La Reine Margot Tome I
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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– Ah diable! fit l’hôte se grattant l’oreille.
– Eh bien?
– Deux chevaux, vous dites?
– Oui, dans l’écurie.
– Et deux valises?
– Oui, dans la chambre.
– C’est que, voyez-vous… vous m’aviez cru mort, n’est-ce pas?
– Certainement.
– Vous avouez que, puisque vous vous êtes trompés, je pouvais bien me tromper de mon côté.
– En nous croyant morts aussi? vous étiez parfaitement libre.
– Ah! voilà!… c’est que, comme vous mouriez intestat…, continua maître La Hurière.
– Après?
– J’ai cru, j’ai eu tort, je le vois bien maintenant…
– Qu’avez-vous cru, voyons?
– J’ai cru que je pouvais hériter de vous.
– Ah! ah! firent les deux jeunes gens.
– Je n’en suis pas moins on ne peut plus satisfait que vous soyez vivants, messieurs.
– De sorte que vous avez vendu nos chevaux? dit Coconnas.
– Hélas! dit La Hurière.
– Et nos valises? continua La Mole.
– Oh! les valises! non…, s’écria La Hurière, mais seulement ce qu’il y avait dedans.
– Dis donc, La Mole, reprit Coconnas, voilà, ce me semble, un hardi coquin… Si nous l’étripions?
Cette menace parut faire un grand effet sur maître La Hurière, qui hasarda ces paroles:
– Mais, messieurs, on peut s’arranger, ce me semble.
– Écoute, dit La Mole, c’est moi qui ai le plus à me plaindre de toi.
– Certainement, monsieur le comte, car je me rappelle que, dans un moment de folie, j’ai eu l’audace de vous menacer.
– Oui, d’une balle qui m’est passée à deux pouces au-dessus de la tête.
– Vous croyez?
– J’en suis sûr.
– Si vous en êtes sûr, monsieur de la Mole, dit La Hurière en ramassant sa casserole d’un air innocent, je suis trop votre serviteur pour vous démentir.
– Eh bien, dit La Mole, pour ma part, je ne te réclame rien.
– Comment, mon gentilhomme!…
– Si ce n’est…
– Aïe! aïe!… fit La Hurière.
– Si ce n’est un dîner pour moi et mes amis toutes les fois que je me trouverai dans ton quartier.
– Comment donc! s’écria La Hurière ravi, à vos ordres, mon gentilhomme, à vos ordres!
– Ainsi, c’est chose convenue?
– De grand cœur… Et vous, monsieur de Coconnas, continua l’hôte, souscrivez-vous au marché?
– Oui; mais, comme mon ami, j’y mets une petite condition.
– Laquelle?
– C’est que vous rendrez à M. de La Mole les cinquante écus que je lui dois et que je vous ai confiés.
– À moi, monsieur! Et quand cela?
– Un quart d’heure avant que vous vendissiez mon cheval et ma valise. La Hurière fit un signe d’intelligence.
– Ah! je comprends! dit-il.
Et il s’avança vers une armoire, en tira, l’un après l’autre, cinquante écus qu’il apporta à La Mole.
– Bien, monsieur, dit le gentilhomme, bien! servez-nous une omelette. Les cinquante écus seront pour M. Grégoire.
– Oh! s’écria La Hurière, en vérité, mes gentilshommes, vous êtes des cœurs de princes, et vous pouvez compter sur moi à la vie et à la mort.
– En ce cas, dit Coconnas, faites-nous l’omelette demandée, et n’y épargnez ni le beurre ni le lard. Puis se retournant vers la pendule:
– Ma foi, tu as raison, La Mole, dit-il. Nous avons encore trois heures à attendre, autant donc les passer ici qu’ailleurs. D’autant plus que, si je ne me trompe, nous sommes ici presque à moitié chemin du pont Saint-Michel.
Et les deux jeunes gens allèrent reprendre à table et dans la petite pièce du fond la même place qu’ils occupaient pendant cette fameuse soirée du 24 août 1572, pendant laquelle Coconnas avait proposé à La Mole de jouer l’un contre l’autre la première maîtresse qu’ils auraient.
Avouons, à l’honneur de la moralité des deux jeunes gens, que ni l’un ni l’autre n’eut l’idée de faire à son compagnon ce soir-là pareille proposition.
XIX Le logis de maître René, le parfumeur de la reine mère
À l’époque où se passe l’histoire que nous racontons à nos lecteurs, il n’existait, pour passer d’une partie de la ville à l’autre, que cinq ponts, les uns de pierre, les autres de bois; encore ces cinq ponts aboutissaient-ils à la Cité. C’étaient le pont des Meuniers, le Pont-au-Change, le pont Notre-Dame, le Petit-Pont et le pont Saint-Michel.
Aux autres endroits où la circulation était nécessaire, des bacs étaient établis, et tant bien que mal remplaçaient les ponts.
Ces cinq ponts étaient garnis de maisons, comme l’est encore aujourd’hui le Ponte-Vecchio à Florence.
Parmi ces cinq ponts, qui chacun ont leur histoire, nous nous occuperons particulièrement, pour le moment, du pont Saint-Michel.
Le pont Saint-Michel avait été bâti en pierres en 1373: malgré son apparente solidité, un débordement de la Seine le renversa en partie le 31 janvier 1408; en 1416, il avait été reconstruit en bois; mais pendant la nuit du 16 décembre 1547 il avait été emporté de nouveau; vers 1550, c’est-à-dire vingt-deux ans avant l’époque où nous sommes arrivés, on le reconstruisit en bois, et, quoiqu’on eût déjà eu besoin de le réparer, il passait pour assez solide.
Au milieu des maisons qui bordaient la ligne du pont, faisant face au petit îlot sur lequel avaient été brûlés les Templiers, et où pose aujourd’hui le terre-plein du Pont-Neuf, on remarquait une maison à panneaux de bois sur laquelle un large toit s’abaissait comme la paupière d’un œil immense. À la seule fenêtre qui s’ouvrît au premier étage, au-dessus d’une fenêtre et d’une porte de rez-de-chaussée hermétiquement fermée, transparaissait une lueur rougeâtre qui attirait les regards des passants sur la façade basse, large, peinte en bleu avec de riches moulures dorées. Une espèce de frise, qui séparait le rez-de-chaussée du premier étage, représentait une foule de diables dans des attitudes plus grotesques les unes que les autres, et un large ruban, peint en bleu comme la façade, s’étendait entre la frise et la fenêtre du premier, avec cette inscription: