La Reine Margot Tome I
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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– J’aurais mieux aimé votre main seule, dit maître Caboche en secouant la tête, car je ne manque pas d’or; mais de mains qui touchent la mienne, tout au contraire, j’en chôme fort. N’importe! Dieu vous bénisse, mon gentilhomme.
– Ainsi donc, mon ami, dit Coconnas regardant avec curiosité le bourreau, c’est vous qui donnez la gêne, qui rouez, qui écartelez, qui coupez les têtes, qui brisez les os. Ah! ah! je suis bien aise d’avoir fait votre connaissance.
– Monsieur, dit maître Caboche, je ne fais pas tout moi-même; car, ainsi que vous avez vos laquais, vous autres seigneurs, pour faire ce que vous ne voulez pas faire, moi j’ai mes aides, qui font la grosse besogne et qui expédient les manants. Seulement, quand par hasard j’ai affaire à des gentilshommes, comme vous et votre compagnon par exemple, oh! alors c’est autre chose, et je me fais un honneur de m’acquitter moi-même de tous les détails de l’exécution, depuis le premier jusqu’au dernier, c’est-à-dire la question jusqu’au décollement.
Coconnas sentit malgré lui courir un frisson dans ses veines, comme si le coin brutal pressait ses jambes et comme si le fil de l’acier effleurait son cou. La Mole, sans se rendre compte de la cause, éprouva la même sensation.
Mais Coconnas surmonta cette émotion dont il avait honte, et voulant prendre congé de maître Caboche par une dernière plaisanterie:
– Eh bien, maître! lui dit-il, je retiens votre parole quand ce sera mon tour de monter à la potence d’Enguerrand de Marigny ou sur l’échafaud de M. de Nemours, il n’y aura que vous qui me toucherez.
– Je vous le promets.
– Cette fois, dit Coconnas, voici ma main en gage que j’accepte votre promesse.
Et il étendit vers le bourreau une main que le bourreau toucha timidement de la sienne, quoiqu’il fût visible qu’il eût grande envie de la toucher franchement.
À ce simple attouchement, Coconnas pâlit légèrement, mais le même sourire demeura sur ses lèvres; tandis que La Mole, mal à l’aise, et voyant la foule tourner avec la lanterne et se rapprocher d’eux, le tirait par son manteau.
Coconnas, qui, au fond, avait aussi grande envie que La Mole de mettre fin à cette scène dans laquelle, par la pente naturelle de son caractère, il s’était trouvé enfoncé plus qu’il n’eût voulu, fit un signe de tête et s’éloigna.
– Ma foi! dit La Mole quand lui et son compagnon furent arrivés à la croix du Trahoir, conviens que l’on respire mieux ici que sur la place des Halles?
– J’en conviens, dit Coconnas, mais je n’en suis pas moins fort aise d’avoir fait connaissance avec maître Caboche. Il est bon d’avoir des amis partout.
– Même à l’enseigne de la Belle-Étoile, dit La Mole en riant.
– Oh! pour le pauvre maître La Hurière, dit Coconnas, celui-là est mort et bien mort. J’ai vu la flamme de l’arquebuse, j’ai entendu le coup de la balle qui a résonné comme s’il eût frappé sur le bourdon de Notre-Dame, et je l’ai laissé étendu dans le ruisseau avec le sang qui lui sortait par le nez et par la bouche. En supposant que ce soit un ami, c’est un ami que nous avons dans l’autre monde.
Tout en causant ainsi, les deux jeunes gens entrèrent dans la rue de l’Arbre-Sec et s’acheminèrent vers l’enseigne de la Belle-Étoile, qui continuait de grincer à la même place, offrant toujours au voyageur son âtre gastronomique et son appétissante légende.
Coconnas et La Mole s’attendaient à trouver la maison désespérée, la veuve en deuil, et les marmitons un crêpe au bras; mais, à leur grand étonnement, ils trouvèrent la maison en pleine activité, madame La Hurière fort resplendissante, et les garçons plus joyeux que jamais.
– Oh! l’infidèle! dit La Mole, elle se sera remariée! Puis s’adressant à la nouvelle Artémise:
– Madame, lui dit-il, nous sommes deux gentilshommes de la connaissance de ce pauvre M. La Hurière. Nous avons laissé ici deux chevaux et deux valises que nous venons réclamer.
– Messieurs, répondit la maîtresse de la maison après avoir essayé de rappeler ses souvenirs, comme je n’ai pas l’honneur de vous reconnaître, je vais, si vous le voulez bien, appeler mon mari… Grégoire, faites venir votre maître.
Grégoire passa de la première cuisine, qui était le pandémonium général, dans la seconde, qui était le laboratoire où se confectionnaient les plats que maître La Hurière, de son vivant, jugeait dignes d’être préparés par ses savantes mains.
– Le diable m’emporte, murmura Coconnas, si cela ne me fait pas de la peine de voir cette maison si gaie quand elle devrait être si triste! Pauvre La Hurière, va!
– Il a voulu me tuer, dit La Mole, mais je lui pardonne de grand cœur.
La Mole avait à peine prononcé ces paroles, qu’un homme apparut tenant à la main une casserole au fond de laquelle il faisait roussir des oignons qu’il tournait avec une cuiller de bois.
La Mole et Coconnas jetèrent un cri de surprise. À ce cri l’homme releva la tête, et, répondant par un cri pareil, laissa échapper sa casserole, ne conservant à la main que sa cuiller de bois.
– In nomine Patris, dit l’homme en agitant sa cuiller comme il eût fait d’un goupillon, et Filii, et Spiritus sancti…
– Maître La Hurière! s’écrièrent les jeunes gens.
– Messieurs de Coconnas et de la Mole! dit La Hurière.
– Vous n’êtes donc pas mort? fit Coconnas.
– Mais vous êtes donc vivants? demanda l’hôte.
– Je vous ai vu tomber, cependant, dit Coconnas; j’ai entendu le bruit de la balle qui vous cassait quelque chose, je ne sais pas quoi. Je vous ai laissé couché dans le ruisseau, perdant le sang par le nez, par la bouche et même par les yeux.
– Tout cela est vrai comme l’Évangile, monsieur de Coconnas. Mais, ce bruit que vous avez entendu, c’était celui de la balle frappant sur ma salade, sur laquelle, heureusement, elle s’est aplatie; mais le coup n’en a pas été moins rude, et la preuve, ajouta La Hurière en levant son bonnet et montrant sa tête pelée comme un genou, c’est que, comme vous le voyez, il ne m’en est pas resté un cheveu.
Les deux jeunes gens éclatèrent de rire en voyant cette figure grotesque.
– Ah! ah! vous riez! dit La Hurière un peu rassuré, vous ne venez donc pas avec de mauvaises intentions?
– Et vous, maître La Hurière, vous êtes donc guéri de vos goûts belliqueux?
– Oui, ma foi, oui, messieurs; et maintenant…
– Eh bien? maintenant…
– Maintenant, j’ai fait vœu de ne plus voir d’autre feu que celui de ma cuisine.
– Bravo! dit Coconnas, voilà qui est prudent. Maintenant, ajouta le Piémontais, nous avons laissé dans vos écuries deux chevaux, et dans vos chambres deux valises.