Fernande
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La baronne de Barth?le attend son vieil ami et amant le comte de Montgiroux, pair de France. Son fils Maurice, mari? ? la ni?ce du comte, se meurt de fi?vre c?r?brale. Sur la suggestion du m?decin de Maurice, la baronne a accept? de faire venir ? son ch?teau Mme Ducoudray qui pourrait apaiser la fi?vre du mourant. ? son arriv?e, la dame apprend le but de sa visite, sauver Maurice – Maurice, pr?nom qui ne lui est pas inconnu. Le comte d?couvre lui que Mme Ducoudray n'autre que Fernande,la courtisane qu’il a pris pour ma?tresse. Arrive ensuite Mme de Neuilly, parente de la baronne, veuve envieuse qui reconna?t en Fernande une ancienne pensionnaire d’orphelinat et qui voudrait bien savoir comment elle s'y est pris pour faire ce riche mariage avec M. Ducoudray. Elle r?v?le que Fernande est de sang noble, fille de la famille de Mormant. Par son entremise, Fernande apprend ? son tour que Maurice est en fait le fils du baron…
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– Oui, monsieur Fabien, oui, vous avez raison, dit madame de Barthèle. Tiens, Clotilde, M. de Rieulle me faisait une observation pleine de sens; il disait…
– J’ai entendu ce que disait M. de Rieulle, reprit Clotilde.
– Eh bien, qu’en penses tu?
– Vous avez plus d’expérience que moi, madame, et, je vous l’avoue, je n’oserais pas donner mon avis en pareille circonstance.
– Eh bien, moi, je me range à l’opinion de M. Fabien, dit madame de Barthèle. Écoutez-moi, monsieur de Rieulle, et voyez si mon projet n’est point admirable. Au lieu de parler bas et avec précaution, ainsi que nous l’avons fait jusqu’à présent, je vais faire signe à M. de Montgiroux et au docteur de s’asseoir près du lit de Maurice. Je prendrai à mon tour place à leurs côtés, et, du ton de la conversation ordinaire, j’annoncerai qu’une voisine de campagne nous a fait demander la permission de venir voir notre maison, qu’on lui a vantée pour un modèle de goût. Comme c’est lui qui a tout dirigé ici, cela le flattera, j’en suis convaincue; car il a pour ses idées en fait d’ameublement un amour-propre d’artiste, ce cher enfant; en effet, c’est réellement lui qui a tout dirigé ici: le fait est que la maison n’est plus reconnaissable. Mais que disais-je donc, monsieur de Rieulle?
– Vous disiez, madame, que vous préviendriez Maurice qu’une voisine de campagne…
– Oui. Puis, vous comprenez, je désignerai cette voisine de campagne de manière à lui donner quelques soupçons. «Nous ne saurions refuser, continuerai-je, de satisfaire la curiosité d’une femme jeune et jolie.» J’appuierai sur ces derniers mots. «Bien qu’elle soit un peu extraordinaire, ajouterai-je, toujours en appuyant. Il se pourrait même qu’elle fût un peu légère, ajouterai-je encore en appuyant davantage; mais, à la campagne, une visite unique, qu’on n’est pas obligé de rendre, ne tire pas à conséquence…» Pendant ce temps-là, nous observerons l’effet de ces paroles dites naturellement, ainsi que je viens de vous les dire, comme s’il s’agissait de la chose du monde la plus simple et la plus vraie… Puis je reviendrai vous informer de tout ce qui se sera passé.
Madame de Barthèle fit un mouvement pour sortir du salon; Clotilde se disposa à la suivre. Fabien eut donc un instant la crainte que son plan n’eût pas réussi; mais la baronne arrêta sa belle-fille.
– Attends, attends, chère belle; je réfléchis à une chose, dit-elle: c’est que, comme je veux, à son portrait moral, ajouter quelques détails physiques, il ne faut pas que tu sois là, vois-tu; ta présence le gênerait, mon bel ange. Devant toi, il n’oserait pas m’interroger; car, crois-le bien, au fond du cœur, Maurice reconnaît, j’en suis certaine, les torts affreux qu’il a envers toi.
– Madame!… murmura Clotilde en rougissant.
– Mais voyez donc comme elle est belle, continua la baronne, et si véritablement son mari n’est pas impardonnable! Aussi, quand Maurice sera guéri, si j’ai un conseil à te donner, chère enfant, c’est de le faire un peu enrager à ton tour.
– Et comment cela, madame? demanda Clotilde en levant ses deux grands yeux d’azur sur la baronne.
– Comment? Je te le dirai moi-même. Mais revenons à notre dame. «Elle est arrivée, je l’ai vue.»
– Vous l’avez vue? s’écria Clotilde.
– Mais non, ma chère enfant; c’est pour Maurice qu’elle est arrivée, et non pour toi. «Vous l’avez vue? demandera M. de Montgiroux. – Mais je n’ai fait encore que l’entrevoir, répondrai-je. – Quelle femme est-ce? demandera ton oncle. – Mais une femme…» Au fait, monsieur de Rieulle, comment est-elle? Que je puisse répondre.
Quoique Clotilde ne fît pas un mouvement, il était évident que cette conversation la faisait souffrir, si ce n’est de douleur, du moins de dépit. Fabien suivait les progrès de cette souffrance avec l’œil d’un physiologiste consommé.
– Brune ou blonde? demanda madame de Barthèle, qui, avec sa légèreté naturelle, glissait sans cesse sur les surfaces, et qui, n’approfondissant jamais rien, ne remarquait pas la légère contraction des traits de Clotilde.
– Brune.
– Peut-on aimer une brune, dit madame de Barthèle, quand on a sous les yeux la plus adorable blonde! Enfin, grande ou petite?
– De taille moyenne, mais parfaitement prise.
– Et sa mise?
– D’un goût exquis.
– Simple?
– Oh! de la plus grande simplicité.
– Bien; je vous laisse ensemble. Clotilde, tu viendras me prévenir aussitôt qu’on apercevra la voiture de madame Ducoudray. À propos, comment viendra-t-elle?
– Mais dans sa calèche, probablement; le temps est trop beau pour s’enfermer dans un coupé.
– Ah çà! mais elle a donc des équipages, cette princesse?
– Oui, madame; ils sont même cités pour leur élégance.
– Oh! mon Dieu! mon Dieu! dans quel temps vivons-nous? s’écria madame de Barthèle en sortant du salon et en laissant Fabien seul avec Clotilde.
CHAPITRE V
C’était, comme nous l’avons dit, ce que désirait M. de Rieulle, et depuis qu’il avait vu entrer la jeune femme, il avait constamment manœuvré pour arriver à ce résultat.
Maintenant, disons quelques mots de Fabien de Rieulle, que nous n’avons pas eu le temps encore de faire connaître à nos lecteurs.
Fabien de Rieulle était ce que l’on nomme, dans toute l’acception vulgaire du mot, un bon garçon; il y a plus: au premier coup d’œil, sa mise et ses manières paraissaient satisfaire aux exigences les plus absolues de l’élégance parisienne, et il fallait un regard bien exercé ou un examen très-approfondi pour distinguer en lui les nuances qui séparaient l’homme du gentilhomme.
Fabien avait trente ans, à peu près, quoique au premier abord il ne parût pas son âge. Ses cheveux étaient d’une charmante nuance de châtain foncé, que faisait ressortir une barbe un peu plus pâle de ton et dans laquelle se glissaient quelques poils d’une nuance fort hasardée; ses traits étaient réguliers mais forts, et une couche de rouge un peu trop prononcée, en s’étendant habituellement sur son visage, lui ôtait un peu de cette distinction qui accompagne toujours la pâleur. Grand et bien fait au premier aspect, on sentait cependant que ses membres, fortement accentués, manquaient de finesse dans leurs attaches et de délicatesse dans leurs extrémités; son œil bleu foncé, parfaitement encadré sous un sourcil bien dessiné, ne manquait pas d’une certaine puissance; mais il eût cherché vainement à s’approprier ce regard vague et perdu qui donne tant de charme à la physionomie. Enfin, toute sa personne avait, si l’on peut s’exprimer ainsi, l’élégance acquise, mais non la distinction native; tout ce que l’éducation et la société donnent, mais rien de ce que la nature accorde.
Fabien de Rieulle s’était lié avec Maurice de Barthèle, et c’était certainement la plus grande sottise qu’il eût pu faire; car le voisinage de Maurice servait purement et simplement à rendre visibles toutes ces légères imperfections, qu’il pouvait facilement dissimuler loin de lui.