La Reine Margot Tome I
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Sur fond de guerres sanglantes, de Saint Barth?l?my ainsi que de la lutte entre Catherine de M?dicis et Henri de Navarre, la premi?re ?pouse de ce dernier, Marguerite de Valois, appel?e la reine Margot, entretient des intrigues amoureuses notoires et violentes… Roman historique qui reste avant tout un roman, ce livre nous fait sentir l'atmosph?re de cette ?poque et appr?hender l'histoire de notre pays!
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Au ton que La Mole mit à prononcer ces derniers mots, au trouble de sa voix, à l’embarras de sa contenance, Marguerite fut illuminée d’une révélation subite.
– Ah! dit-elle, vous avez entendu de ce cabinet tout ce qui a été dit dans cette chambre jusqu’à présent?
– Oui, madame. Ces mots furent soupirés à peine.
– Et vous voulez partir cette nuit, ce soir, pour n’en pas entendre davantage?
– À l’instant même, madame! s’il plaît à Votre Majesté de me le permettre.
– Pauvre enfant! dit Marguerite avec un singulier accent de douce pitié.
Étonné d’une réponse si douce lorsqu’il s’attendait à quelque brusque riposte, La Mole leva timidement la tête; son regard rencontra celui de Marguerite et demeura rivé comme par une puissance magnétique sur le limpide et profond regard de la reine.
– Vous vous sentez donc incapable de garder un secret, monsieur de la Mole? dit doucement Marguerite, qui, penchée sur le dossier de son siège, à moitié cachée par l’ombre d’une tapisserie épaisse, jouissait du bonheur de lire couramment dans cette âme en restant impénétrable elle-même.
– Madame, dit La Mole, je suis une misérable nature, je me défie de moi même, et le bonheur d’autrui me fait mal.
– Le bonheur de qui? dit Marguerite en souriant; ah! oui, le bonheur du roi de Navarre! Pauvre Henri!
– Vous voyez bien qu’il est heureux, madame! s’écria vivement La Mole.
– Heureux?…
– Oui, puisque Votre Majesté le plaint.
Marguerite chiffonnait la soie de son aumônière et en effilait les torsades d’or.
– Ainsi, vous refusez de voir le roi de Navarre, dit-elle, c’est arrêté, c’est décidé dans votre esprit?
– Je crains d’importuner Sa Majesté en ce moment.
– Mais le duc d’Alençon, mon frère?
– Oh! madame, s’écria La Mole, M. le duc d’Alençon! non, non; moins encore M. le duc d’Alençon que le roi de Navarre.
– Parce que…? demanda Marguerite émue au point de trembler en parlant.
– Parce que, quoique déjà trop mauvais huguenot pour être serviteur bien dévoué de Sa Majesté le roi de Navarre, je ne suis pas encore assez bon catholique pour être des amis de M. d’Alençon et de M. de Guise. Cette fois, ce fut Marguerite qui baissa les yeux et qui sentit le coup vibrer au plus profond de son cœur; elle n’eût pas su dire si le mot de La Mole était pour elle caressant ou douloureux. En ce moment Gillonne rentra. Marguerite l’interrogea d’un coup d’œil. La réponse de Gillonne, renfermée aussi dans un regard, fut affirmative. Elle était parvenue à faire passer la clef au roi de Navarre. Marguerite ramena ses yeux sur La Mole, qui demeurait devant elle indécis, la tête penchée sur sa poitrine, et pâle comme l’est un homme qui souffre à la fois du corps et de l’âme.
– Monsieur de la Mole est fier, dit-elle, et j’hésite à lui faire une proposition qu’il refusera sans doute.
La Mole se leva, fit un pas vers Marguerite et voulut s’incliner devant elle en signe qu’il était à ses ordres; mais une douleur profonde, aiguë, brûlante, vint tirer des larmes de ses yeux, et, sentant qu’il allait tomber, il saisit une tapisserie, à laquelle il se soutint.
– Voyez-vous, s’écria Marguerite en courant à lui et en le retenant dans ses bras, voyez-vous, monsieur, que vous avez encore besoin de moi!
Un mouvement à peine sensible agita les lèvres de La Mole.
– Oh! oui! murmura-t-il, comme de l’air que je respire, comme du jour que je vois!
En ce moment trois coups retentirent, frappés à la porte de Marguerite.
– Entendez-vous, madame? dit Gillonne effrayée.
– Déjà! murmura Marguerite.
– Faut-il ouvrir?
– Attends. C’est le roi de Navarre peut-être.
– Oh! madame! s’écria La Mole rendu fort par ces quelques mots, que la reine avait cependant prononcés à voix si basse qu’elle espérait que Gillonne seule les aurait entendus; madame! je vous en supplie à genoux, faites-moi sortir, oui, mort ou vif, madame! Ayez pitié de moi! Oh! vous ne me répondez pas. Eh bien, je vais parler et, quand j’aurai parlé, vous me chasserez, je l’espère.
– Taisez-vous, malheureux! dit Marguerite, qui ressentait un charme infini à écouter les reproches du jeune homme; taisez-vous donc!
– Madame, reprit La Mole, qui ne trouvait pas sans doute dans l’accent de Marguerite cette rigueur à laquelle il s’attendait; madame, je vous le répète, on entend tout de ce cabinet. Oh! ne me faites pas mourir d’une mort que les bourreaux les plus cruels n’oseraient inventer.
– Silence! silence! dit Marguerite.
– Oh! madame, vous êtes sans pitié; vous ne voulez rien écouter, vous ne voulez rien entendre. Mais comprenez donc que je vous aime…
– Silence donc, puisque je vous le dis! interrompit Marguerite en appuyant sa main tiède et parfumée sur la bouche du jeune homme, qui la saisit entre ses deux mains et l’appuya contre ses lèvres.
– Mais…, murmura La Mole.
– Mais taisez-vous donc, enfant! Qu’est-ce donc que ce rebelle qui ne veut pas obéir à sa reine?
Puis, s’élançant hors du cabinet, elle referma la porte, et s’adossant à la muraille en comprimant avec sa main tremblante les battements de son cœur:
– Ouvre, Gillonne! dit-elle. Gillonne sortit de la chambre, et, un instant après, la tête fine, spirituelle et un peu inquiète du roi de Navarre souleva la tapisserie.
– Vous m’avez mandé, madame? dit le roi de Navarre à Marguerite.
– Oui, monsieur. Votre Majesté a reçu ma lettre?
– Et non sans quelque étonnement, je l’avoue, dit Henri en regardant autour de lui avec une défiance bientôt évanouie.
– Et non sans quelque inquiétude, n’est-ce pas, monsieur? ajouta Marguerite.
– Je vous l’avouerai, madame. Cependant, tout entouré que je suis d’ennemis acharnés et d’amis plus dangereux encore peut-être que mes ennemis, je me suis rappelé qu’un soir j’avais vu rayonner dans vos yeux le sentiment de la générosité: c’était le soir de nos noces; qu’un autre jour j’y avais vu briller l’étoile du courage, et, cet autre jour, c’était hier, jour fixé pour ma mort.
– Eh bien, monsieur? dit Marguerite en souriant, tandis que Henri semblait vouloir lire jusqu’au fond de son cœur.
– Eh bien, madame, en songeant à tout cela je me suis dit à l’instant même, en lisant votre billet qui me disait de venir: Sans amis, comme il est, prisonnier, désarmé, le roi de Navarre n’a qu’un moyen de mourir avec éclat, d’une mort qu’enregistre l’histoire, c’est de mourir trahi par sa femme, et je suis venu.