Fernande
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La baronne de Barth?le attend son vieil ami et amant le comte de Montgiroux, pair de France. Son fils Maurice, mari? ? la ni?ce du comte, se meurt de fi?vre c?r?brale. Sur la suggestion du m?decin de Maurice, la baronne a accept? de faire venir ? son ch?teau Mme Ducoudray qui pourrait apaiser la fi?vre du mourant. ? son arriv?e, la dame apprend le but de sa visite, sauver Maurice – Maurice, pr?nom qui ne lui est pas inconnu. Le comte d?couvre lui que Mme Ducoudray n'autre que Fernande,la courtisane qu’il a pris pour ma?tresse. Arrive ensuite Mme de Neuilly, parente de la baronne, veuve envieuse qui reconna?t en Fernande une ancienne pensionnaire d’orphelinat et qui voudrait bien savoir comment elle s'y est pris pour faire ce riche mariage avec M. Ducoudray. Elle r?v?le que Fernande est de sang noble, fille de la famille de Mormant. Par son entremise, Fernande apprend ? son tour que Maurice est en fait le fils du baron…
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En effet, un mauvais génie semblait s’attacher à Fabien chaque fois qu’il voulait entrer en lutte avec Maurice; car, en toutes choses, Maurice avait l’avantage sur lui. Fabien, mécontent de son tailleur, l’avait quitté et avait pris celui de Maurice, croyant que cette nuance de perfection qu’il avait remarquée dans la tournure de son ami, venait de la coupe particulière que Humann donnait à ses vêtements. Or, il s’était fait habiller par Humann, et, comme il était loin d’être un sot, il avait été forcé de s’avouer que son désavantage, à lui, venait d’une certaine rotondité de taille qui appartenait à son organisation. Fabien et Maurice faisaient courir tous deux; mais presque toujours, soit aux courses du Champ de Mars, soit à celles de Chantilly, le cheval de Maurice l’emportait sur celui de Fabien; c’était de peu de chose, sans doute, d’une demi-tête, mais c’était assez pour que Fabien perdît son pari. Alors Fabien, à prix d’argent et sous un autre nom, arrivait à acheter le cheval vainqueur; il débauchait le jockey auquel il attribuait les honneurs du triomphe, et, avec le même jockey et le même cheval qui l’avaient vaincu l’année précédente, il perdait encore, d’un quart de tête, c’est vrai, mais il perdait. Maurice et Fabien étaient joueurs tous deux, beaux joueurs, gros joueurs surtout; tous deux savaient perdre avec calme, mais Maurice seul savait gagner avec insouciance et du même air absolument qu’il perdait. Enfin, on avait prétendu que cette rivalité s’était étendue plus loin encore, s’attaquant à des intérêts où, à défaut du cœur, l’amour-propre est bien autrement en jeu que dans des luttes de toilette, de courses ou de jeu, et que, là encore, Fabien avait été battu par Maurice. Fabien cependant avait eu assez de bonnes fortunes pour arriver à être à la mode; mais Maurice, lui, y avait toujours été. On avait connu à Fabien la princesse de ***, la baronne de ***, lady ***; mais Maurice passait partout pour avoir négligé ces conquêtes.
Comme on le voit, Maurice, en toutes choses, avait donc toujours conservé l’avantage sur Fabien. Aussi ce dernier avait-il juré de se venger un jour, d’une façon éclatante, de sa longue infériorité, et, dans son espoir, le moment était enfin arrivé de prendre sa revanche.
En effet, l’embarras extrême qui se manifesta dans le maintien de Clotilde aussitôt qu’elle sa trouva en tête-à-tête avec lui parut à Fabien d’un favorable augure. En homme habile et accoutumé à mettre en usage tous les moyens qui mènent à bien une intrigue amoureuse, il avait envisagé du premier coup les avantages que lui donnait la proposition que lui avait faite la veille madame de Barthèle, d’amener à Fontenay-aux-Roses cette femme que son fils aimait. Cependant, comme cette complaisance pouvait lui nuire dans l’esprit de Clotilde et neutraliser le bénéfice qu’il comptait tirer de sa jalousie, il s’était, sous prétexte de ménager à Léon de Vaux un tête-à-tête avec Fernande, arrangé de manière à ce que ce fût Léon de Vaux qui introduisît sous le toit conjugal la rivale de Clotilde. Lui précéderait son ami d’une heure, et, pendant cette heure, il ferait comprendre à la femme de son ami, que, forcé d’accepter la mission que lui avait donnée madame de Barthèle, il n’avait pas voulu du moins être l’agent actif d’un événement qui, de quelque côté qu’on l’envisageât, présentait toujours quelque chose d’humiliant pour l’amour-propre, et de douloureux pour le cœur de la jeune femme.
Il se fit d’abord de part et d’autre un profond silence; mais il y a des moments où le silence impressionne plus que la parole, si adroite ou si passionnée qu’elle soit: c’est lorsqu’il y a dans le cœur une sorte de retentissement de ce qui se passe dans le cœur des autres. Or, que se passait-il dans le cœur de Fabien? Nous le savons. Mais dans celui de Clotilde? D’où venait chez elle cette agitation intérieure qu’elle s’efforçait de surmonter? S’était-elle aperçue du sentiment qu’elle avait fait naître, c’est-à-dire de ce désir de possession que les femmes distinguent si rarement de l’amour? N’était-elle point indifférente à cet effet de sa beauté, dont jusqu’alors, moitié par respect pour elle, moitié par crainte de Maurice, les jeunes gens qui l’entouraient lui avaient laissé ignorer la puissance? La trahison d’un mari avait-elle eu le fâcheux résultat de laisser pénétrer dans cette jeune âme un sentiment qui ne fût pas en harmonie avec ses devoirs, et déjà secrètement, sans trop s’en rendre compte ni se l’expliquer, comprenait-elle la vengeance? Qui peut le dire? La vanité de la femme se trouve souvent blessée sans qu’elle le sache elle-même, par un de ces instincts de coquetterie inhérents à sa nature. C’est alors que l’esprit perçoit chez elle des idées indécises dont elle ne comprend pas d’abord toute la valeur, mais qui reviennent avec persistance, et qui laissent, à chaque fois qu’elles sont revenues, une trace plus profonde de leur passage. S’il est vrai que les idées soient innées et que notre âme en contienne le germe, ne suffit-il pas du rayon de la première occasion pour les faire éclore, et, une fois écloses, ne se développent-elles pas rapidement par les occasions qui succèdent à la première?
Mais évidement Clotilde était émue, et la présence de Fabien était pour beaucoup dans cette émotion-là. Ce fut elle cependant, peut-être même à cause de ce secret embarras qu’elle sentait peser sur son cœur, qui rompit ce muet préambule. Quant à Fabien, il était trop habile pour ne pas lui laisser remplir jusqu’au bout son rôle de maîtresse de maison, et pour faire cesser un silence plus expressif à ses yeux que toutes les conversations du monde.
– Monsieur, dit-elle, en attendant le retour de madame de Barthèle, je vous propose de jeter avec moi un regard sur des fleurs que l’on dit fort rares, que je trouve fort belles, et que notre jardinier cultive avec beaucoup de soin.
– Je suis à vos ordres, madame, répondit Fabien en s’inclinant avec respect.
Et, à ces mots, comme pour échapper à elle-même par le mouvement, Clotilde sortit du salon, et, suivie de Fabien, traversa la salle de billard et entra dans la serre.
– Voyez, monsieur, dit Clotilde en examinant ces fleurs avec une attention trop affectée pour que cette attention ne cachât point de l’embarras; voyez ces pauvres plantes, elles semblent partager la tristesse de la maison, et elles ont l’air toutes délaissées depuis que Maurice est malade. En effet, je crois que c’est la première fois que j’entre ici depuis huit ou dix jours, et ces fleurs sont trop délicates, j’oserai presque dire trop aristocratiques, pour être abandonnées aux soins d’un simple jardinier.
Fabien la regarda complaisamment caresser ces plantes insensibles; mais de son côté, il ne rompit pas le silence. Se taire, c’était de sa part provoquer un autre genre de conversation. La jeune femme le comprit. Elle releva la tête; mais alors ses yeux rencontrèrent le regard ardent de Fabien, et elle les laissa retomber de nouveau sur ses fleurs. Alors, se voyant dans l’obligation absolue de montrer de l’assurance, dans le maintien du moins, elle se crut bien forte en continuant à prendre pour texte la maladie de son mari. Seulement, de cette maladie, elle choisit le seul épisode peut-être que, dans la situation présente, elle eût dû laisser de côté.
– Monsieur, dit-elle après s’être assise et avoir fait signe à Fabien de s’asseoir sur de grands divans d’étoffe de Perse qui régnaient tout autour de la serre, dont on pouvait soigner les fleurs du dehors; monsieur, dit-elle avec cet air résolu qui trahit le trouble intérieur, vous avez témoigné beaucoup d’enthousiasme en traçant le portrait de madame Ducoudray. C’est le nom, je crois…