Et rien, dans cette expérience, ne peut porter atteinte à la vie ni à la santé de la personne qu’on aime?
– Rien.
– Essayons donc.
– Veux-tu que je commence? dit Coconnas.
– Non, dit La Mole, et, puisque me voilà engagé, j’irai jusqu’au bout.
– Désirez-vous beaucoup, ardemment, impérieusement savoir à quoi vous en tenir, monsieur de la Mole? demanda le Florentin.
– Oh! s’écria La Mole, j’en meurs, maître René. Au même instant on heurta doucement à la porte de la rue, si doucement que maître René entendit seul ce bruit, et encore parce qu’il s’y attendait sans doute. Il approcha sans affectation, et tout en faisant quelques questions oiseuses à La Mole, son oreille du tuyau et perçut quelques éclats de voix qui parurent le fixer.
– Résumez donc maintenant votre désir, dit-il, et appelez la personne que vous aimez.
La Mole s’agenouilla comme s’il eût parlé à une divinité, et René, passant dans le premier compartiment, glissa sans bruit par l’escalier extérieur: un instant après des pas légers effleuraient le plancher de la boutique.
La Mole, en se relevant, vit devant lui maître René; le Florentin tenait à la main une petite figurine de cire d’un travail assez médiocre; elle portait une couronne et un manteau.
– Voulez-vous toujours être aimé de votre royale maîtresse? demanda le parfumeur.
– Oui, dût-il m’en coûter la vie, dussé-je y perdre mon âme, répondit La Mole.
– C’est bien, dit le Florentin en prenant du bout des doigts quelques gouttes d’eau dans une aiguière et en les secouant sur la tête de la figurine en prononçant quelques mots latins.
La Mole frissonna, il comprit qu’un sacrilège s’accomplissait.
– Que faites-vous? demanda-t-il.
– Je baptise cette petite figurine du nom de Marguerite.
– Mais dans quel but?
– Pour établir la sympathie. La Mole ouvrait la bouche pour l’empêcher d’aller plus avant, mais un regard railleur de Coconnas l’arrêta. René, qui avait vu le mouvement, attendit.
– Il faut la pleine et entière volonté, dit-il.
– Faites, répondit La Mole. René traça sur une petite banderole de papier rouge quelques caractères cabalistiques, les passa dans une aiguille d’acier, et avec cette aiguille, piqua la statuette au cœur. Chose étrange! à l’orifice de la blessure apparut une gouttelette de sang, puis il mit le feu au papier.