Fernande
Fernande читать книгу онлайн
La baronne de Barth?le attend son vieil ami et amant le comte de Montgiroux, pair de France. Son fils Maurice, mari? ? la ni?ce du comte, se meurt de fi?vre c?r?brale. Sur la suggestion du m?decin de Maurice, la baronne a accept? de faire venir ? son ch?teau Mme Ducoudray qui pourrait apaiser la fi?vre du mourant. ? son arriv?e, la dame apprend le but de sa visite, sauver Maurice – Maurice, pr?nom qui ne lui est pas inconnu. Le comte d?couvre lui que Mme Ducoudray n'autre que Fernande,la courtisane qu’il a pris pour ma?tresse. Arrive ensuite Mme de Neuilly, parente de la baronne, veuve envieuse qui reconna?t en Fernande une ancienne pensionnaire d’orphelinat et qui voudrait bien savoir comment elle s'y est pris pour faire ce riche mariage avec M. Ducoudray. Elle r?v?le que Fernande est de sang noble, fille de la famille de Mormant. Par son entremise, Fernande apprend ? son tour que Maurice est en fait le fils du baron…
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– De l’enthousiasme, madame? se hâta d’interrompre Fabien. Permettez moi, je vous en supplie, de vous convaincre que vous vous êtes méprise.
– Je ne le pense pas, reprit Clotilde avec naïveté; j’étais fort attentive à la conversation, d’abord parce qu’elle intéressait Maurice. Vous l’avez dépeinte à madame de Barthèle, non seulement comme une femme distinguée, mais encore comme une beauté remarquable; et la manière dont vous vous êtes exprimé excuse et me fait comprendre maintenant cette passion de Maurice, qui me plonge, – elle se reprit, – qui nous plonge tous ici dans le désespoir.
La réticence involontaire de la jeune femme, car Clotilde n’avait ni l’art ni l’intention de révéler ainsi ses plus secrètes peines, la réticence n’échappa point à Fabien. Madame Maurice de Barthèle, en invoquant un motif d’affliction, avait cru y trouver un point d’appui; mais le nous collectif dont elle rectifia innocemment la première formule, par un effet instantané de sa conscience, dévoilait son âme jusqu’à son dernier repli, et Fabien, en homme habile, se contenta de balbutier quelques paroles vagues. Cette fois, la conversation prenait un ton trop favorable à ses projets pour qu’il cherchât à la détourner.
– Croyez, madame, dit-il, que je prends à votre douleur une part bien vive; si Maurice m’avait écouté…
– Ne l’accusez pas, reprit à son tour Clotilde; il est moins coupable qu’on ne le croit. C’est une erreur sans conséquence, un caprice d’enfant gâté; sa mère et mon oncle l’excusent.
– Sa mère, oui, dit Fabien en souriant; mais permettez-moi de vous dire que j’ai cru remarquer que son oncle avait moins d’indulgence.
– Ce qui prouve que nous valons mieux que vous, messieurs.
– Qui vous conteste cela?
– Ou plutôt, continua Clotilde, c’est que la différence est grande entre la situation de la femme et celle du mari. C’est que le monde… pourquoi? je n’en sais rien… vous relève, messieurs, du crime dont il nous flétrit.
– Vous vous trompez, madame, reprit Fabien, l’opinion du monde ne relève du crime qu’au point de vue social et non au point de vue du sentiment. À cet égard, et je puis le dire à votre égard surtout, madame, le préjugé sous son double aspect me semble absurde.
– Je serai moins sévère que vous, monsieur, répondit la jeune femme en baissant les yeux. Je conçois tout dans cette circonstance, et, croyez-le bien, l’amour-propre ne m’aveugle pas. Le crime de Maurice, – et c’est à dessein que je me sers du mot que vous avez prononcé, pour en changer l’acception, – ce crime est involontaire. J’ai toujours entendu dire, et, si peu expérimentée que je sois en pareille matière, je crois, de mon côté, que la volonté est impuissante dans les choses du cœur et qu’elle ne fait pas plus naître l’amour qu’elle ne peut le faire cesser.
– Hélas! oui, sans doute, s’écria vivement Fabien, et ce que vous dites là, madame, n’est que trop vrai…
Un soupir suspendit la phrase de Fabien au moment où elle allait devenir trop significative, et un trouble parfaitement joué prit la valeur d’un trouble intérieur et comprimé.
Puis, après un moment de silence, il reprit comme s’il lui avait fallu tout ce temps pour maîtriser son émotion:
– Mais, pour ce qui se passe ici, pour ce qui vous concerne, permettez-moi de vous dire toute la vérité, madame. Eh bien, sur l’honneur, je vous le répète, je ne puis concevoir le fol entêtement de Maurice pour cette femme.
– Et cependant vous faisiez tout à l’heure son éloge de façon à excuser une passion si vive qu’elle soit, reprit Clotilde avec une inquiétude mal déguisée.
– Eh! mon Dieu, oui, sans doute, dit Fabien comme vaincu par la vérité. Dans toute autre maison, partout ailleurs, près de toute autre femme, je la trouverais belle peut être; mais, voulez-vous que je vous le dise? sa présence ici m’irrite, et, quoique en apparence, et pour ne pas désobliger madame de Barthèle, je me sois prêté d’abord à cette aventure, maintenant je la désapprouve. Cette femme près de vous, c’est une profanation!
– Ah! monsieur, s’écria Clotilde avec un élan spontané dans lequel, au reste, il y avait plus de fraternité que d’affection conjugale, ce n’est pas dans l’affreuse alternative de sauver ou de perdre un mari qu’il est permis à une femme de réfléchir et d’être sévère sur les moyens qui peuvent amener un résultat comme celui que nous espérons. Souvenez-vous que c’est le docteur, l’ami d’enfance de Maurice, un des médecins les plus distingués de Paris, qui a combiné, exigé tout ceci. D’ailleurs, il n’est au pouvoir de personne de changer le passé… Le danger modifie bien des choses, fait passer par-dessus bien des convenances, et il m’impose, à moi, la patience et la résignation. C’est mon devoir, à ce que l’on m’a dit; je ferai mon devoir, et un jour la reconnaissance de Maurice me récompensera.
– J’éprouve, je l’avoue, quelque surprise, madame, reprit Fabien, de vous entendre parler ainsi, à cette heure. Hier, il m’avait semblé, à la suite de cette scène, à laquelle j’étais si loin de penser que notre visite donnerait lieu, il m’avait semblé, dis-je, remarquer dans votre langage une sorte de douleur et d’indignation que je me suis permis de blâmer. Je n’en comprenais pas bien toute l’importance, je dois en convenir; mais la réflexion et, plus encore, un sentiment qui, depuis hier, s’est éveillé en moi à l’aspect de votre situation, m’ont fait revenir sur ce que je vous avais dit.
– Eh bien, monsieur, répondit Clotilde, depuis hier, il s’est fait en moi un changement tout contraire; oui, monsieur, l’espoir a produit son résultat ordinaire; on pense beaucoup dans la lenteur d’une nuit sans sommeil passée au chevet d’un mourant qui nous est cher. L’indulgence, d’ailleurs, est souvent le secret de la tranquillité, et la tranquillité, c’est presque le bonheur. Vous voyez, monsieur, que je suis raisonnable, et que je puis répondre aujourd’hui à tout ce que vous m’avez fait entendre hier.
– Ai-je donc été assez malheureux, répondit Fabien, pour vous déplaire par ma franchise? Et cependant, hier, je ne vous ai rien dit que je ne sois prêt à vous répéter aujourd’hui. Seulement, aujourd’hui, je vous ai vue une fois de plus; seulement, depuis hier, j’ai pu vous apprécier entièrement, et, à ce que j’ai dit hier, j’ajoute aujourd’hui que je ne comprends pas que l’on puisse vous être infidèle, et que je suis disposé à plaindre votre mari, si vous ne voulez pas absolument que je le blâme.
– Monsieur,… balbutia Clotilde en rougissant et en dénonçant, par un mouvement de retraite involontaire, l’extrême embarras où venait de la jeter Fabien.
– Je me tairai si vous l’exigez absolument, continua le jeune homme; mais, quand nous amenons près de vous la femme qui aveugle votre mari au point de l’empêcher de vous rendre la justice qui devrait vous assurer la supériorité sur toutes les autres femmes, vous me permettrez de déplorer moins encore les moyens que nous employons pour le guérir, que la cause qui met ses jours en péril. Votre bon cœur, je le sens, doit excuser un caprice qui cause de tels ravages; mais votre esprit peut-il les comprendre?